Lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale sur la délinquance financière le 22 mai dernier, l’actuel ministre de la Justice a déclaré « à ceux qui m’interrogent pour savoir comment on arrête la drogue dans nos quartiers. Une mesure assez simple : la fin de l’argent liquide empêchera les points de deal ». Il ajouta « Je suis réaliste. Je pense qu’on n’en a pas les moyens politiques ». La difficulté n’est pas seulement politique, ou juridique, mais d’abord économique. Examinons ensemble la situation de la Martinique.
L’usage des espèces à la Martinique
Selon une étude de l’IEDOM Martinique de mars 2025 48% des transactions au quotidien sont payées en espèces. Selon cette étude, les paiements en argent liquide concernent principalement les transactions de faible montant, les achats auprès de marchands ambulants, dans les lieux de culture et de divertissement. Cette même note relève que des facteurs sociologiques exercent une influence sur les habitudes de paiement des particuliers : âge, niveau de diplôme, niveau de revenus. L’usage des espèces diminue à mesure que le revenu augmente.
L’argent liquide dépensé notamment chez les commerçants est en grande partie déposé dans les banques locales ; les banques déposent ensuite les fonds récoltés à la Banque de France représentée ici par l’IEDOM. Dans le même temps les banques retirent des fonds à l’IEDOM pour alimenter les 290 distributeurs de billets installés sur l’île ; de même les banques délivrent également des espèces aux entreprises, aux commerçants.
Les dépôts à l’IEDOM dépassent les retraits par les banques
Ces flux financiers en espèces (pièces et billets) sont significatifs. Le cumul des retraits effectués par les banques à l’IEDOM a dépassé 1,44 milliard d’euros en 2024 ; ces flux financiers sont en baisse régulière depuis 2011 où ils s’élevaient à 1,9 milliard d’euros. Le cumul des versements effectués par les banques à l’IEDOM a dépassé 1,45 milliard d’euros !!!
Il y a près de 10 millions d’euros en CASH qui ont été versés en plus.
Contrairement aux pratiques habituelles, il n’y a plus d’émission nette en Martinique depuis 2 ans pour reprendre le jargon des banques centrales. En effet les retraits effectués par les banques auprès d’une banque centrale dépassent largement les dépôts qui sont effectués par ces mêmes établissements. Cette différence constitue une émission nette de billets.
C’est un paradoxe apparent, cette réalité comptable traduit quelque chose de plus insidieux, de plus profond. L’argent sale s’infiltre insidieusement dans les circuits économiques et arrive blanchi dans des banques.
Gérard Dorwling-Carter