Réunis le 27 mai 2025 au Lycée Léopold Bissol du Lamentin, les membres de la commission BTP du CREFOP Martinique ont échangé sur les défis structurels du secteur. Jean-Yves Bonnaire, secrétaire général de la FRBTP, y a porté un message fort :
“Pour répondre aux besoins criants en main-d’œuvre et relancer durablement l’activité, il faut sortir des constats et passer à l’action, tout en engageant une réflexion courageuse sur les leviers à disposition… y compris ceux touchant à l’immigration.”
Depuis plus d’une décennie, les constats sur le déficit de compétences et les tensions de recrutement dans le BTP en Martinique sont identifiés. Le Contrat d’étude prospective de 2013 dressait déjà un tableau précis de la situation. Or, douze ans plus tard, peu de choses ont changé. Lors de la dernière réunion de la commission BTP du Comité Régional Emploi Formation Orientation Professionnelle (CREFOP), Jean-Yves Bonnaire, représentant la Fédération Régionale du BTP Martinique (FRBTP), a rappelé que « les idées ne manquent pas », mais qu’il est urgent de passer aux expérimentations concrètes, évaluables, et reproductibles.
Dans un territoire où le bâtiment joue un rôle stratégique — à la fois pour le développement, l’emploi, l’aménagement du territoire et la cohésion sociale — la formation ne peut être pensée sans tenir compte du niveau réel d’activité du secteur. Et à ce sujet, Jean-Yves Bonnaire est catégorique :
« La balle est principalement dans les mains des ordonnateurs publics. »
Autrement dit, sans une politique volontariste d’investissement public, tous les efforts en matière de formation resteront lettre morte.
Mais l’intervention du secrétaire général de la FRBTP ne s’est pas arrêtée à ce rappel. Face à l’urgence de la pénurie de main-d’œuvre, il a osé poser une question souvent évitée : comment intégrer, de manière encadrée et légale, certains travailleurs étrangers aujourd’hui en situation irrégulière sur le territoire martiniquais ? Une approche pragmatique, qui vise autant à répondre aux besoins immédiats du secteur qu’à redonner une chance à ceux qui vivent et souhaitent contribuer à l’économie locale.
Or, l’Arrêté du 21 mai 2025 fixant la liste des métiers et zones en tension pour l’immigration professionnelle ne fait mention que des régions de l’Hexagone. Une omission lourde de conséquences pour les Outre-mer, et notamment la Martinique, qui se retrouve mécaniquement exclue des dispositifs de régularisation ciblée.
La prégnance du travail illégal dans lequel le système actuel enferme des travailleurs ressortissants étrangers est une problématique majeure. Pourtant ces ressortissants étrangers ne souhaitent que participer à l’effort de construction sur le territoire où ils ont choisi de vivre. Notre combat est d’abord un combat pour la dignité humaine et pour l’image d’un secteur qui sait par ailleurs offrir à ses salariés réguliers une protection sociale exemplaire. Derrière cette problématique , il y a aussi la question des prix anormalement bas pratiqués ça et là et la déstabilisation du marché qui pénalise fortement les acteurs vertueux.
Jean-Yves Bonnaire appelle donc à un engagement fort des parlementaires ultramarins, pour faire valoir cette réalité locale au sein du cadre national. Une « correction » du décret est indispensable, selon lui, pour tenir compte des spécificités du marché du travail ultramarin et permettre des solutions adaptées, légales et humaines.
Le BTP martiniquais est à un tournant. La volonté de former existe, les besoins en emploi sont massifs, mais l’inaction risque de pérenniser une crise structurelle. Entre refonte des circuits de formation, relance de l’investissement public et ouverture d’un débat sincère sur les travailleurs sans papiers, les propositions portées par la FRBTP ouvrent une voie. Il revient désormais aux décideurs — locaux et nationaux — d’avoir le courage de la suivre.
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