Les premiers éléments d’un vaste chantier d’équipement et de transformation
Le Grand Port Maritime de la Martinique (GPMLM) a organisé ce 11 mai une rencontre professionnelle pour marquer l’arrivée de deux nouveaux portiques de manutention. Ces équipements, fabriqués en Chine, sont les premiers visibles d’un projet d’ensemble beaucoup plus large qui vise à renforcer les capacités du terminal à conteneurs et à améliorer les performances techniques du port dans les années à venir.
Les deux portiques, qui pèsent chacun 1 600 tonnes, sont arrivés par mer après un transport d’environ deux mois. Il s’agit de portiques dits low profile, c’est-à-dire à profil bas, conçus pour respecter les contraintes spécifiques du survol aérien dans la zone portuaire. Ce choix technique s’est imposé pour permettre l’accueil de navires plus grands, mieux adaptés aux évolutions du transport maritime dans la zone Caraïbe.
Une logique de progression par étapes
Bruno Mencé, président du directoire du GPMLM, a ouvert la rencontre en rappelant que ces portiques ne sont qu’une composante d’un programme global d’investissements, dont le montant total s’élève à 122 millions d’euros. Ce programme intègre également des interventions sur les portiques existants, leur rehaussement ou leur remplacement, la modernisation des quais, et à terme, une transformation complète de l’organisation du terminal.
Aujourd’hui, le port traite environ 180 000 EVP (équivalent vingt pieds, unité de mesure des conteneurs). L’objectif à moyen terme est de pouvoir atteindre 300 000 EVP en croisière stable. Cela suppose une montée en charge progressive, rendue possible notamment par ces nouveaux portiques et l’évolution de l’offre logistique. Bruno Mencé a également insisté sur l’importance de créer des conditions de travail améliorées pour les salariés, en signalant que les nouvelles cabines de conduite ont été pensées pour le confort des portiqueurs.
Des représentants institutionnels impliqués dans la durée
Plusieurs anciens responsables du port et élus siégeant aujourd’hui au conseil de surveillance étaient présents. Frantz Thodiard, vice-président du Conseil de surveillance et représentant de la CACEM, est intervenu en remplacement de Philippe Jock. Il a exprimé sa satisfaction de voir les efforts engagés depuis de nombreuses années se concrétiser. Ancien cadre du secteur portuaire puis dirigeant de l’aéroport, il a rappelé que les transformations du port sont le résultat d’un travail au long cours, débuté dès les années 1990.
Selon lui, ces nouveaux équipements s’inscrivent dans une continuité. Il s’agit désormais de la quatrième génération de portiques en service en Martinique. Cette modernisation répond à une exigence formulée notamment par les compagnies maritimes : être en capacité d’accueillir des navires de plus grande taille, avec une meilleure capacité de transbordement et une productivité accrue.
Frantz Thodiard a également rappelé que la Martinique doit s’inscrire dans un réseau d’échanges plus large, avec la volonté de mieux coopérer avec les ports voisins, notamment celui de la Guadeloupe, dans une logique de complémentarité et non de concurrence. Il a évoqué le besoin d’être prêt à accueillir des flux venant de l’Amérique du Sud ou d’autres pays de la Caraïbe, et non plus seulement de l’Europe.
L’avis du Conseil de développement et des acteurs économiques
Un représentant du Conseil de développement, Jean-Claude Florentiny, est également intervenu, en l’absence de son président Pierre-Marie Joseph, pour souligner que ces équipements sont également une opportunité du point de vue des usagers du port, qu’ils soient chargeurs, transitaires, transporteurs ou entreprises locales. Il a insisté sur l’importance de réduire les coûts de passage et d’augmenter l’attractivité de la place portuaire auprès d’autres compagnies maritimes.
L’enjeu, selon lui, est autant technique qu’économique : une meilleure fluidité, une capacité accrue, une logistique plus moderne doivent permettre de renforcer l’efficacité du port et d’éviter que des lignes ou des flux commerciaux ne soient redirigés vers d’autres plateformes plus éloignées.
La voix des opérateurs : CMA CGM engagé dans le partenariat
Philippe Rech, directeur de CMA CGM Martinique, a rappelé que l’entreprise qu’il représente est présente de longue date en Martinique, et qu’elle soutient la stratégie actuelle du Grand Port. Il a salué la qualité du dialogue mené entre les équipes du port et les opérateurs, insistant sur la bonne coordination technique entre les utilisateurs et les maîtres d’ouvrage.
Il a annoncé que CMA CGM investit aussi directement dans les infrastructures du port : six cavaliers hybrides ont déjà été livrés, et un nouveau parc pour conteneurs frigorifiques (reefer) sera bientôt mis en service, avec une installation énergétique reposant sur le photovoltaïque. Ces aménagements, réalisés en lien étroit avec les services du GPMLM, représentent un investissement estimé à 30 millions d’euros.
Philippe Rech a également souligné que l’ouverture d’un hub de transbordement à Fort-de-France s’inscrit dans une dynamique régionale plus large. Il a évoqué les limites actuelles des ports de Kingston ou de Carthagène, parfois engorgés, et la nécessité de développer de nouvelles plateformes dans la Caraïbe. Il considère que la Martinique peut constituer une alternative sérieuse pour ce type de fonctions logistiques.
Une mémoire transmise, une génération nouvelle mobilisée
L’événement a aussi été l’occasion de revenir sur l’histoire du port et sur l’engagement des équipes passées. Maurice Claude, ancien cadre du port ayant participé à la mise en service des premiers portiques dans les années 1980, a livré un témoignage personnel chargé d’émotion. Il a rappelé que les premières étapes du développement portuaire ont été menées avec des moyens limités et une petite équipe motivée.
Il a insisté sur la responsabilité de la nouvelle génération, qui doit désormais prendre le relais, se former aux nouveaux métiers, et comprendre que le port est un service au bénéfice de l’économie martiniquaise. Pour lui, la qualité de service, la rigueur et l’orientation client sont des principes essentiels pour que les infrastructures soient réellement efficaces.
Le message a été relayé par d’autres anciens, ainsi que par de jeunes techniciens présents à la manœuvre pour cette opération. Certains ont exprimé leur admiration devant les équipements et la complexité des opérations logistiques en cours.
Et après ?
La mise en service des deux portiques est prévue à l’été 2025. Le premier sera opérationnel à la fin juillet, le second courant septembre. Une cérémonie officielle d’inauguration est envisagée pour l’automne. L’ensemble du programme s’étendra encore sur plusieurs mois, avec des travaux supplémentaires sur les quais et les équipements annexes.