Les responsables de l’agence de Martinique de l’Institut d’Emission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM) ont récemment présenté aux médias la synthèse économique relative à l’année 2023. Eléments de présentation.
Photo de couverture : Avec MM Cariou et Boileau, responsables du services Etudes de l’IEDOM
« Un marché du travail résilient »
L’emploi salarié s’est stabilisé en 2023 (+ 0,2%, soit 280 emplois supplémentaires) après une forte dynamique de création d’emplois en 2022 (3072 emplois supplémentaires). Une légère augmentation d’effectifs qui a été portée par le secteur public (+ 0,9%), les effectifs se contractant très légèrement dans le secteur privé (- 0,1%). Dans le même temps, la baisse du nombre de demandeurs d’emplois (toutes catégories confondues) a continué (- 6,2% en un an) ; une tendance s’expliquant principalement par une diminution du nombre de chômeurs de catégorie A d’une part (- 8,7% sur un an) et du nombre de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans d’autre part (- 2,2% sur l’année). En conséquence, le taux de chômage affiche un recul marqué en 2023 (à 10,8% en moyenne).
« Une décélération de l’inflation »
L’Indice des Prix à la Consommation (IPC) a augmenté en moyenne de 3,3% en 2023 (après 4,2% en 2022). En 2023, l’alimentation est le poste ayant contribué le plus significativement à la hausse des prix (pour un peu moins de la moitié de cette hausse), suivi des produits manufacturés (près d’un quart), des services (19%) et de l’énergie (10%). En moyenne annuelle, les prix de l’alimentation ont ainsi augmenté de 9,8%, les prix des produits manufacturés de 2,8%, les prix de l’énergie de 3,6% et les prix des services de 1,4%. L’évolution du « solde d’opinion » des prix de vente confirme cette tendance à la décélération de la hausse des prix ; en effet, les chefs d’entreprises consultés sont moins nombreux à déclarer avoir augmenté leurs prix de vente en 2023, comparativement à 2022.
« Des signes de ralentissement de la consommation »
Après une forte dynamique en 2022, la consommation a montré des signes d’essoufflement en 2023. Si les importations de biens de consommation non-durables progressent en valeur (+ 3,8%), elles baissent en volume (- 2,6%). Quant aux dépenses par carte bancaire, elles se replient en valeur (- 4,1%) comme en volume (- 2,6%). Les importations de marchandises transitant par le Grand Port de Martinique connaissent elles une légère hausse (+ 1%). Une stagnation de la consommation de biens qui est confirmée par les recettes de l’octroi de mer ; recettes en léger recul sur un an (- 0,5%). En revanche, les immatriculations de véhicules neufs ont été en hausse (+ 4,3%). Quant à la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), celle-ci est en « progression sensible » (+ 10%) et pourrait, selon l’IEDOM, traduire une « meilleure orientation du marché des services que celui des biens » (« les recettes sont liées aux biens et aux services, alors que l’octroi de mer n’est éligible que sur les biens »).
« Une dynamique d’investissements positive malgré la hausse des taux d’intérêt »
Malgré ce contexte de hausse (coût des crédits d’investissement : + 2 points sur un an en moyenne), les prévisions d’investissement à un an restent « bien orientées » ; la hausse des importations de biens d’investissement étant venue « corroborer » ce constat (+ 10,8% en valeur, + 2,6% en volume), tout comme la progression sensible des encours de crédit à l’investissement sur un an (+ 11%). Les entreprises ont continué de mobiliser des financements bancaires, malgré le renchérissement du coût du crédit ; les encours de crédits d’investissement ont ainsi augmenté de 10,5 % sur l’année 2023. Une « dynamique » qui selon l’IEDOM a été particulièrement soutenue dans les secteurs de la télécommunication, de l’énergie solaire, de la biotechnologie (valorisation des sargasses) et des transports (« une part de ces investissements concerne des projets en dehors du territoire martiniquais », est-il précisé). En outre, des chantiers significatifs devraient débuter en 2024, tels que la « rénovation de l’Hôpital de Saint-Esprit, celle de l’échangeur de Mangot Vulcin (40 millions d’euros), l’agrandissement du Club Med (50 millions d’euros) ou encore l’extension du Grand Port (122 millions). »
Concernant la situation financière de certaines entreprises, cette situation apparaît toujours « fragilisée » ; ce qui s’est traduit par une hausse du nombre de défaillances d’entreprises (+ 52% à fin décembre 2023 sur un an) dans un contexte de poursuite des remboursements des PGE (Prêt Garanti par l’Etat) et d’accélération des recouvrements opérés par la CGSS. Par ailleurs, les entreprises ont accru la part d’autofinancement dans leurs investissements pour « réduire le coût financier des projets ou à la demande des établissements bancaires. »
« Hausse des échanges commerciaux en 2023 »
L’an dernier, le trafic de marchandises au Grand Port a augmenté de 11% par rapport à 2022 ; une tendance s’expliquant notamment par la hausse des entrées (2,3 millions de tonnes) et des sorties (1 million de tonnes). Au total et en 2023, le Grand Port a ainsi connu la circulation de « 3,3 millions de marchandises. » Les importations de biens d’investissement ont augmenté de 11% et les importations de biens de consommation durables ont baissé de 11,8%. Globalement, les exportations (produits pétroliers inclus) ont, elles, augmenté de 13,2% par rapport à 2022, alors que les importations ont été « assez stables » (+ 0,3%). En 2023, le déficit commercial était de « 2,9 milliards d’euros. »
« Une année contrastée en fonction des secteurs d’activités »
A – « Secteurs primaire et agroalimentaire : une baisse de la production en 2023 »
Les événements climatiques (sécheresse, tempêtes) et la cercosporiose noire, notamment, auraient entraîné une baisse de 11,6% (par rapport à 2022) des expéditions de bananes. Une « aide d’urgence » (de 11 millions d’euros) a été annoncée pour des exploitations du secteur et la production, en début d’année 2024, serait « mieux orientée ». Quant à la campagne cannière, le tonnage de cannes broyées a augmenté de 10,2% en 2023 (+ 14% pour la sucrerie, + 9,6% pour les distilleries) mais la campagne 2024 est (déjà) marquée par des « rendements faibles. » En 2023, la production de rhum était en baisse de 7,6% par rapport à l’année précédente. Concernant la filière de l’élevage, le « tonnage total abattu » a diminué de 9,6% par rapport à 2022 : – 4,6% pour les bovins, – 12,3% pour les porcins, – 9,9% pour les ovins et caprins et – 39,5% pour les équins). En 2023, nombre d’entreprises du secteur agricole auraient eu, en outre, des tensions de trésorerie, ce qui aurait notamment entraîné un « frein » à la mobilisation de fonds FEADER*, pour lesquels est demandé un apport de 15%. Enfin, un dispositif de « régularisation de travailleurs étrangers » aurait entraîné une hausse des effectifs de « près de 6% » en 2023.
B – « BTP : un secteur en attente d’un rebond »
Selon l’IEDOM, les charges d’exploitation des entreprises du secteur ont continué d’augmenter (hausse du coût des matières premières et de l’énergie) et la trésorerie de ces entreprises s’est fortement dégradée en 2023. Le nombre de logements « autorisés » était de 2200 en décembre dernier (contre 3000 en décembre 2022) ; quant au logement dit social, sur les « 10.654 demandes en attente », le nombre de logements livrés a été de 377 sur la période 2020-2023.
C – « Le secteur du tourisme confirme sa reprise »
En 2023, le nombre de nuitées hôtelières et de passagers à l’Aéroport Aimé Césaire ont tous deux augmenté (respectivement de 5,6% et 5,3%) ; une « dynamique » qui se serait surtout vérifié au premier trimestre 2023. Quant au nombre de croisiéristes, ce montant a atteint les 346.830 (contre 84.796 en 2022) dépassant ainsi le niveau de 2019 (année de « référence » avec 337.648 croisiéristes). En outre, les difficultés de recrutement auraient « poussé » les professionnels du secteur à « augmenter les salaires », ce qui a « pesé sur les charges et la rentabilité des restaurateurs. » Selon l’URSAFF en effet, la masse salariale dans le secteur de l’hôtellerie-restauration a augmenté de 8,7% en 2023 (par rapport à 2022).
Mike Irasque (avec IEDOM)