La question des « preuves de l’existence de Dieu » revient avec la publication du livre « Dieu, la Science, les Preuves ». Pour le président de l’Association des scientifiques chrétiens, la notion de preuve est délicate à manier, et dépend du contexte dans lequel elle est utilisée. Mais il est légitime d’exercer notre raison humaine pour s’interroger sur l’existence de Dieu… et sa rationalité.
La lecture du best-seller de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu, la Science, les Preuves (Trédaniel) a soulevé des critiques qui ont buté sur le terme de « preuve », utilisé comme accroche dans le titre du livre. Or ce terme est polysémique et a d’ailleurs toute une histoire. Dès le XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin utilise le mot demonstrare pour l’appliquer à l’existence de Dieu, ce concept étant lié à celui de preuve comme une voie d’accès (on garde en mémoire les cinq voies de saint Thomas). Ce concept est aussi repris dans la déclaration du concile Vatican I disant que « Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées ». Soulignons brièvement que l’expression « peut être connu » renvoie à une capacité de la raison, imparfaite et noble à la fois ; elle ne donne pas d’indication sur la façon dont on peut accéder à cette connaissance (l’Église se maintient ainsi à distance de deux points de vue : d’une part, la raison ne pourrait rien conclure sur Dieu et d’autre part, l’existence d’un premier principe serait évidente).
Un faisceau d’indices
Dans le livre de Bolloré et Bonnassies, les différents sens du mot « preuve » sont analysés au chapitre 2. Les auteurs rappellent que les preuves envisagées ici ne sont pas de type absolu et sont bien sûr sans rapport avec celles faites en sciences physiques (pas question d’une théorie devant être confirmée ou infirmée par des mesures expérimentales). Ici, la force de la preuve est seulement liée à « la qualité et au nombre des correspondances entre les implications de la théorie et le réel observable ». On pourrait parler de faisceau d’indices au sens de la recherche de la vérité par un magistrat dans une affaire criminelle.
Selon le microbiologiste F. Harold, « l’origine de la vie semble toujours aussi incompréhensible, une question pour l’émerveillement ».
Le livre propose donc quatre voies d’accès. Certes, elles ne convaincront peut-être pas toutes le lecteur et, personnellement, si les considérations sur le réglage fin des constantes fondamentales de la physique ne m’ont pas convaincu, les trois autres voies m’ont beaucoup intéressé. Les chapitres concernant la théorie du Big Bang sont palpitants. Quels sont les fondements de cette théorie ? L’univers est dans un état de plus en plus dense et chaud à mesure que l’on remonte le temps ; et cela jusqu’au moment — il y a 13,7 milliards d’années — où les lois actuelles de la physique ne sont plus valables. La dernière composante de la trame quadridimensionnelle qu’est notre espace-temps, « le temps tel que nous le connaissons, n’existait pas encore ». De même, la question du brusque passage de la matière inanimée à la matière vivante est un sujet de profondes interrogations. Comment s’est effectué ce passage il y a 3,8 milliards d’années, 500 millions d’années après l’apparition de la Terre ? Comme cela est dit dans le livre, « la cellule ne peut vivre sans ADN qui lui-même ne peut vivre indépendamment d’une cellule » ; dans toutes les cellules, les ribosomes (dont le constituant principal est l’ARN) sont les éléments producteurs de protéines et ces dernières sont indispensables « pour construire un ribosome ». Selon le microbiologiste F. Harold, « l’origine de la vie semble toujours aussi incompréhensible, une question pour l’émerveillement ».
Le Dieu de la Révélation
Si la première partie du livre porte d’abord sur Dieu en tant que premier principe ou « grand horloger », pour parler comme les Lumières, la deuxième partie revient opportunément vers le Dieu de la Révélation, notamment à travers la contemplation de la façon dont la venue du Fils a été prophétisée. Nous avons par exemple le parallèle entre la venue de Moïse, libérateur de son peuple et la venue du Christ : le sacrifice de l’agneau en Égypte annonce du sacrifice du Fils, la manne annonce de l’Eucharistie, le serpent de bronze élevé annonce de la Croix. De même la petitesse du peuple juif au milieu des grandes civilisations antiques prophétise l’abaissement du Christ au milieu de ses ennemis.
L’exercice de la raison est légitime à s’interroger sur l’origine du cosmos, l’origine de la vie, l’histoire du peuple juif. Comme le rappelait saint Jean Paul II dans sa magistrale encyclique de 1998, « la foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité » (Fides et Ratio, intr.).