Un patient atteint du Covid-19 est transféré dans l’unité de soins intensifs du CHU de Pointe-à-Pitre, le 3 septembre.
©Carla BERNHARDT / AFP
NOËL SOUS TENSION ?
La vague de contaminations au variant Delta, qui frappe durement les pays peu vaccinés de l’Est de l’Europe, arrive à l’Ouest. Les Pays-Bas, la Belgique, l’Autriche, ou l’Allemagne connaissent des vagues de contaminations qui sont parmi les plus fortes qu’ils aient jamais enregistrées.Antoine FlahaultAJOUTER AU CLASSEURLECTURE ZEN
Covid : à quel hiver s’attendre ?
avec Antoine Flahault
Atlantico : L’épidémie de Covid semble repartir à travers l’Europe et on semble observer des frémissements en France. Savons-nous à quoi ces reprises sont dues ?
Dr Antoine Flahault : La pandémie de Covid connaît une cinquième vague qui déferle avec une rare violence en Europe centrale et de l’est, depuis les pays baltes jusqu’à la Grèce, depuis la Bulgarie jusqu’à la Russie. Ces pays connaissent des croissances exponentielles de leurs nouvelles contaminations mais aussi un engorgement inédit de leurs hôpitaux et une surmortalité alarmante. Mais ces pays partagent tous une couverture vaccinale suboptimale, parfois très faible (30-40%), souvent insuffisante (60%). Désormais la vague liée au variant Delta se propage vers l’Europe de l’ouest. Les Pays-Bas, la Belgique, l’Autriche, ou l’Allemagne connaissent des vagues de contaminations qui sont parmi les plus fortes qu’ils aient jamais enregistrées. La grande différence, pour le moment, avec les pays d’Europe de l’est, est le découplage qu’ils observent entre leur flambée spectaculaire de cas de Covid et le faible nombre d’hospitalisations et de décès. Même au Royaume-Uni qui connaît une incidence élevée depuis août, les hospitalisations et les décès restent à un niveau dix fois inférieur à celui observé en janvier dernier au moment de la flambée épidémique liée au variant alpha et avant la vaccination. Quelques pays européens restent à des niveaux faibles de circulation du virus, comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la France, et la Suède. Tous ces pays connaissent cependant une remontée de leur incidence, mais à un rythme plus lent. La grande question est de savoir combien de temps les digues vont tenir. Une double digue, la première, est celle qui semble protéger l’Europe de l’ouest des complications menant à l’hospitalisation et au décès. La seconde digue est celle qui semble protéger les cinq havres européens mentionnés plus haut : pour combien de temps ?
Quel hiver cela préfigure-t-il pour l’Europe et la France ? Les modèles épidémiologiques sont-ils fiables ?
Depuis le début de la pandémie, l’Institut de santé globale de l’université de Genève en collaboration avec les deux écoles polytechniques fédérales suisses (de Lausanne et de Zürich) produisent des prévisions quotidiennes pour plus de 300 pays et territoires. Mais nous nous réfrénons à prédire au-delà de 7 jours, parce que nous pensons que nous ne sommes pas capables aujourd’hui, en l’état actuel de la science, de prédire avec fiabilité à long et même à moyen termes cette pandémie. Donc nous ne savons pas répondre à cette question. Nous pouvons observer les pays voisins et nous préparer à affronter les mêmes types de conditions épidémiologiques. Nous pouvons espérer que la forte couverture vaccinale nous protégera des effets dévastateurs du virus en l’absence de vaccination. Nous pouvons espérer aussi que des médicaments arriveront bientôt sur le marché et préviendront les formes sévères en cas d’échappement vaccinal, ou préviendront l’évolution fatale en cas de forme sévère. Nous pouvons tenter de mieux nous défendre contre la propagation du virus en appliquant un triptyque mis en œuvre de manière encore incomplète, je parle de la vaccination de tous, de l’obligation du port du masque en milieu intérieur et d’une ventilation efficace et monitorée dans tous les lieux clos où nous passons plusieurs heures.
La France est-elle dans une situation optimale pour passer l’hiver ? Les mesures de lutte contre la propagation du virus, comme la ventilation, sont-elles en place ?
La France aborde en effet l’hiver dans de bien meilleures conditions que la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande ou le Royaume-Uni. La France, elle, a su maintenir toutes les mesures en place, passe sanitaire, port du masque. Même si un certain relâchement était observable au moment de l’accalmie de septembre et d’octobre, elle devrait pouvoir rapidement se préparer à affronter la tempête épidémique qui semble s’annoncer. Le Danemark a fait preuve d’une certaine légèreté en levant toutes les mesures sanitaires pendant l’accalmie, ce qui en soi n’était pas déraisonnable, mais sans prévoir les instruments juridiques nécessaires pour les remettre en place en cas de rebond. Le Danemark connaît une forte vague et tergiverse aujourd’hui sur l’opportunité de remettre des mesures. On a appris de cette pandémie que plus on intervenait tôt et moins on avait ensuite à en supporter les conséquences.https://d485db0f9670d6c328125c77746dedb6.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
Aucun pays européen n’a déployé un plan d’investissement en matière de ventilation efficace des espaces clos à la hauteur des enjeux qui s’annoncent devant nous. Il n’y a toujours aucune normes en matière de qualité de l’air intérieur, par exemple mesurable par capteurs de CO2, normes qui interdirait le rassemblement de personnes au-delà de certains seuils de sécurité. On peut envoyer ses enfants non protégés par le vaccin dans des salles de classe mal ventilées ou le risque de contracter le coronavirus ou d’autres virus respiratoires est majeur dès que le virus circule activement dans la population. On ne pourra pas toujours ouvrir les fenêtres au cœur de l’hiver, que fera-t-on pour sécuriser les locaux où nous passerons plusieurs heures par jour ? Comment se fait-il que ces questions ne soient pas au centre des préoccupations de nos décideurs, et peu abordées par les experts, nulle part en Europe ?