En janvier 2024, « Tous Créoles » publiait une tribune qui invitait la population martiniquaise à se faire tester gratuitement pour qu’elle connaisse précisément son taux d’imprégnation de chlordécone dans l’organisme. A ce jour, pas moins de 40.000 tests de chlordéconémie ont été effectués ; ils révèlent qu’environ 8% des personnes testées ont une présence significative de la molécule dans le sang. Dès lors, toutes ces personnes ont pu bénéficier d’un accompagnement gratuit leur permettant de se désintoxiquer rapidement.
Dans cette première tribune, Tous Créoles rappelait une idée simple : « Parce que le meilleur des combats commence avec soi-même, regardons ce que nous avons dans le sang ! Faisons-nous tester ! ». L’association proposait ainsi à chacun d’agir plutôt que de subir.
Et parce qu’on agit mieux quand on sait, les pouvoirs publics ont décidé de compléter ces premières données par une étude approfondie. Cette nouvelle étude « KANNARI 2 » fait suite à la première étude « KANNARI 1 » qui avait défrayé la chronique en 2011.
Comme chacun le sait, le canari, oiseau domestique de couleur jaune, est connu pour son chant d’alerte indiquant la présence de gaz toxiques dans l’air ambiant.
L’étude KANNARI 2, lancée depuis le début de l’année 2024 par Santé Publique France (SPF), est donc un outil d’alerte qui permettra d’évaluer l’imprégnation des habitants de Martinique et de Guadeloupe par le chlordécone, ainsi que par d’autres polluants dont des pesticides et des métaux lourds. Elle vise à approfondir les analyses de chlordéconémie en interrogeant un échantillon aléatoire de 3 000 Antillais (2 300 adultes et 700 enfants) qui seront tirés au sort d’ici juillet 2024.
Cette étude a notamment pour objectifs :
- de mesurer l’évolution des niveaux d’imprégnation de la population à la chlordécone, 10 ans après la première étude KANNARI ;
- d’évaluer l’imprégnation à une sélection d’autres molécules (pesticides et métaux lourds), dont certains pour la première fois comme le glyphosate, les métabolites des pyréthrinoides et plusieurs métaux lourds (plomb, arsenic, mercure) ;
- d’identifier les facteurs qui sont associés au niveau d’imprégnation élevé dans la population ;
- d’étudier l’imprégnation des populations plus sensibles (enfants et femmes en âge de procréer) et plus exposées (travailleurs agricoles, pêcheurs, personnes résidant en zone contaminée) ;
- de mesurer les connaissances et l’adoption des recommandations alimentaires visant à réduire l’exposition à la chlordécone.
Concrètement, cette étude KANNARI 2 se déploie de janvier à juillet 2024, sur l’ensemble des communes de Guadeloupe continentale et de Martinique. Les personnes tirées au sort seront informées par courrier. Elles seront ensuite rencontrées à leur domicile sur la base du volontariat pour :
- une présentation détaillée de l’étude par un enquêteur et le recueil de leur accord de participation ;
- un examen clinique par une infirmière et le recueil des prélèvements biologiques (urine et sang) ;
- le remplissage d’un questionnaire sur leurs habitudes de vie, leur alimentation et leurs activités professionnelles et de loisirs.
Malgré la gratuité des tests de chlordéconémie dans les laboratoires du territoire, trop peu de Martiniquais savent encore s’ils sont exposés ou non à la chlordécone. Cette nouvelle étude KANNARI 2 permettra d’aller plus loin dans la connaissance grâce à l’extrapolation statistique de l’échantillon testé dont les habitudes de vie et l’exposition aux polluants seront finement analysées.
De cette étude émergeront de nouveaux plans de protection des populations antillaises, car il est bon de rappeler sans cesse que c’est par la connaissance que l’on gagnera le combat de la chlordécone. Un combat que nous devons tous engager individuellement, soit en se faisant tester, soit en acceptant sans réserve de participer à l’étude KANNARI 2, si nous étions sollicités.