Fort-de-France, mars 2025 — Vendredi dernier 21 mars, à l’Hôtel de l’Assemblée, on n’était pas dans un colloque abstrait. On parlait béton, risques cycloniques, chantier, réglementation, mais aussi formation, dignité et bon sens. On parlait de chez nous, de comment on construit, de comment on peut mieux faire. Ce “moment-là”, c’était la restitution du projet BATI SOLID, un travail lancé en 2017, coordonné par les CERC (Cellules Économiques Régionales de la Construction) de Martinique et de Guadeloupe. Et franchement, ça faisait du bien d’entendre enfin des discours clairs sur ce qu’on peut améliorer ici, en partant du réel.

La Martinique en chef de file, la Guadeloupe en mouvement
C’est Paul Louis Bourouillou, 1er vice-président de la CERC Martinique, qui a ouvert la voie. Avec humilité mais détermination, il a raconté l’histoire du projet. Comment après les passages d’Irma et Maria, le monde du bâtiment aux Antilles a compris que continuer à faire “comme dans l’Hexagone” ne tiendrait pas longtemps. Comment les CERC ont pris les devants, sans attendre un cadre parisien, pour réfléchir à des règles adaptées à nos climats, à nos risques, à nos façons de faire.
« BATI SOLID, c’est d’abord un projet collectif. On a mis autour de la table des entreprises, des architectes, des techniciens, des institutions, des assureurs. On a discuté. Parfois fort. Mais on a avancé. » — Paul Louis Bourouillou
Il a souligné le rôle important de la CERC Guadeloupe, arrivée dans la dynamique en 2022, avec la même envie de construire autrement. Les deux territoires ont donc travaillé main dans la main, en animant ensemble 13 groupes de travail et en mutualisant leur expertise.
Des outils pour agir, pas pour compliquer
Le projet n’a rien de théorique. Au contraire, il produit du concret : des guides pratiques, des CCTP types (documents contractuels pour les chantiers), un mini-guide des erreurs fréquentes, un référentiel sur les bâtiments refuges, une analyse critique de la réglementation thermique, et même une réflexion sur la création d’un label antillais de construction durable.
Paul Quistin, technicien ANCO et AMO pour la CERC, a illustré tout cela avec des cas précis. Sur les toitures-terrasses, il a montré que la majorité des sinistres venaient d’erreurs évitables. Sur les façades, il a expliqué que les normes actuelles ne couvrent même pas nos réalités locales. Alors, les équipes ont créé leurs propres recommandations, illustrées, vérifiées, testées.
« Nos guides, ce sont des outils pour les chefs de chantier, pas des pavés de 300 pages. On veut que ça circule, que ça serve, que ça protège. » — Paul Quistin
Construire pour durer, mais aussi pour vivre mieux
Autre temps fort : la question de la réglementation thermique. Florence Talpe, directrice de KEBATI, a tiré la sonnette d’alarme. Selon elle, la RTM actuelle n’est ni comprise, ni utilisée, ni efficace.
Elle a proposé une refonte complète : prendre en compte le confort réel (température, humidité), intégrer des indicateurs adaptés à nos climats, faciliter l’usage des outils, et former massivement les acteurs du terrain. Bref, passer d’une logique de paperasse à une logique de bien-être.
Et si le refuge devenait la nouvelle norme ?
Enfin, Jean-Yves Bonnaire, coordinateur du projet BATI SOLID pour la CERC Martinique, a présenté un guide à la fois technique et profondément humain : celui des bâtiments et pièces refuges. Conçu pour répondre aux catastrophes naturelles, ce guide propose des solutions concrètes pour transformer des bâtiments existants ou neufs en lieux sûrs, accessibles, dignes et fonctionnels.
On y trouve des recommandations sur les matériaux, la structure, mais aussi sur la gestion de l’intimité, de la mixité, des enfants, des personnes fragiles, des animaux… Parce qu’un vrai refuge, ce n’est pas juste quatre murs qui tiennent. C’est un endroit où on peut tenir, physiquement et moralement, quand tout vacille dehors.
Prochaine étape : diffuser, former, faire vivre
Tous ces outils, ces propositions, ces guides… ils ne demandent qu’à être utilisés. Ils seront disponibles gratuitement en ligne. Et surtout, ils seront expliqués, partagés, vulgarisés, à travers des formations, des webinaires, des échanges avec les entreprises et les collectivités.