La Martinique n’en finit plus de s’ouvrir à de nouvelles destinations. Avec Toronto, l’année dernière puis la Barbade, c’est à nouveau le continent nord américain qui fait du pied à la Martinique. Tout juste après la communication d’Air Transat sur sa nouvelle ligne qui desservira le Québec, Air Canada et le Comité martiniquais du tourisme ont annoncé lors d’une conférence de presse, une nouvelle desserte hebdomadaire entre les deux territoires. Le 7 décembre prochain, se posera donc sur la piste de l’aéroport Aimé-Césaire le premier Boeing 737 d’Air Canada en provenance directe de Québec. Bruno Brival, directeur général du CMT et Valérie Césarine, directrice commerciale et marketing de la Samac (Société aéroport Martinique Aimé-Césaire) justifient d’un travail de longue haleine mais surtout d’un marché porteur et prometteur pour la Martinique. Rare destination francophone dans la Caraïbe, l’île a son épingle à tirer dans une province québécoise qui compte plus de 9 millions d’habitants.
Valérie Césarine, directrice commerciale et marketing de la Samac
L’offre des destinations d’Aimé-Césaire s’est vivement enrichie ces derniers mois. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a un engouement dans la région pour notre destination. Nous faisons en sorte que la demande se développe au départ du Canada avec de nombreuses actions qui sont menées à la fois par le CMT et la Samac. Il faut que les compagnies aériennes puissent travailler avec les acteurs du tissu local que sont nos agences locales de voyage – elles ont œuvré depuis très longtemps pour développer ce flux entre la Martinique et le Canada. Nous avons une communauté martiniquaise qui a enflé les rangs des citoyens canadiens. Nous avons bâti cette belle histoire entre nos deux régions ce qui nous permet de travailler avec Air Canada qui nous annonce une troisième liaison directe au départ du Canada après Montréal et Toronto. Et en effet, Air Transat a été convaincu du potentiel de notre destination. En plus de la desserte Montréal qu’ils ont annualisé cette année, ils nous proposent au mois de décembre le Québec. Ce qui concourt à l’attrait de notre destination, c’est que nous offrons des gages d’authenticité sur un marché francophone qu’affectionne le marché canadien notamment ceux qui sont francophones. Nous avons su aussi nous réinventer. Nous avons amélioré nos infrastructures, l’aéroport en est un très bel exemple. La concrétisation de ces projets donnent vie à nos ambitions et nous permettent d’optimiser nos installations et de proposer ce parcours passagers qui était vraiment au cœur de nos discussions, de la stratégie de la Samac parce que nous sommes l’un des points d’entrée de la destination. Il était indispensable pour la Samac d’offrir cette belle image de la Martinique dès l’aéroport. Nous réussissons ce pari et nous travaillons de concert avec l’ensemble des acteurs du territoire de toutes les filières pour nous assurer du plein succès des dessertes mises en œuvre par nos partenaires transporteurs aériens.
Quels sont éléments apportés en vue d’améliorer le parcours passager ?
Nous nous sommes attachés à écouter les passagers. Nous avons utilisé toutes nos remontées mais aussi celles que nous collectons auprès des compagnies aériennes. Nous nous sommes assurés sur les points anxiogènes de notre aéroport d’offrir des espaces plus vastes et équipés d’outils modernes. Sur la partie enregistrement, nous avons désormais 44 comptoirs. Nous avons créé une nouvelle zone dédiée aux vols régionaux, aux vols moyens courriers où sont opérés les vols Air Canada et Air Transat. Autre point relativement anxiogène, le passage à l’inspection filtrage du passage de cabine. Nous avons l’obligation d’assurer la pleine sécurité sur notre plateforme et de la sûreté en vol et de respecter la réglementation internationale et européenne. Notre aéroport détient une certification européenne, ce qui est très important dans la zone car il s’agit d’un gage sûreté et de sécurité aéroportuaire, ce que recherchent les compagnies aériennes. Nous avons agrandi l’espace dédié au contrôle de la police aux frontières. Nous avons désormais huit filtres sûreté. Cela nous permet une accélération du flux dans ces zones. La salle d’embarquement a été quasiment doublée avec une salle dédiée aux courts courriers. Nous avons repensé la galerie commerciale. L’aéroport est aussi un lieu de vie.
Quelles sont les ambitions de la Samac ?
Notre objectif respecte la stratégie du territoire de développer un tourisme durable et dans le plein respect de la capacité d’accueil de notre destination. Notre ambition n’est pas de développer le tourisme de masse comme d’autres destinations caribéennes qui ont le foncier pour le faire. Nous voulons proposer un tourisme de qualité et accompagner ce développement pour accueillir le flux. Comme ce flux s’étudie à partir de données que nous récoltons sur les différents marchés émetteurs, nous nous assurons de faire en face à ces ambitions de trafic. Ainsi, nous dimensionnons nos équipes et nos infrastructures en fonction.
Bruno Brival, directeur général du CMT
Comment la Martinique se distingue de ses consœurs de la Caraïbes aux yeux des Canadiens ?
Québec city a beaucoup d’ouverture sur les îles hispanophones tout comme le Mexique. Nous nous différencions par le fait que nous sommes la Caraïbe française. Nous offrons une culture et une façon de vivre différentes. Ce sont nos marqueurs de territoire que nous mettons en avant. Nous sommes très heureux de cette nouvelle ligne que nous souhaitions. Cela peut prendre 5 ans pour développer une ligne pour que derrière l’opportunité se traduise avec une dynamique de développement. Ce sont de lourds investissements. Nous allons soutenir cette ligne pour qu’elle devienne pérenne. Nous avons eu une très belle surprise sur Toronto. La ligne fonctionne quasiment toute seule. Cela veut dire que la clientèle torontoise a trouvé son véritable intérêt à venir en Martinique. Nous ferons la même chose avec le Québec.
Comment allez-vous assurer la pérennité de cette nouvelle ligne ?
Un gros travail est fait sur la promotion du territoire à l’extérieur de façon à ce que les Canadiens puissent venir sur toutes les lignes existantes. On se rend compte que des liens se tissent déjà et que beaucoup de Martiniquais y vont par rapport aux études. Il y a l’ICEA, les écoles de commerce, l’université. Tout cela fait partie des liens. Tout se développement se fait au travers de la connaissance du Canada. Nous encourageons les agences locales à promouvoir aussi la destination Canada. C’est une ouverture de la Martinique sur l’extérieur. Cela va des deux côtés. C’est important d’avoir une ligne qui fonctionne.
Selon les chiffres, vous avez expliqué que le touriste canadien était particulièrement généreux.
C’est dans son ADN. Le Canadien donne des pourboires aussi. Au restaurant, il paie sa note mais également des tips. Cela fait partie du concept. Au-delà de cela, c’est une clientèle qui aime beaucoup consommer. Elle a des vacances plus réduite que dans l’Hexagone. Ainsi, quand un Canadien prend des vacances, il prend des Vacances avec un grand V. Il profite de la destination.
Les affinités semblent différentes avec le voisin étasunien qu’avec le Canada.
L’affinité n’est pas du tout la même. On est dans la région Québec où l’on parle le français. Les Québécois sont très heureux de parler le français en vacances. Nous avons cette opportunité d’être un territoire soleil francophone. De plus, nous avons un autre avantage intéressant. On ne promeut pas uniquement le sable blanc des plages, on promeut aussi la gastronomie, la culture, la biodiversité mais aussi les grandes étapes de notre histoire. Cela plaît énormément aux Canadiens. Le lien se crée et il est de plus en plus fort. Aussi, ils viennent à n’importe quel moment de l’année, pas uniquement lorsqu’il fait beau pour découvrir d’autres richesses du territoire.
Le CMT explore-t-il d’autres territoires francophones pour des possibilités d’ouvertures de lignes ?
On est sur une diversification qui s’impose dans les territoires émetteurs, c’est essentiel. On ne peut pas rester que sur le marché national qui force la cyclicité. Ce marché national à partir de mai/juin, quand il fait beau, ça commence à décliner, ce qui est normal. C’est un mode de fonctionnement. Il y a d’autres marchés comme la Belgique, l’Allemagne, la Suisse qui nous intéressent fortement. Nous avons identifié au niveau de leur clientèle qu’ils ne se posent pas la question de la cyclicité. Ils peuvent venir au mois de mai, au mois de juin ou septembre, cela ne leur pose aucun problème. La différence est dans la lisibilité de notre territoire sur les autres marqueurs, ceux qui ne sont pas sur le balnéaires : la biodiversité, la gastronomie, la nature et le rhum.
Propos recueillis par Laurianne Nomel