La dernière et intéressante tribune de Y-L Monthieux, publiée hier, méritait une réponse. Antilla a sollicité Raphaël Confiant. Voici son texte…
La question posée aux Martiniquais par la consultation du 24 janvier 2010 n’était ni moins claire ni plus claire que celle posée le 10 janvier. A la limite, celle de janvier était moins claire ou du moins avait fini par être brouillée par toutes ces analyses juridico-politiques à perte de vue autour de la vraie nature des articles 73 et 74. Il est vrai que le PPM n’était guère clair là-dessus non plus, lui qui, au départ, avait proposé un 74 amendé ou une “troisième voie” dont jusqu’à aujourd’hui on a le plus grand mal à percevoir à quoi elle renvoie exactement.
D’autre part, Yves Monthieux feint d’ignorer qu’une mutation sociétale majeure s’est produite dans notre pays (oui, notre “pays” !) à compter de la fin des années 70. Avant ça, dès que la France entrait en guerre, le Martiniquais se préciptait pour s’enrôler afin d’aller défendre “la mère-patrie” : cela depuis la guerre contre le Mexique au milieu du 19è siècle jusqu’à la 2è guerre mondiale en passant par 1870, la 1è guerre mondiale et la guerre d’Indochine. La première fêlure dans ce patriotisme insulaire a commencé avec la guerre d’Algérie où nombre d’Antillais__et d’abord Frantz Fanon__ont choisi délibérément le camp de “l’ennemi” c’est-à-dire du FLN. Ensuite, au cours du XXe siècle finissant, ce patriotisme est mort de sa belle mort. Quel jeune Martiniquais irait se battre pour la France si une 3è guerre mondiale éclatait ?
Donc, oui, le Martiniquais se sait désormais martiniquais. Il sait qu’il a une identité, une langue, une culture, une histoire etc. différentes de celles des Français. Et il n’hésite pas à l’affirmer haut et fort à l’aide des mots qui semblent hérisser tant Yves Monthieux. Le seul problème et c’est un énorme problème : il tarde à concrétiser dans les urnes cette prise de conscience. Ou plutôt, il vote à 70% pour rester français, non pas parce qu’il aime la France comme son père ou son grand-père, mais par pur intérêt ou par peur de l’inconnu. Comme une femme mariée qui ne veut pas divorcer, même si elle n’aime plus son mari, parce qu’elle sait que son niveau de vie baissera forcément après le divorce…
Si la Droite veut renaître dans ce pays, elle a tout intérêt à prendre acte de cette prise de conscience irréversible et à changer son discours….Raphaël Confiant.