États-Unis : pourquoi les Noirs et les pauvres sont les plus touchés par le Covid-19
April 19, 2020 2.01pm EDT
davantage sujets aux maladies respiratoires et cardiovasculaires,
aux cancers et aux accidents vasculaires cérébraux
. Ils sont donc aussi les plus touchés par l’épidémie du coronavirus.
Aux États-Unis, la pauvreté et l’origine ethnique des individus vont
souvent de pair. Une étude menée en 2018 montre que 11 % des Blancs
vivent dans des foyers dont les revenus sont inférieurs au seuil
de pauvreté officiel, contre 23 % des Afro-Am
éricains et 19 % des Hispaniques. Les personnes de couleur ont plus
de probabilité de vivre dans des quartiers pauvres où l’accès aux biens
de première nécessité et aux soins médicaux est restreint.
Il est prouvé depuis longtemps qu’il existe un lien de cause à effet
entre la pauvreté et la propagation des maladies infectieuses. Dans
les quartiers défavorisés, le nombre de cas d’hospitalisations liées
à la grippe est presque le double de celui observé dans les quartiers riches.
C’est également le cas pour les hospitalisations en pédiatrie pour cause de
pneumonie bactérienne secondaire. Il en va de même pour la tuberculose,
très présente dans les quartiers pauvres. Toutes ces tendances ne
s’expliquent pas uniquement par le fait que ces zones sont plus peuplées.
La tuberculose est particulièrement liée au statut socio-économique
rculose, les Afro-Américains, les immigrés et les habitants des quartiers défavorisés
furent les plus touchés car ils n’avaient pas accès aux soins médicaux.
Ceux d’entre nous qui étudient la charge de morbidité des pauvres ont vu
le même schéma de base se produire aux États-Unis aujourd’hui.
Les personnes atteintes de tuberculose sont souvent extrêmement
désavantagées sur le plan socio-économique. Les quartiers pauvres
et les personnes de couleur continuent à supporter de manière
disproportionnée le fardeau de la tuberculose parmi les personnes nées aux États-Unis.
La tuberculose : un exemple révélateur
des inégalités sociales aux États-Unis
Il est très intéressant d’étudier le cas de la tuberculose, car il permet de mieux comprendre
comment les inégalités
d’accès aux soins apparaissent dans la société américaine. La ségrégation résidentielle
existe depuis le début du XXe siècle aux États-Unis. Ce processus a toujours défavorisé
les minorités ethniques,
dont les revenus sont en moyenne plus faibles et qui sont donccontraintes de vivre
dans ces quartiers pauvres où elles sont plus exposées aux maladies infectieuses et
n’ont pas accès aux soins de façon systématique.
Le développement urbain au XXe siècle a systématiquement profité aux Blancs,
déplaçant toujours davantage les communautés de couleur. Celles-ci ont été regroupées
dans les mêmes quartiers pauvres, aux conditions de vie très difficiles, avec des logements
en mauvais état. Les populations non blanches sont donc plus sujettes aux risques d’infection
par la mycobacterium tuberculosis, l’agent pathogène responsable de la tuberculose, et ont
moins accès
aux soins permettant de la traiter.
Les quartiers les plus défavorisés sont également plus touchés par les maladies
chroniques. À titre d’exemple, dans ces quartiers, les taux d’hypertension artérielle,
d’obésité et de diabète sont très élevés car la plupart de leurs habitants n’ont pas
ccès à une alimentation saine et équilibrée et ne font pas ou très peu d’activité
physique. Dans ces conditions, les populations ont un système immunitaire plus faible
et sont donc plus vulnérables aux maladies infectieuses.
L’un des plus grands ennemis du système immunitaire,
c’est le stress. Or le fait même de vivre dans des quartiers
défavorisés où règnent discrimination, insécurité de l’emploi,
insalubrité des logements et rareté des biens de première
nécessité est en soi une source de stress considérable.
Cette forte exposition au stress est néfaste pour la santé
et le bien-être des habitants de ces zones.
Dans ces quartiers pauvres, les maladies infectieuses comme
la tuberculose ou le Covid-19 se développent d’autant
plus rapidement que les populations sont davantage exposées
aux agents pathogènes et ont généralement un système immunitaire affaibli.
plus élevé que celui des
Blancs dans la plupart des villes aux États-Unis.
La bombe à retardement du Covid-19
L’épidémie du Covid-19 aux États-Unis semble suivre la même trajectoire que
la tuberculose, mais en faisant encore plus de dégâts. Si aucune mesure
n’est prise rapidement, les inégalités entre populations pauvres et
populations aisées ne feront que s’intensifier dans les années à venir.
Les personnes de couleur sont encore discriminées sur les marchés
du travail et du logement. En témoigne le phénomène du « redlining ». Cette
pratique de discrimination consistant à refuser des prestations aux minorités
existe toujours, mais sous une forme plus subtile que par le passé : les
crédits logement leur sont alloués à des taux exorbitants et à des conditions abusives,
et les quartiers défavorisés restent mal fournis en biens et services. L’abandon
de ces communautés a conduit à une situation où dans certaines zones
la vie humaine vaut moins qu’aille
urs, et où il semble acceptable que certaines personnes ne disposent
pas des ressources nécessaires pour bénéficier du droit à la santé.
Si des épidémies de maladies infectieuses comme la tuberculose, ou
maintenant le Covid-19, peuvent sans aucun doute créer de nouvelles
disparités en matière de santé, elles vont presque certainement exacerber
celles qui existent déjà, mettant ainsi en évidence les conséquences d’une inégalité
à laquelle nous nous sommes tous habitués.
La pandémie actuelle invite les États-Unis à repenser le mode de fonctionnement
de leur société. D’autant que l’existence de foyers de Covid-19 au sein de
certaines communautés fait courir à l’ensemble de la population le risque
que l’épidémie s’installe dans la durée.
Les décideurs politiques devraient placer parmi leurs priorités le projet de
s’associer avec les praticiens de santé locaux et les organisations communautaires
pour fournir aux communautés à faibles revenus les ressources nécessaires
pour faire face à cette épidémie. Ces coopérations devraient réduire voire
supprimer le coût des tests et des traitements, et offrir un soutien social et
économique aux personnes qui peuvent avoir besoin de s’absenter de leur
travail pour suivre un traitement médical, ou qui ont perdu leur emploi à cause
du Covid-19. Enfin, à mesure que les possibilités de traitements et de vaccins
se développeront, des plans doivent être mis en place pour que ces
interventions médicales soient destinées aux communautés à faibles
revenus en premier et non pas en dernier lieu