Nestlé et d’autres industriels ont caché au public que l’eau qu’ils pompaient était contaminée. Pour continuer de l’embouteillage, ils ont eu utilisé des systèmes de purification interdits; 30% des marques sur le marché seraient concernées.
Le Monde et la Cellule investigation de Radio France ont découvert l’existence d’une tromperie qui dure depuis des années.
Suite à un signalement d’un salarié d’une usine du groupe Sources Alma, qui produit une trentaine d’eaux en bouteille en France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête. Sont concernées différentes marques: Cristaline, Saint-Yorre, Vichy Célestins ou encore l’eau de Châteldon. La DGCCRF découvre que ce groupe applique à ses eaux minérales des traitements non réglementaires : injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, microfiltration inférieure aux seuils autorisés, mélanges d’eaux dites “minérales” ou “de source”avec de l’eau… courante du robinet.
C’est Éric Neveu, procureur de Cusset (Auvergne-Rhône-Alpes), qui a ouvert une enquête préliminaire le 7 juillet 2023 pour plusieurs infractions portant sur des faits de tromperie.
La répression des fraudes a découvert qu’une part importante des industriels du secteur sont concernés dont Nestlé Waters, la division mondiale pour l’eau embouteillée du groupe Nestlé, qui exploite deux sites de conditionnement d’eau minérale naturelle en France : dans les Vosges (Vittel, Contrex, Hépar), et dans le Gard, à Vergèze (Perrier).
La multinationale suisse Nestlé, mobilise plus d’un tiers du marché des eaux en bouteille en France.
Elle reconnaît avoir recours à des traitements non conformes, expliquant au ministère de l’Economie que sans ces traitements, il est impossible de continuer l’exploitation de leurs usines d’eaux minérales qui sont régulièrement contaminées.
Nestlé sur ce, sollicite la possibilité de pouvoir continuer à avoir recours à ces traitements interdits. et même de procéder à. une évolution de la réglementation en lui permettant de purifier ses eaux grâce à des filtres ayant une capacité de filtration inférieure à 0,8 micron, c’est-à-dire une plus grande capacité de filtration en dépit d’une réglementation stricte du code de la santé publique qui définit trois types d’eaux conditionnées : les eaux minérales naturelles, qui diffèrent par leur “pureté originelle” (Perrier, Vittel, Evian), les eaux de source (Cristaline), et les “eaux rendues potables par traitement”.
Les eaux minérales naturelles et les eaux de source sont protégées des contaminations et de pollutions puisque puisées profondément dans les nappes souterraines, et donc “microbiologiquement saines”. Elles ne doivent donc faire l’objet que d’un nombre limité de traitements de purification. Le recours à des filtres à charbon ou des filtres UV est prohibé.
Seuls certains filtres sont tolérés par
L’administration et tolérés de façon exceptionnelle, et à condition que leur seuil de filtration ne soit pas inférieur à 0,8 micron pour uniquement débarrasser l’eau de certains composés comme les particules de fer ou de manganèse. Ces filtres ne doivent jamais avoir “pour objectif de modifier les caractéristiques microbiologiques d’une eau” minérale naturelle dont la propriété essentielle est la “pureté originelle”.
Les traitements illégaux pratiqués depuis longues années font que les eaux minérales dites naturelles du groupe Nestlé ont perdu de leur “pureté”, et de leur “naturel” pour “l’ensemble des usines de conditionnement d’eaux implantées en France” comme le révèle une enquête de l’administration dont les conclusions sont les suivantes: “…les travaux ont permis de révéler que près de 30% des désignations commerciales subissent des traitements non conformes” . Un tiers des marques d’eaux en bouteille ne seraient pas conformes à la réglementation. Et le niveau de non-conformité serait en réalité “très probablement supérieur”, compte tenu “des difficultés pour les services de contrôle d’identifier des pratiques délibérément dissimulées”.
Ainsi 100% des marques de Nestlé recourent à des traitements interdits constituant de “graves écarts”à la réglementation. ” …dans toutes les usines du groupe : microfiltration en deçà de 0,8 micron, charbon actif et ultraviolet.
Nestlé a volontairement dissimulé, en les camouflant par toutes sortes de subterfuges ces points de traitement irréguliers pour que les prélèvements devant être faits à la source ne soient constitués que d’eau préalablement traitée.
En fait, les ressources en eau exploitées par Nestlé sont régulièrement contaminées microbiologiquement, notamment par des bactéries de type Escherichia coli. Des traces de polluants chimiques, comme des métabolites de pesticides, ont été trouvées dans l’eau de Perrier. Les traitements non conformes mis en place ont eu donc pour but de “nettoyer” ces contaminants. “
Nestlé assure avoir “retiré” de ses usines les traitements ultraviolets et les filtres à charbon actif, mais reconnaît avoir maintenu des dispositifs de microfiltration qu’elle affirme “compatibles avec le cadre réglementaire”, ce qui est mis en doute par des observateurs, le journal Le Monde et la Cellule investigation de Radio France qui font remarquer
que les filtres utilisés pour le traitement de l’eau ne devaient jamais “viser à masquer une insuffisance de qualité ” raison pour laquelle Nestlé a mis en place des traitements de désinfection et de dépollution interdits, “l’eau brute” en certains endroits “présentant une contamination en bactéries coliformes et entérocoques”.
En clair, pour l’Anses, il ne serait pas acceptable de laisser Nestlé continuer à utiliser des traitements illicites. Ces lanceurs d’alerte font remarquer que le gouvernement a cependant validé, “à la demande de Nestlé la pratique de la microfiltration inférieure à 0,8 micron”.
Le paradoxe de la situation est qu’”aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n’a été identifié à ce stade”. Ces pratiques, constituant une tromperie sur le plan sanitaire, ont
protégé le consommateur. Il est ainsi fait remarquer que le retrait des filtres à charbon actifs et ultraviolets de toutes les pourrait constituer un risque sanitaire plus important qu’auparavant, comme le précise l’Igas.