Source : rumreporter.com, par Fabien Humbert
Pour les 10 ans de votre magazine favori 20 personnalités décryptent les 10 dernières années, et donnent des pistes de réflexion pour les 10 prochaines…
Comment le marché du rhum a-t-il évolué au cours des dix dernières années ?
Le marché du rhum a connu un véritable bouleversement au cours de la dernière décennie et la période actuelle est désormais marquée par le retour du goût! Fini l’apologie du « neutre », des spiritueux aseptisés, des eaux-de-vie maintes et maintes fois distillées jusqu’à ne retenir que l’arôme des sodas qui les accompagnent.
Le goût est de retour… je devrais même dire que le bon goût est de retour et cela tombe très bien, car nos rhums en ont à revendre. J’avais fait ce pari il y a de nombreuses années et je dois dire que nous sommes très fiers d’être restés fidèles à nos valeurs et d’avoir veillé à conserver l’identité propre à chacune de nos marques sans jamais céder à la facilité et sans trahir nos origines et les spécificités qui en découlent.
Le deuxième grand enseignement que je tire des années qui viennent de s’écouler est que la segmentation de l’univers du rhum passe par la couleur et donc par le vieillissement de ce dernier. Si l’on peut, à la marge, subdiviser ou catégoriser les rhums blancs par qualités (standard, premium…) ou typologies (mélasse ou pur canne), il ne fait désormais plus aucun doute que le haut de gamme de la catégorie rhum passe par le vieillissement en fût de chêne, plus ou moins long, et bien évidemment les subtils assemblages de nos talentueux maîtres de chais.
En la matière, Rhum CLÉMENT s’est montré précurseur de cette montée en gamme dès la fin des années 2000 en essayant de faire mieux connaître ses rhums vieux sur le marché hexagonal. Cette incursion dans un marché du rhum alors essentiellement constitué de rhums blancs a suscité la curiosité de nombreuses marques originaires de pays tiers, plus ou moins vieillis, et dont certaines d’entre elles font désormais partie du paysage de la distribution française. Force est de constater que ces « rhums exotiques » et souvent qualifiés à juste titre de « gourmands» ont permis de recruter de nouveaux consommateurs qui finiront par évoluer vers des produits plus complexes et plus singuliers.
L’arrivée de ces nouvelles marques, jusqu’alors inconnues en France, aura assurément réveillé la combativité des acteurs historiques… il n’y a rien de tel que la concurrence pour motiver les équipes et les pousser à rivaliser d’ingéniosité !
Il faut aussi souligner les efforts des différentes distilleries en matière de packaging. À l’image de leurs cousins charentais, de nombreux producteurs antillais, guyanais ou réunionnais ont multiplié les initiatives pour créer de très beaux flacons et de magnifiques étiquettes qui ont contribué à renforcer l’attractivité de leurs produits et faire monter en gamme l’ensemble de la catégorie. Si l’on ajoute à cela la multiplication des actions pédagogiques à destination des prescripteurs et des consommateurs afin de mieux faire connaître les spécificités des différents rhums, on peut considérer que la catégorie rhum est sur une rampe de lancement qui devrait la propulser à l’identique de celle qui a placé en orbite les whiskys écossais et les légendaires single malt.
Enfin, en tant qu’acteur historique du « spiritourisme » en Martinique avec 200 000 visiteurs par an pour l’Habitation CLÉMENT et 70000 pour la distillerie de Fonds Préville (Rhum J.M), il est important de rappeler le rôle essentiel que joue l’ouverture au public de nos différents sites de production. Le consommateur du XXIe siècle veut voir, sentir, toucher, comprendre le produit… et cela tombe très bien, car nous n’avons rien à cacher, mais tout à partager.
Comment va-t-il évoluer ces 10 prochaines années ?
2022 et 2023 sont malheureusement des années « paliers » avec une croissance de la consommation principalement freinée par les crises à répétition avec pour corollaire un contexte inflationniste anxiogène qui pousse les consommateurs à privilégier les unités de besoin au détriment des unités de plaisir. C’est hélas une réalité pour le rhum comme pour la plupart des autres catégories qui composent la grande famille des vins et spiritueux.
Il faut donc faire preuve d’optimisme, de patience et se convaincre que les emportements du moment laisseront place à un monde plus apaisé où les occasions de convivialité reprendront enfin le dessus pour le plus grand bonheur de tous… et avec modération. Une fois cet ordre rétabli, j’ai la ferme conviction que l’essor du rhum n’en est encore qu’à ses débuts.
Je pense que la décennie qui s’annonce sera extrêmement prospère pour la catégorie même si l’on peut s’attendre à un « assainissement » de l’offre qui viendra renforcer les positions des acteurs historiques et ceux qui ont apporté la preuve de leur légitimité.
Le rhum n’est pas une boisson spiritueuse lambda.
C’est une catégorie singulière, fruit d’une savante équation qui mêle origine, terroir, matière première agricole et savoir-faire ancestraux. C’est sur ce terrain complexe, mais vertueux que les consommateurs nous attendent et nous nous devons de ne pas les décevoir au risque de voir nos marques tomber en désamour.
Avez-vous une actualité dont vous souhaitez nous faire part ?
Nous venons tout juste de faire l’acquisition de la distillerie Saint-Maurice en Guyane et de sa marque iconique la Belle Cabresse. Cette distillerie signe l’arrivée d’une nouvelle origine au sein de notre portefeuille de marques premium qui compte déjà la Martinique (Rhum Clément et Rhum J.M), Sainte Lucie (Bounty, Chairman’s Reserve et Admiral Rodney) et l’Île Maurice (Arcane, Beach House).
Je pense que peu de groupes peuvent se prévaloir d’une si riche et si belle offre en matière de rhum. Nous en sommes extrêmement fiers, mais nous sommes aussi parfaitement conscients que cela nous oblige à l’excellence. Parallèlement aux efforts continus pour améliorer la qualité de nos produits, nous nous sommes aussi fixé comme objectif de travailler activement sur les questions environnementales.
C’est notamment le cas en Martinique au sein de la distillerie de Fonds Préville (Rhum J.M) au travers du programme EDDEN (Engagés pour le Développement Durable de nos Écosystèmes et de notre Nature), qui porte les innovations de la distillerie en accompagnant concrètement ses ambitions en faveur du développement durable. Cela passe essentiellement par trois grands engagements : cultiver et protéger la terre nourricière, produire en économie circulaire, associer les hommes et les femmes à la transmission de l’excellence.
Rhum Clément n’est pas en reste puisque nous avons aussi lancé cet été la première bouteille écoresponsable, fabriquée à partir de bagasse de canne à sucre. Notre implication dans le « spiritourisme » n’est pas en reste et nous devrions être en mesure d’inaugurer le nouveau site touristique de la distillerie SLD à Sainte Lucie courant 2025. Les travaux ont déjà commencé et le circuit qui s’étendra sur plus de 10 hectares offrira un « rhum expérience » unique à destination du million de visiteurs qui visitent l’île chaque année.
Que représente Rumporter pour vous ?
Rumporter est pour moi le magazine de référence sur l’univers du rhum en France.
On y trouve à peu près tout ce que l’on doit savoir sur ce spiritueux passionnant. Des Informations sur les nouveautés, des articles de fond sur les producteurs, les produits, les tendances qui permettent aux amateurs d’approfondir leurs connaissances et aux novices de s’imprégner de la merveilleuse histoire du rhum.
La forme (papier, photos…) comme le fond (articles, interviews…) sont de grande qualité et participent à faire mieux connaître une catégorie qui intéresse de plus en plus de consommateurs. Un grand bravo à toute l’équipe de passionnés qui font vivre cette publication !