Du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle, plus de 18 000 gens de couleur résident sur le territoire métropolitain de la France. Esclave ou affranchi, perruquier, cuisinier ou couturier, qui sont ces déracinés qui parfois font souche ? Retour sur ces destins, angle mort de l’histoire de la traite.
Le 23 mai 1848, au moment où l’esclavage est aboli est France, le commandant militaire de la Martinique de la Martinique, le général Claude Rostoland, déclare : « Il n’y a plus parmi nous de libres, ni d’esclaves. La Martinique ne porte plus aujourd’hui que des citoyens ». Il ajoute qu’il « recommande à chacun d’oublier le passé ». Oublier ? Jamais, sous peine de ne pas pouvoir vivre le présent et encore moins le futur. L’esclavage une histoire française, mais qu’en est-il des hommes et des femmes de couleur qui résident en France avant l’abolition de l’esclavage ? Xavier Mauduit
Le Code noir édicté par Louis XIV en 1685 statue sur le sort des esclaves dans les colonies. Dans ses territoires extérieurs, la France admet l’existence de travailleurs attachés à un maître, à une terre, et vendus sur des marchés. Pourtant, sur le sol français le droit permet depuis 1315 à un esclave de réclamer sa liberté. Face à la pression des planteurs, la législation française est modifiée à plusieurs reprises au cours du XVIIIe siècle, pour éviter à ces maîtres de perdre leurs esclaves quand ils séjournent en France.
À Paris, Bordeaux ou Nantes, plusieurs milliers de personnes de couleur, africains, afro-descendants ou métis, vont fouler le sol français avant l’abolition de l’esclavage. La plupart sont des domestiques au service de riches bourgeois, mais surtout de la noblesse qui exhibe ses « négrillons » pour afficher ses richesses. Si certains réussissent à s’affranchir et à bénéficier de statuts avantageux, beaucoup sont tout simplement renvoyés dans les colonies.
Qui sont les personnes noires à avoir débarqué dans les ports français au XVIIIe siècle ? Quel rôle ont-elles joué durant la Révolution ? Combien de temps la maxime « nul n’est esclave en France » a-t-elle été contournée ?
Avec Julie Duprat, archiviste paléographe et conservatrice des bibliothèques, diplômée de l’École nationale des chartes, elle y soutient une thèse d’école intitulée Présences noires à Bordeaux : passage et intégration (1763-1792) qui sera publiée en octobre 2021 aux éditions Mollat. Elle dirige le numéro 35 de la revue Lumières (Presses Universitaires de Bordeaux) consacré aux minorités noires en France. Elle a contribué au Dictionnaire des gens de couleur dans la France moderne. Volume III. Le midi, dirigé par Erick Noël (Éditions Droz, 2017).
Avec nous aussi Bernard Gainot, maître de conférences en histoire moderne à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est notamment l’auteur de Les officiers de couleur dans les armées de la République et de l’Empire (1792-1815) : De l’esclavage à la condition militaire dans les Antilles françaises (Karthala, 2007), de L’empire colonial français de Richelieu à Napoléon (1630-1810) (Armand Colin, 2015) et de l’article « Les Révolutionnaires face à l’esclavage », Histoire de la justice, vol. 31, no. 1, 2021, pp. 171-179. Il a publié avec Marcel Dorigny d’un Atlas des esclavages. De l’Antiquité à nos jours (Édition Autrement, 2017).
Dans le cadre de notre partenariat avec le numéro hors-série de L’Obs “Esclavage, une histoire française“, nous recevons la journaliste Doan Bui, sa rédactrice en chef.
De nouvelles lois vont être promulguées pour justifier le fait qu’on puisse arriver esclave en métropole et repartir avec ce même statut. Ces changements législatifs ont été poussés par ce qu’on appelle des lobbys coloniaux – les planteurs, les colons – qui n’étaient pas favorables au fait d’amener de force un esclave en métropole et qu’il soit affranchi du fait d’arriver dans l’hexagone. On observe que dès le début du XVIIIe siècle, on a des lois promulguées pour encadrer la venue des esclaves en métropole et garantir qu’il garde ce statut d’esclave après un retour aux colonies. Julie Duprat
La présence des noirs dans l’armée est antérieure à l’abolition de l’esclavage. Le lien avec l’abolition de l’esclavage n’est pas aussi évident qu’on pourrait le penser parce que, dans l’armée française, la question de l’avancement professionnel n’était pas du tout lié à cette question de statut mais à la question de mérite individuel et cela, dès avant la révolution. Par conséquent, on l’a vu avec Dumas, il a pu y avoir une période avant l’abolition où la promotion d’avancement militaire était tout à fait indépendante de la question de couleur ou de statut. Bernard Gainot
Sons diffusés :
- Lecture par Olivier Martinaud d’un extrait de Tableau de Paris (1781) de Louis-Sébastien Mercier.
- Archive – 10/05/2011 – FR3 – Extrait du documentaire Le chevalier de Saint George réalisé par Claude Ribbe.
- Lecture par Olivier Martinaud d’un extrait de Mes mémoires (publiées entre1852 et 1856) d’Alexandre Dumas.