C’était l’une des dispositions de la loi Pacte de 2019 : la création d’un guichet unique, en ligne, pour toutes les formalités des entreprises (inscription-création, modifications, cessation). Auparavant, six acteurs différents pouvaient intervenir : les trois chambres consulaires (commerce et industrie, métiers et artisanat, agriculture) ; les greffes des tribunaux de commerce, l’Urssaf et les services fiscaux. Et il existait différentes entrées sur la toile.
Depuis le 1er janvier, toutes les entreprises doivent procéder via formalites.entreprises.gouv.fr, un site géré, pour le compte de l’État, par l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), jusque-là spécialisé dans la protection des marques et des innovations et guère habitué aux flux massifs de demandes. « En tant qu’entrepreneur, j’approuve le principe d’un guichet unique pour toutes les entreprises, de leur naissance à leur mort, commente Marc Beggiora, président de la CCI de Savoie. Mais le choix de l’INPI, je ne le comprends toujours pas : ce n’est pas une structure adaptée à cette mission. »
« La simplification, tout le monde est pour… à condition que cela simplifie vraiment. Ce qui n’est pas le cas pour le moment », complète Philippe Carrier, son homologue à la CCI de Haute- Savoie, en écho aux difficultés de mise en route du nouveau système, malgré un an et demi de période de transition.
« J’ai un peu de mal à comprendre le pourquoi de ce changement, car il n’y avait aucun problème avec le système précédent : nous n’avons jamais eu de retour négatif sur la qualité de service et il ne coûtait rien au contribuable », lâche, pour sa part, un Vincent Gaud, président de la chambre de métiers et de l’artisanat régionale (CMAR), encore plus circonspect.
Sorties du jeu, appelés comme pompiers
Créer son entreprise ou modifier ses statuts n’a parfois de formalité que le nom. « Sept dossiers de création d’entreprise sur dix sont incomplets ou comportent une ou plusieurs erreurs », souligne Vincent Gaud. Les chambres avaient donc mis en place des services d’accompagnement (payants), avec du personnel dédié… et accessible en présentiel, au contraire du guichet unique en ligne. Malgré le transfert de compétence à l’INPI, elles ont décidé de les maintenir. Et, selon leurs dires, ceux-ci s’avèrent particulièrement utiles en cette période de transition.
Les chambres conservent en outre un rôle d’information, ainsi que, le cas échéant (professions réglementées) la mission “qualification” (vérifier que l’entrepreneur a bien le diplôme requis, par exemple). En clair, les organismes consulaires ont été éjectés de la mission principale mais continuent d’informer. Ils jouent même les pompiers de service face aux bugs du lancement : pas forcément plus simple à décrypter pour les entreprises.
Une fois le lancement digéré, les chambres s’attendent à une baisse de la demande en matière d’accompagnement. Donc à une baisse de recettes : ça devrait être dans les 200 000 euros de moins en 2023 pour la CCI 74. Pas de quoi menacer la pérennité de l’organisme, qui affiche 11 M€ de budget global, même s’il va falloir en tenir compte. « Cette diminution de recettes nous inquiète moins que l’écrêtement de la “taxe CMA”, même si elle a été revue à la baisse dans le projet de loi de finances [8 M€ au lieu de 15 M€, NDLR] », relève de son côté Vincent Gaud.
« Nous venons de revoir à la hausse les tarifs de nos autres prestations », complète Marc Beggiora pour la CCI 73. « En raison de l’inflation et parce que nous ne les avions pas augmentés depuis plusieurs années, mais aussi à cause de ce manque à gagner. » Socialement, pas de casse en vue : les chambres vont parvenir à gérer la transition en douceur, via des non-remplacements de départs naturels et des réaffectations des personnels sur d’autres missions.
Éric Renevier