Jeudi 12 décembre dernier, le site de l’Appaloosa au François a vibré au rythme de la troisième édition de la cérémonie “Yo Fè’y”. Plus de deux cents invités se sont réunis pour honorer la créativité martiniquaise dans le cadre de ce prestigieux événement, à présent connu comme le “Prix Éric Mongérand de la Production Martiniquaise”, un hommage appuyé au cofondateur du prix, décédé récemment.
Une initiative énergique pour un avenir positif
À l’origine de ce prix, la Sénatrice Catherine Conconne, secrétaire générale et fondatrice du mouvement politique La Martinique Ensemble, a voulu créer une distinction à la hauteur de l’excellence de la créativité locale. « Nous sommes plusieurs à avoir échangé à ce sujet, en particulier avec mon conjoint, disparu il y a deux mois. Je voulais une sorte de « légion d’honneur » martiniquaise, un titre qui met en avant la créativité et le mérite de nos compatriotes. Et quoi de mieux que “Yo Fè’y”, pour dire « Ils l’ont fait, ils ont osé ! », explique-t-elle.
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Cela concerne avant tout la question agricole, mais aussi les domaines artistiques, l’entreprenariat…Ce prix, qui ne fait l’objet d’aucune candidature, repose sur un processus de sélection de la part des membres de Martinique Ensemble issus de la société civile. Ils identifient des Martiniquais dont les initiatives brillent par leur originalité et leur impact. Un comité de sélection retient ensuite cinq projets exemplaires chaque année.
Honorer des parcours inspirants
Pour cette troisième édition, six trophées en verre soufflé, signés par l’artiste Robert Manscour, ont été remis à des lauréats issus de divers domaines. Le coup de cœur de l’édition 2024, est Léon Tisgra, alias “Tonton Léon”, précurseur de l’agritourisme et de l’agriculture biologique sur l’île. Stevy Amant, fondateur de la Boucherie “Prairie Amant” à Ducos, valorise la viande locale avec des découpes innovantes. Elle ne ressemble à aucune autre en Martinique. Il a monté cette entreprise avec sa mère, éleveuse de bétail après s’être formé à la boucherie. Cette édition a également récompensé Magali Cléry, connue sous le patronyme « Marjolait », elle a surmonté la crise de 2009 et un licenciement, en lançant la première production de fromage de chèvre de la Martinique ! Il y a ensuite Samuel Godard de la biscuiterie artisanale « Place Hurrard » qui inclut le manioc et la patate douce dans ses préparations. Sa marque se situe sur un créneau haut de gamme. Et puis, dans un autre registre, Patrick Baucelin, auteur, producteur et réalisateur audiovisuel reconnu par de nombreux prix sur les festivals internationaux.
Chacun de ces lauréats incarne la créativité martiniquaise, qu’il s’agisse de savoir-faire local, de résilience ou d’innovation. Ce gala est devenu un moment de communion autour de valeurs communes de production, créativité et qualité locale.
Le patrimoine culturel mis à l’honneur
Chaque année en toile de fond, ce moment est célébré avec l’un des éléments du patrimoine culturel de la Martinique. Cette année, le Bélè était à l’honneur. Isabelle Florenty, directrice de la Maison du Bélè a dévoilé lors de cette soirée patrimoniale, les ressorts de ce rythme exceptionnel propre à la Martinique, qui est à la fois une danse, une musique et chose rare une danse combat avec le Danmyè.
Une célébration pérenne
Avec un budget annuel de 5 000 à 6 000 euros, financé par les cotisations des membres de Martinique Ensemble, Catherine Conconne promet de poursuivre cette initiative qui met en lumière des talents tout en renforçant l’attachement à la Martinique. « Bienvenue dans le plus beau pays du monde. Aimer ce pays, c’est le protéger et le valoriser », déclare-t-elle avec passion.
La voix des lauréats
Samuel Godard, gérant de la biscuiterie fine, locale et artisanale, “Place Hurrard”, créé au François depuis 2016, témoigne et se réjouit de cette reconnaissance, « Cela fait 28 ans que je travaille à mon compte dans le monde des métiers de bouche. A la base je suis cuisinier, c’est un très beau métier mais qui est très chronophage. Alors je me suis spécialisé dans la biscuiterie pour avoir une meilleure qualité de vie avec ma famille. Nous fabriquons au François, notre service commercial distribue dans les épiceries fines, chez les cavistes, chez les rhumiers. J’ai aussi une marque plus communautaire que l’on trouve dans la grande distribution. Mais pour cet évènement, c’est « Place Hurrard » qui est lauréat ! Nous avons été contactés par Marie-France Thinau, elle nous a proposé de faire partie de cette édition 2024, parce que nous faisons de la production locale avec un savoir faire local. Cela va nous amener un peu plus de notoriété, de la communication supplémentaire, une reconnaissance, cela fait plaisir d’être identifié par vos pairs, vos consommateurs. On essaie de mettre à l’honneur l’excellence martiniquaise ! »
Patrick Baucelin réalisateur martiniquais reconnu sur le plan international partage un enthousiasme similaire, il témoigne : «« La Sénatrice Catherine Conconne m’a contacté pour savoir si je voulais participer à cette mise à l’honneur de mon travail. J’ai dit oui tout de suite, cette initiative est très intéressante parce qu’il vaut mieux honorer les gens de leur vivant et pas seulement lorsqu’ils disparaissent ! Cela va me permettre de découvrir aussi les autres lauréats, dans des domaines très divers, c’est très bien ! Mon dernier film « La couleur de l’esclavage » est un long documentaire, mi-fiction, qui continue à tourner, avec à ce jour, chose incroyable -je ne pensais pas avoir autant de prix – soixante huit récompenses dans le monde entier, sans parler de plus d’une quarantaine de sélections officielles. J’ai été primé pour d’autres films mais celui-là, il dépasse tout, il a été primé en Russie, en Argentine, aux Etats-Unis, en Angleterre, en Afrique, un peu partout et le dernier c’est le prix du Pan Africaine à Cannes. C’est une vraie reconnaissance de mon vivant ! Pour ma part, ne fais partie d’aucun parti politique, mon seul parti c’est moi-même avec la Martinique devant et je pense que ce prix est une bonne chose, car la mise à l’honneur de gens qui œuvrent pour faire rayonner la Martinique ce n’est pas que de la politique. »
Yo Fè’y, Le Prix Éric Mongérand poursuit cette année encore sa mission : révéler des talents, promouvoir des initiatives et renforcer l’attachement et la fierté à l’identité et à la créativité martiniquaise, dans une vision résolument positive de l’avenir…
Nathalie Laulé