La sécurité en Martinique constitue depuis plusieurs années un enjeu prioritaire pour les autorités locales et nationales. Signé le 14 mars 2024, le Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité de la Martinique est un plan ambitieux visant à renforcer la sécurité sur l’île et à lutter contre les défis spécifiques au territoire. Ce mercredi 8 janvier 2025, le comité de suivi stratégique s’est réuni en préfecture pour dresser un premier bilan des mesures engagées. Il est à noter que nous n’avons pas eu le temps d’interroger Mr Serge Letchimy, mais nous reviendrons sur ce dossier avec son interview.
Le reportage texte et photos de Roland DORIVAL – Photo de couverture : 1,2 tonne de cocaïne saisies par le Dumont d’Urville • ©FAA
Ce contrat, élaboré avec la contribution de nombreux acteurs, s’étend sur une période de cinq ans (2024-2028). Il contient 71 mesures articulées autour des priorités de la Stratégie Nationale de Prévention de la Délinquance (SNPD). Ces actions visent notamment à :
- Développer l’action locale de prévention ;
- Renforcer la prise en charge sociale ;
- Encadrer et réinsérer les jeunes en difficulté ;
- Lutter contre les addictions ;
- Améliorer l’accès au droit.
Un an après son lancement, où en sommes-nous ? Les acteurs de ce dispositif ont accepté de partager leurs impressions, leurs avancées et leurs défis.
Clarisse Taron, procureure de la République de Martinique :
“Nous avons fait de notre mieux avec les moyens disponibles sur un territoire difficile mais attachant.”
Pour Clarisse Taron, le bilan de ses trois ans et demi en Martinique est à la fois chargé de défis et marqué par des avancées.
“Il y a eu des moments extrêmement difficiles pour le territoire, particulièrement ces derniers mois”, confie-t-elle.
Malgré ces obstacles, elle souligne des progrès dans des domaines stratégiques tels que la lutte contre le trafic de stupéfiants, grâce à une meilleure coopération internationale, et la prise en charge des victimes de violences intrafamiliales, rendue possible par une collaboration accrue entre services de l’État, associations et collectivités.
Cependant, elle admet que des résultats insuffisants persistent dans la lutte contre les violences. Les juridictions ont toutefois accéléré les procédures et prononcé des peines significatives.
“Je n’aurais pas la prétention de dire que mon passage ici est une réussite. Mais nous avons tenté de faire au mieux.”
Serge Letchimy, président de la Collectivité Territoriale de Martinique :
“La lutte contre le trafic de drogue doit s’intensifier pour protéger notre société.”
Pour Serge Letchimy, le trafic de drogue est un fléau qui fragilise les institutions martiniquaises et génère des conséquences sociales et économiques désastreuses. Il salue néanmoins les avancées permises par le Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité signé en 2024, tout en appelant à redoubler d’efforts.
“Les côtes longtemps poreuses sont aujourd’hui mieux surveillées grâce à des drones et des bateaux rapides, mais il faut aller encore plus loin.”
Il met en avant l’importance de renforcer le contrôle des points d’accès stratégiques comme le port et l’aéroport, mais insiste également sur la nécessité d’une prise en charge globale des problématiques sociales.
“Relancer les politiques de proximité pour les jeunes et renforcer l’accompagnement des familles monoparentales sont des actions essentielles pour agir en amont du problème.”
Enfin, il regrette la diminution des emplois aidés et appelle à renforcer la justice et les moyens humains dédiés à cette lutte, tout en saluant les efforts réalisés dans le cadre du contrat territorial.
“Nous avons une dynamique en place, mais elle doit s’accélérer et s’amplifier face à l’urgence de la situation.”
Jean-Christophe Bouvier, préfet de Martinique* :
“La sécurité est une responsabilité partagée entre l’État et tous les acteurs locaux.”
Le préfet Jean-Christophe Bouvier a insisté sur la montée en puissance des moyens alloués par l’État dans le cadre du contrat.
“Nous avons amélioré la sécurité périmétrique, notamment grâce à des investissements significatifs pour surveiller les eaux territoriales, les flux portuaires et aéroportuaires”, précise-t-il.
Parmi les avancées notables :
•Renforcement technologique : arrivée d’un drone à grand rayon d’action pour surveiller les eaux territoriales (opérationnel mi-2025) et mise en place d’un scanner mobile pour le Grand Port Maritime (prévue pour avril 2025).
•Coopération régionale : nomination d’un agent de sécurité intérieure et d’un magistrat de liaison à Sainte-Lucie, couvrant cinq États des petites Antilles.
“Le contrat permet de rassembler tous les acteurs, de mieux travailler ensemble et de passer désormais à une phase opérationnelle plus active.”
*Vous trouverez une interview plus complète du Préfet dans un autre article
Josette Manin, élue de la Collectivité Territoriale de Martinique :
“La mobilisation de tous les acteurs est essentielle pour sécuriser notre territoire.”
Chargée de la sécurité et du contrat territorial de sécurité à la CTM, Josette Manin se réjouit de la dynamique collective instaurée par ce contrat.
“Tous les acteurs impliqués se sont donnés à fond, et chacun a pris sa part dans les avancées réalisées”, affirme-t-elle.
Selon elle, ce travail doit se poursuivre pour que, dans les années à venir, la sécurité s’améliore de manière tangible.
“Notre objectif est de renforcer la sécurité sur tout le territoire et d’éviter que l’insécurité ne prenne davantage d’ampleur.”
Justin Pamphile, président de l’Association des Maires de Martinique :
“Les maires jouent un rôle clé dans la prévention et l’animation sociale sur leurs territoires.”
Pour Justin Pamphile, le rôle des maires dans ce dispositif est incontournable. Il souligne toutefois la nécessité de moyens accrus, notamment pour équiper les polices municipales et renforcer la prévention de la délinquance.
“Les trente-cinq tonnes de cocaïne saisies montrent l’urgence de consolider le contrôle périmétrique de l’île.”
Il appelle également à inclure davantage les bailleurs sociaux, en raison de leur rôle fondamental dans les zones d’habitation à forte densité. Enfin, il plaide pour un déploiement élargi de la vidéosurveillance, tout en rappelant ses limites.
“La vidéosurveillance aide dans la recherche de preuves, mais ne peut à elle seule garantir la sécurité. Nous devons associer prévention et répression pour des résultats durables.”
Un bilan encourageant, mais encore des défis
Un an après le lancement du Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité de la Martinique, les résultats sont prometteurs, bien que des marges de progression subsistent. Les efforts collectifs doivent se poursuivre pour répondre aux défis propres à l’île. Le comité de suivi, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, entend continuer à mobiliser les moyens humains, matériels et technologiques pour atteindre les objectifs ambitieux fixés d’ici 2028.
Roland Dorival