Le film tiré du vrai combat mené par José Bové, alors député européen, contre les liens entre les lobbys industriels et le président de la Commission, raconte une enquête haletante et rythmée. “Une affaire de principe” fait en même temps de la pédagogie sur le fonctionnement de l’institution et les mécanismes d’influence à l’œuvre. Un vrai film de campagne politique beaucoup plus mobilisateur que la course de sondages actuelle.
“Une affaire de principe” vient de sortir, douze ans après l’histoire vraie qui opposa le député européen, José Bové, au président de la Commission de l’époque, Jose Manuel Barroso, parti depuis à la banque d’investissement Goldman Sachs. Ce-dernier avait engagé, dans le plus grand secret, son institution dans des contrats faramineux avec l’industrie du tabac. En échange de milliards d’euros, le secteur avait obtenu le blocage de la directive visant à installer en Europe le paquet de cigarettes neutre, illustré d’images repoussantes pour décourager les fumeurs, en particulier les plus jeunes.
Le film retrace l’histoire de flibustiers dans une institution policée qui s’emparent des règles pour lutter contre l’injustice du traitement réservé au Commissaire à la Santé de l’époque, John Dalli. Porteur de la directive anti-tabac, il est débarqué dans d’étranges conditions par le président de la Commission pour corruption. Il est Maltais, c’est donc crédible pensent ceux qui ont monté la machination sauf que… le fumeur de pipe, José Bové, qui le connait comme adversaire loyal, ne comprend pas pourquoi il aurait voulu saboter une directive qui lui tenait tant à cœur et encore moins en échange de 60 millions d’euros. Il enquête, avec son attaché parlementaire et une jeune stagiaire, pour comprendre ce qu’il s’est passé. Une fois qu’il débusque la vérité, il ne s’arrête pas là. Cela devient un bras de fer avec le président de la Commission. En mettant à jour l’affaire, José Bové dont ce n’était pas le combat au départ, permet l’adoption de la fameuse directive quelques mois plus tard.
Ouest France en résistance contre les sondages
Sorti un mois avant les élections européennes, il est une invitation à aller voter. Il montre qu’en utilisant des règles de transparence, on peut entraver des actions de lobbying d’industries dont l’objectif est de bloquer les régulations qui sont des obstacles à leurs affaires, peu importe qu’elles soient favorables à l’intérêt général. Il illustre ce que peut être un contre-pouvoir démocratique. Paradoxalement, les fictions, à l’image du film ou des clips réalisés par l’équipe de la série “Parlement” semblent ainsi être de meilleurs agents de campagne pour mobiliser sur les élections du 9 juin.
Celles-ci sont décisives pour choisir le modèle démocratique, environnemental et social que préfèrent les citoyens des Etats membres. En France, ce débat-là n’a pas vraiment émergé. Il est nationalisé à travers des sondages construits comme des pronostics autoréalisateurs où les variations de la place des têtes de liste montent et descendent, selon des intentions de vote dont on ignore en fait de qui elles émanent vraiment. Pacte vert, numérique, agriculture, énergie sont quelques-uns des sujets qui auraient pu et dû animer la campagne des élections européennes. Au lieu de ça; les baromètres des sondages ont remplacé un débat de fond.
Or, plus de 70% des Français ont un sentiment négatif sur les sondages. C’est ce qui ressortait du baromètre Happydemics publié six mois avant les Présidentielles 2022. Ils ne comprennent pas le fonctionnement des sondages ignorant comment sont formés les panels représentatifs qui permettent de faire émerger un quinté de tête. Mais un journal, Ouest France, fait de la résistance. Il s’est engagé à ne publier aucun sondage d’intentions de vote pour les élections européennes. Pour François-Xavier Lefranc, directeur de la publication du journal, “l’avalanche quotidienne des projections d’intentions de vote, notamment dans les dernières semaines, est dangereuse et conduit à une manipulation des esprits. Elle nuit à la nécessaire sérénité de la campagne. Elle sème le poison du soupçon en distillant sournoisement l’idée que tout est joué d’avance.” Le journal ne veut plus “claironner ce que les Français auraient déjà décidé”. Il veut utiliser le temps rendu ainsi disponible pour traiter les débats de fond.