Avec « Expression(s) décoloniale(s) », le château des ducs de Bretagne invite l’artiste béninois Romuald Hazoumé et l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou à poser un nouveau regard sur ses collections et la traite transatlantique.
La démarche est assez neuve en France, et prête le flanc à la polémique. Mais elle est totalement assumée. « Longtemps, nous avons abordé la traite et l’esclavage avec les outils des historiens, dans leur dimension politique, économique, sociale… Mais il manquait la dimension humaine, pose Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes.
Le Rijksmuseum, à Amsterdam, a eu de l’avance en proposant un travail de décolonisation des collections, en mettant l’émotion, l’empathie, au cœur du musée grâce à l’intervention d’artistes contemporains. Quand on avait ligoté les esclaves, ensuite, on les faisait taire. On les a empêchés de raconter l’horreur. Comme au Rijksmuseum, ici, un artiste comme Romuald Hazoumé est une passerelle entre ce passé douloureux et notre présent. »
À
Une vingtaine de pièces de l’artiste, parfois démesurées, sont disséminées dans le château des ducs de Bretagne : depuis sa vaste cour jusque dans les salles du musée d’Histoire. Mais l’évocation se fait parfois par petites touches.
Dans une pièce consacrée à la traite atlantique, l’artiste béninois diffuse par exemple une simple bande son. Ce sont les voix d’hommes et de femmes, des chants, des gémissements, qui disent la peur et la maladie sur le bateau qui les arrache à l’Afrique.
Elles s’ajoutent au coffrage en bois de la salle, évoquant l’entrepont d’un navire négrier. À une gravure présentant le bateau nantais la Marie-Séraphique, et la manière dont on y entassait plus de 300 esclaves. Aux menottes qui les entravaient, aux matraques utilisées pour les réduire au silence. Ou aux armes offertes par les négociants à leurs intermédiaires africains.