Une plainte inédite a été déposée devant la Cour de Justice de la République contre trois ministres en exercice, accusés d’avoir laissé se détériorer, jusqu’à l’inhumanité, les conditions de travail du personnel soignant. Maurice Laouchez, dans ce nouveau Repère, revient sur les racines profondes de ce désastre médical français, fruit d’un long désengagement politique, et dresse un constat sans appel : il est urgent de repenser entièrement notre système de santé.
LE DÉSASTRE MÉDICAL FRANÇAIS FACE AUX JUGES
BEL BONJOU TOUT’MOUN
Le 10 avril dernier, une plainte a été déposée devant la Cour de Justice de la République.
Cette plainte vise trois ministres en exercice : la Ministre du Travail, le Ministre de la Santé, et la Ministre de l’éducation Nationale.
Cette plainte demande que des sanctions soient prises contre ces responsables pour avoir imposé à un certain nombre de membres du personnel soignant de divers hôpitaux des conditions de travail purement et simplement inhumaines, voir criminelles.
Des suicides ont été plusieurs fois constatés en liaison directe avec leurs souffrances professionnelles, dans plusieurs départements, tant dans l’Hexagone qu’en Outre-Mer.
Les dépressions sont multiples.
Des malades, aux urgences notamment, mais pas seulement, ont trouvé la mort là où on devait leur sauver la vie.
Les autorités visées, restées sourdes à de multiples alertes, confortablement installées et généreusement payées, ont donné dans de multiples cas le sentiment de n’accorder qu’une attention distraite aux rapports qui leur étaient faits.
La plainte en question n’est pas dénuée d’arrières-pensées politiciennes ; elle estime nécessaire d’attribuer les difficultés rencontrées dans les hôpitaux à l’application de « politiques publiques d’inspiration néo-libérales » datées des années 2012/2013.
Elle passe sous silence l’application, aux hôpitaux, sans préparation suffisante, de la semaine de 35 heures par Lionel Jospin et Martine Aubry, dix ans plus tôt.
C’est, en fait, depuis la fin des années 1980, Michel Rocard étant Premier Ministre et François Mitterrand Président de la République que le personnel soignant des hôpitaux a commencé à descendre dans la rue pour clamer son exaspération face à des conditions de travail et de rémunérations inacceptables.
Conditions inacceptables pour des professions essentielles, comme l’a rappelée la crise du Covid, mais encore davantage pour les patients.
Notons en passant, en ce moment où les problèmes d’immigration sont de nouveau débattus, qu’un tiers des médecins exerçant dans les hôpitaux sont étrangers, qu’ils sont scandaleusement moins payés que leurs confrères français, et que sans eux l’hôpital s’écroule totalement.
Sur le fond, la plainte déposée souligne, une fois de plus, l’incapacité criante de l’Etat à gérer un secteur essentiel pour l’état physique et mental de la nation, à savoir la santé.
Il est plus que temps de regarder cette réalité en face, et de confier l’application de la politique de santé à des organismes mutualistes ou privés ayant fait la preuve de leurs réelles compétences dans ce domaine.
Maurice Laouchez