Je m’appelle Sarah *. J’ai 32 ans, et je suis maman d’un enfant de 6 ans. Pendant des années, j’ai vécu sous l’emprise d’un homme. Mon quotidien était fait de reproches, de contrôle, de peur et de silence. Mais un jour, j’ai trouvé la force de parler. Aujourd’hui, je suis libre, même si le chemin a été long et douloureux. Je raconte mon histoire pour celles qui vivent encore ce cauchemar. Je veux qu’elles sachent qu’il y a une issue. Qu’il est possible de retrouver la lumière, même après avoir été enfermée dans l’obscurité.
« Tout a commencé comme dans un conte de fées »
J’avais 25 ans. C’était mon premier jour de travail, et je me sentais pleine d’espoir. Lui, c’était un prestataire. Il est arrivé avec un sourire, un regard insistant, et une détermination que je trouvais presque flatteuse. Il voulait mon numéro, mais j’ai refusé. Dès le lendemain, il appelait à l’entreprise pour savoir si j’étais là. Il disait vouloir apprendre à me connaître.
Mes collègues me disaient qu’il avait l’air bien, sincère, respectueux. Au début, j’ai hésité. Puis, un jour, j’ai cédé. Je lui ai écrit, et c’est comme ça que tout a commencé.
Au début, il était tout ce que je croyais chercher : gentil, attentionné, toujours là pour moi. Il m’écoutait, me complimentait, disait qu’il voulait me protéger. « Je veux que tu sois heureuse », disait-il souvent. J’étais persuadée d’avoir trouvé quelqu’un qui m’aimerait vraiment. Mais très vite, tout a changé.
« En quelques jours, il s’est installé dans ma vie »
Un jour, il m’a demandé de passer quelques jours chez moi. Il avait des problèmes de logement. Je ne voyais pas pourquoi dire non. Mais quand il est arrivé, il n’avait pas qu’un sac : il avait toutes ses affaires. Même son animal de compagnie. Je n’ai pas compris sur le moment. « Ce n’est que temporaire », a-t-il dit. Mais il n’est jamais reparti.
C’était trop rapide. Je n’étais pas prête à vivre avec lui, mais je ne savais pas comment lui dire. Je me disais : « C’est peut-être ça, une relation. » Alors, j’ai laissé faire.
« Tout était sujet à reproche »
Dès les premiers jours, il a commencé à critiquer ce que je faisais. La cuisine, par exemple. Une fois, j’ai préparé un dîner. Il a mangé en silence, puis a dit : « C’est bon, mais pourquoi tu n’as pas coupé les bananes dans l’autre sens ? Ça aurait été plus joli. » Sur le moment, j’ai ri nerveusement. Mais ce genre de remarque est devenu quotidien.
Il n’était jamais satisfait. Si je faisais le ménage, ce n’était pas comme il voulait. Si je rangeais, il trouvait que c’était mal fait. « Tu devrais faire un effort », disait-il. Je voulais lui faire plaisir, alors je recommençais. Mais quoi que je fasse, il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas.
« Peu à peu, il m’a enfermée »
Ce n’étaient pas seulement des critiques. Il voulait tout contrôler. Mes appels, mes sorties, mes amis. Il était toujours là, toujours en train d’écouter. Si je parlais au téléphone, il se plaçait à côté de moi. « Pourquoi tu lui as parlé si longtemps ? » demandait-il après. Un jour, il m’a dit : « Je ne comprends pas pourquoi tu as encore besoin de tes amis. Je suis là, moi. »
Une fois, je suis sortie avec des collègues après le travail. Il a envoyé des dizaines de messages. « T’es où ? Avec qui ? Pourquoi tu ne me réponds pas ? » Quand je suis rentrée, il m’a fait une scène. « Je parie que tu étais avec ton ex », m’a-t-il lancé. J’ai eu peur. Peur de ses mots, peur de sa colère.
Petit à petit, j’ai arrêté de sortir. Je ne voyais presque plus mes amis. Je ne répondais plus à leurs appels. Je pensais que c’était plus simple de céder. Mais en réalité, je m’enfonçais.
« Quand je suis tombée enceinte, j’ai cru que tout allait s’arranger »
Quelques mois après notre rencontre, je suis tombée enceinte. J’ai eu peur, mais aussi de l’espoir. Lui, qui disait rêver d’être père, semblait heureux. Mais cette joie était éphémère.
Un jour, je lui ai dit : « Si tu ne veux pas de cet enfant, tu peux partir. » Sa réaction m’a glacée. Il a frappé le mur à côté de moi, me poussant contre un autre. « Comment tu peux dire ça ? » a-t-il crié. J’étais terrifiée. Je pleurais. Mais au lieu de me protéger, je me suis excusée. Je me sentais coupable. Coupable de l’avoir blessé, alors que c’était lui qui me faisait du mal.
« Il m’a abandonnée, mais gardait son emprise »
Peu de temps avant l’accouchement, il est parti. Il disait avoir besoin de se « ressourcer ». Quand il est parti, il m’a donné un objet : une balle. « Fais attention à toi », a-t-il dit. Sur le moment, je n’ai pas compris. Était-ce une menace ? Un avertissement ? Je n’en sais toujours rien.
Il n’était pas là quand notre enfant est né. Il l’a vue pour la première fois quand il avait six mois. Une seule fois. Puis, il est reparti. Mais même loin, il continuait à me contrôler. Il m’envoyait des messages tous les jours. Parfois des excuses, parfois des insultes. Il disait qu’il m’aimait, mais il me menaçait aussi. Un jour, il a laissé un origami devant ma porte. C’était un message : « Je veux te voir aux cieux. » Une menace déguisée. J’avais peur pour ma vie et celle de mon enfant.
« Je me taisais pour protéger mes parents »
Je n’ai jamais rien dit à mes parents. Il m’avait fait promettre que ce qui se passait entre nous devait rester entre nous. « Les gens sont jaloux. Ils veulent détruire ce qu’on a », disait-il. Mais ce n’était pas de l’amour. C’était du chantage.
Il m’a menacée. « Si tu parles, je détruirai tout. Je dirai que ton enfant n’est pas la mienne. Je dirai que c’est celui de ton père. » Je savais que c’était faux, mais je ne voulais pas que mes parents souffrent. Alors, je me suis tue.
« Le début de la libération »
Pendant longtemps, j’ai cru que je devais tout supporter seule. Mais un jour, j’ai craqué. J’ai appelé une amie. Je lui ai tout raconté. Elle m’a dit : « Ce que tu vis, ce n’est pas de l’amour. » Elle m’a donné le numéro d’une psychologue. Cette femme a changé ma vie. Elle m’a appris à mettre des mots sur ce que je vivais. À comprendre que ce n’était pas ma faute.
Petit à petit, j’ai parlé. À mes amis. À ma famille. Ils m’ont soutenue. Ce n’était pas facile. Mais à force de courage, j’ai trouvé la force de reprendre ma vie en main.
« La plainte : entre humiliation et justice »
Un jour, après une énième menace, j’ai décidé de porter plainte. Je suis allée au commissariat, pleine d’angoisse mais déterminée. J’ai été reçue par deux policières. Je pensais qu’elles allaient m’écouter, me comprendre. Mais dès les premières minutes, leur ton était accusateur.
L’une d’elles a soupiré : « Pourquoi vous êtes restée avec lui, alors ? » L’autre a ajouté : « Vous savez, on a des vrais cas à gérer ici et puis c’est le père de votre enfant, il faut le débloquer immédiatement sur votre téléphone » J’ai essayé de leur expliquer, mais elles ne m’ont pas laissée parler. Elles m’ont presque fait sentir que c’était ma faute, que je méritais ce qui m’arrivait. Je suis sortie de là en larmes. J’avais l’impression d’être jugée, pas protégée.
Quelques semaines plus tard, j’ai déposé une autre plainte, dans un autre commissariat. Cette fois, tout était différent. La policiere qui m’a reçue m’a écoutée attentivement, m’a laissé parler sans m’interrompre. À la fin, elle m’a dit : « Ce que vous vivez, ce n’est pas normal. On va vous aider. » J’ai pleuré, mais cette fois, c’était de soulagement. Enfin, quelqu’un comprenait.
« Aujourd’hui, je suis libre »
Aujourd’hui, je vis avec mon enfant. Je travaille. Je souris. Je recommence à sortir, à voir mes amis. Je suis encore en reconstruction, mais je sais que je vais m’en sortir. Ce n’est pas toujours facile, mais je vais mieux. Je sais que le plus beau est à venir.
« Un message à celles qui vivent dans la peur »
À vous qui vous reconnaissez dans mon histoire, je veux dire une chose : vous n’êtes pas seules. Parlez. À un ami. À une association. Ces gens sont là pour vous. Vous méritez d’être libres, aimées, et respectées.
Et à vous qui êtes témoins, posez des questions. Un simple « Comment ça va ? » peut sauver une vie. Moi, il m’a fallu des années pour parler. Mais aujourd’hui, je suis là. Et je veux que vous sachiez que vous aussi, vous pouvez y arriver.
*Prénom changé
Propos recueillis par Philippe PIed