Un lézard et une île en quête d’équilibre…
…construire une Martinique plus juste, plus prospère et plus résiliente pour les générations futures.
Hier, un petit lézard s’est arrêté devant mon objectif, immobile sur la coque de mon téléphone portable. Cette image anodine m’a frappé par sa symbolique : une créature ancestrale posée sur un outil moderne, incarnant le défi de notre île. Ce lézard, c’est comme la Martinique d’aujourd’hui. Une terre avec son histoire, mais confrontée à des défis contemporains qui menacent son équilibre. Alors que les manifestations contre la vie chère s’enchaînent et que les tensions explosent, il est temps de réfléchir à ce que nous souhaitons vraiment pour notre société.
Une société en quête de renouveau
Depuis plusieurs mois, la Martinique est secouée par une mobilisation sociale sans précédent. Les rues de Fort-de-France et des communes voisines se sont remplies de centaines de citoyens, criant leur colère contre une vie devenue insoutenable. Les chiffres sont alarmants : 27 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 15 % dans l’Hexagone. Le chômage atteint 14,3 % de la population active. Ces statistiques révèlent une crise profonde, celle d’un modèle sociétal à bout de souffle.
La Martinique est comme ce lézard sur la coque du téléphone : elle cherche à s’adapter à un monde en mutation rapide. Nos institutions peinent à répondre aux besoins réels de la population. Les violences urbaines se multiplient, avec déjà 25 homicides cette année. La hausse des prix, notamment dans l’alimentation, pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des Martiniquais, malgré les efforts pour réduire le coût de la vie (-20% suite au protocole signé en attente de Gouvernement). Pourtant, dans cette agitation, il y a une énergie brute, une volonté collective qui pourrait être le moteur d’un renouveau.
Cette crise révèle aussi notre quête d’identité et d’autonomie. Comme ce lézard qui s’accroche à un objet moderne, nous cherchons à concilier notre héritage culturel avec les exigences du monde contemporain. Les récentes manifestations ne sont pas seulement l’expression d’un malaise économique, mais aussi d’une aspiration à plus de reconnaissance et de pouvoir de décision sur notre avenir.
Pour avancer, il nous faut un projet clair, à l’image de ce lézard qui trouve son équilibre sur la surface lisse du téléphone. Nous devons repenser notre modèle économique, nos relations avec l’État central et notre capacité à construire un avenir durable. Cela passe par une valorisation de nos ressources naturelles et humaines, de notre production locale, de nos entreprises de toutes sortes, par une économie plus inclusive et par une redéfinition de notre place dans l’ensemble français et caribéen. L’innovation et la modernité doivent être au cœur de notre stratégie de développement.
Elle offre des opportunités pour diversifier notre économie, améliorer nos services publics et créer des emplois pour notre jeunesse. Mais cette transition ne doit pas se faire au détriment de notre identité culturelle et de nos valeurs traditionnelles.
Le choix du lézard martiniquais
Le lézard sur la coque du téléphone a deux options : rester immobile en espérant que rien ne change, ou s’adapter et trouver son équilibre dans ce nouvel environnement. La Martinique est face au même choix. Nous pouvons continuer à nous accrocher à des solutions temporaires ou bien saisir cette crise comme une opportunité pour redéfinir ENSEMBLE notre avenir.
À travers cet éditorial, j’appelle chacun – citoyens, élus, entrepreneurs – à réfléchir à la Martinique que nous voulons demain.
Une île où chaque habitant peut vivre dignement.
Une île où notre culture s’enrichit des opportunités offertes par la modernité.
Une île où, comme le lézard sur la coque du téléphone, nous trouvons notre équilibre entre tradition et innovation, entre identité locale et ouverture sur le monde.
C’est en embrassant ce défi que nous pourrons construire une Martinique plus juste, plus prospère et plus résiliente pour les générations futures.
Philippe PIED