Repéré sur Korii
Les services secrets du pays le savaient mais se sont tus.
Repéré par Barthélemy Dont sur Axios
Fondée en 1952, l’entreprise Crypto AG basée en Suisse vend des machines cryptographiques qui permettent de chiffrer des communications.
Ayant fourni les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est devenue incontournable sur ce marché spécifique, d’abord avec des machines mécaniques puis avec des circuits électroniques et des logiciels. Parmi ses clients figurent un certain nombre de gouvernements à travers le monde.
Seulement, depuis les années 1970, le très secret propriétaire de cette entreprise n’est autre que la CIA, initialement dans le cadre d’un partenariat avec le Bundesnachrichtendienst (le renseignement ouest-allemand).
Cette opération répondant au nom de code «Rubicon» a permis aux États-Unis et à la RFA de modifier les machines qu’elles vendaient afin de pouvoir décoder les messages chiffrés envoyés par des soldats, diplomates et gouvernements partout dans le monde.
Iran, Inde, Pakistan, et même le Vatican: Crypto AG disposait d’une clientèle prestigieuse. Pendant la crise des otages en 1981, la CIA pouvait ainsi écouter les mollahs d’Iran. Lors de la guerre des Malouines, l’agence fournissait aux Britanniques les communications argentines. Le système pâtissait néanmoins d’un point faible: la Chine et l’URSS ont toujours été trop méfiantes pour adopter Crypto AG.
Le pouvoir suisse clame son ignorance
La supercherie n’a été révélée que cette année par une enquête du Washington Post et de la chaîne publique allemande ZDF. Crypto AG étant basée à Steinhausen, le Parlement suisse a décidé de mener sa propre investigation. Stupeur: il s’est aperçu que les services secrets du pays connaissaient l’existence de l’opération Rubicon, et ce depuis 1993 au moins.
Cette enquête affirme également que ni le ministre de la Défense de l’époque, ni ses successeurs n’ont été mis au courant du fait que des espions étrangers embauchaient les employés ou concevaient et vendaient les produits d’une entreprise suisse. Les États-Unis ont poursuivi les écoutes jusqu’en 2018, et le gouvernement fédéral n’a appris toute l’affaire que l’année suivante.
Les espions suisses se défendent en assurant n’avoir jamais vendu d’appareil trafiqué à la Suisse, et avoir pu, en échange, disposer d’un accès aux communications interceptées par la CIA.
Selon le Washington Post, Rubicon a notamment permis à la CIA d’observer au plus près les violations des droits humains dans les dictatures qu’elle avait contribué à mettre en place en Amérique du Sud, notamment celle de Pinochet. Sans que l’agence n’y trouve rien à redire