Le chef de l’État invoque le « respect dû » à la fonction présidentielle pour justifier sa décision, en contradiction avec le code de la Légion d’honneur.
Nicolas Sarkozy conservera sa Légion d’honneur. Malgré sa condamnation définitive à trois ans de prison, dont un an ferme pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des « écoutes », l’ancien président de la République ne sera pas radié de l’ordre national de la Légion d’honneur. Emmanuel Macron, en sa qualité de grand maître de l’ordre, a annoncé jeudi 24 avril qu’il « ne prendra aucune décision » en ce sens.
« C’est très important que les présidents et les anciens présidents soient respectés », a déclaré le chef de l’État, justifiant sa décision par la dignité attachée à la fonction présidentielle. Il a aussi souligné que Nicolas Sarkozy avait engagé un recours devant les instances européennes, ce qui, selon lui, justifie d’attendre. « Je considère que, vu son statut d’ancien président de la République, il mérite le respect, et que le retirer de la Légion d’honneur ne serait pas une bonne décision », a-t-il affirmé.
Une décision contraire au code
Pourtant, le code de la Légion d’honneur est sans ambiguïté. L’article R.96 du Code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite prévoit que :
La condamnation de Nicolas Sarkozy à un an de prison ferme, même aménagée sous bracelet électronique, entre donc dans le champ d’application de cette disposition. Le retrait, dans ce cas, n’est pas soumis à l’appréciation du grand maître : il est de droit.
Le grand chancelier de l’ordre, le général Benoît Puga, avait d’ailleurs rappelé publiquement ce cadre juridique, en soulignant qu’il ne laissait « pas beaucoup d’incertitudes ». La décision d’Emmanuel Macron s’éloigne donc d’une tradition républicaine fondée sur la neutralité juridique de l’institution.
De nombreux précédents de retrait
La Légion d’honneur a déjà été retirée à plusieurs personnalités, parfois pour des faits d’une gravité moindre. Le maréchal Pétain, pourtant héros de Verdun, a été déchu en 1945 après sa condamnation pour trahison. Plus récemment, Maurice Papon (complicité de crimes contre l’humanité), Claude Guéant (détournement de fonds publics) ou encore Isabelle Balkany (fraude fiscale) ont tous perdu leur décoration.
Des figures du monde sportif ou culturel, comme le styliste John Galliano ou le cycliste Lance Armstrong, ont également été déchues pour des propos ou des comportements jugés contraires à l’honneur. En 2021, l’ancien diplomate Boris Boillon avait été exclu après sa condamnation pour blanchiment de fraude fiscale.
Dans ce contexte, la décision d’Emmanuel Macron marque une rupture. Elle risque d’alimenter les soupçons de traitement de faveur et d’aggraver la défiance envers les institutions. Alors que le président affirme vouloir défendre « l’exemplarité républicaine », certains y verront un signal contradictoire.
Les cinq grades de la Légion d’honneur
par Napoléon Bonaparte en 1802, la Légion d’honneur est la plus haute distinction honorifique française. Elle comprend cinq grades hiérarchisés :
– Chevalier : premier grade, généralement attribué après au moins vingt années de mérites distingués dans le service public ou l’activité professionnelle.
– Officier : attribué après huit ans dans le grade de chevalier.
-Commandeur : après cinq ans comme officier.
-Grand officier : réservé à des personnalités aux mérites exceptionnels, souvent après plusieurs années comme commandeur.
– Grand-croix : le plus haut grade, attribué avec parcimonie. Nicolas Sarkozy en a été décoré en tant qu’ancien président de la République, selon la tradition républicaine.