Mercredi, EDF a présenté son bilan 2024, ses projets en 2025 et ses projections qui amènent le client à l’horizon 2040. Entre réchauffement climatique, l’incertitude du futur de la voiture électrique et les énergies renouvelables, c’est à un jeu d’équilibriste que se livre l’entreprise d’énergie afin que la production d’électricité corresponde au mode de vie des Martiniquais.
Le réchauffement climatique n’est pas une chimère. En Martinique, 2024 a été une année record avec une température moyenne de 28,3° C. C’est un dérèglement climatique avec lequel EDF doit composer. Qui dit plus de chaleur dit plus de climatisation. L’entreprise d’énergie constate une tendance haussière de la consommation d’électricité, une augmentation de 3%. Mais le réchauffement climatique n’en est pas la seule cause. Malgré la baisse de la population martiniquaise, le nombre de foyers augmente. Il y a donc un accroissement de la consommation. « Les familles sont moins importantes derrière une habitation. Avant, lorsque j’avais un client, ça représentait trois personnes en moyenne. Aujourd’hui, on a souvent des habitations avec un client », explique Xavier Fichau, directeur EDF Martinique. La croissance du taux d’équipement intervient également dans l’augmentation de la consommation d’électricité comme l’informatique, les télécoms. Les nouveaux modes de vie contribuent aussi à cette hausse notamment la mobilité avec le parc des véhicules électriques qui s’étend.

« Heureusement que tous les Martiniquais font des efforts à travers deux sujets, l’efficacité énergétique et la sobriété. C’est parce que nous faisons ces efforts que nous parvenons à contenir l’augmentation de la consommation d’électricité », précise Xavier Fichau. Cette économie d’énergie représente 15 jours de consommation électrique à l’échelle de l’île. Cela permet de réduire l’empreinte carbone du territoire et de maintenir son autonomie énergétique. Plus évocateur auprès des clients EDF, les efforts de maitrise de l’énergie entraînent une diminution du prix de la facture. Pour ce faire, EDF fonctionne avec 130 partenaires. Un chauffe-eau solaire ou un brasseur d’air plutôt qu’un climatiseur, ces gestes sont des plus pour l’environnement et des moins sur la facture.
Un quart de la production est issue des énergies renouvelables : solaire, éolien et la turbine à vapeur du Galion qui fonctionne avec de la bagasse et du pellet. Les trois quarts restant proviennent des centrales de Bellefontaine et de Fort-de-France Pointe des carrières dont les moteurs sont alimentés par du fioul. L’objectif est d’inverser ce schéma.
Personne ne peut les manquer sur le port. Les immenses pales d’éoliennes stockées sur le port en attente d’installation. La production d’électricité renouvelable devrait atteindre dès cette année, un tiers du total produit. Dans les années à venir, les moteurs de la centrale de Bellefontaine devraient passer au biocarburant. Cependant, le directeur d’EDF Martinique prévient que dépendre de photovoltaïque et de l’éolien ajoute une difficulté pour atteindre un équilibre entre la production et la consommation. « Dans une centrale thermique, j’ai la main sur la production mais pas sur l’éolien ni le photovoltaïque qui sont météo dépendants. » Raison pour laquelle, EDF a installé des batteries pour amortir ces équilibres consommation / production.
Autre ambition, diviser par deux les délais de raccordement. Sachant que la demande est deux fois plus élevée car les foyers se multiplient. EDF a déjà réussi à les réduire de 30%.
En 2025, EDF va investir 65,7 millions d’euros pour effectuer des travaux sur les réseaux, condition essentielle à la transition énergétique. Le développement des énergies renouvelables requiert un réseau de plus en plus long en aérien ou en souterrain. Clévio Pélage, responsable de l’agence réseau distribution affirme la volonté de l’entreprise de densifier le réseau souterrain. En 2025, 41% du réseau est enfoui. « Nous avons un enjeu de maintien du réseau pour prévenir et réduire les pannes », présente Clévio Pélage. 160 salariés sont dédiés à cette maintenance. Chaque année, EDF entreprend des campagnes de diagnostic. Sur tout le territoire, une campagne de supports vétustes a été lancée. En 2024, 525 ont été remplacés à la suite de signalements de collectivités, des particuliers et les employés EDF.
La végétation et les installations EDF ne font pas bon ménage quand bien même la nature luxuriante se sert allègrement des fils électriques comme tuteurs. L’entreprise se doit de dégager ses structures et élaguer. En 2024, 324 km ont été élagués. Le poste élagage représente un investissement d’un million d’euros. Clévio Pelage soulève un point : « On a également des partenaires qui sont des clients notamment les clients propriétaires. Il y a une responsabilité du propriétaire de la parcelle par laquelle passent les structures électriques de maintenir ses arbres à distance. » Toutefois, il est recommandé de se faire accompagner par EDF lors de ce geste qui n’est pas anodin.
Bertrand Gottin, responsable de projet patrimoine et infrastructure, confirme que le chantier prioritaire est la rénovation et la fiabilisation du réseau souterrain existant. Les tronçons obsolescents générateurs d’incidents seront remplacés. Ces opérations prendront place à Fort-de-France, Saint-Pierre, Rivière-Pilote et Saint-Joseph. Deuxième type de chantier, mettre des câbles aériens en souterrain afin de pérenniser le réseau. Cela permet de le sécuriser des aléas climatiques. Le mois prochain démarrera la construction d’un nouveau poste source dit de l’Union. Il jouxtera celui du Lamentin. « Le poste du Lamentin est un sac de nœuds. Il accueille un trop grand nombre de lignes de transport stratégique. Il s’agit de ne pas mettre nos œufs dans le même panier. » Bertrand Gottin tient à signaler que ce chantier de 20 mois n’aura d’impact ni sur les riverains ni sur les clients.
« Il n’est pas acceptable, aujourd’hui en Martinique que ne serait-ce qu’un seul client soit coupé d’électricité 3 heures par an à cause d’un dimensionnement insuffisant du parc de production électrique, à distinguer des coupures liées à des incidents sur le réseau », intervient Juliette Morin, docteur en génie électrique et experte du système électrique. L’experte explicite ainsi un extrait d’une étude obligatoire régie le code de l’énergie. EDF voit loin, à l’horizon 2040. Dérèglement climatique, boom éventuel des voitures électriques, le développement des énergies renouvelables, cet exercice est épineux puisqu’il intervient en pleine transition énergétique. Ainsi EDF a tiré deux scenarii plausibles mais contrastés. Ce qui permet à l’entreprise d’anticiper ses investissements. Un point commun à ces deux projections, le quasiment 100% renouvelable. « Il y a une insertion de plus en plus importante des énergies renouvelables. Il y a une transition vers ces énergies qui s’opère en Martinique et qu’il faut poursuivre à travers la sobriété et le pilotage vertueux. »
Laurianne Nomel