L’être humain dispose d’une caractéristique fondamentale, sa capacité à s’adapter à son environnement. Les caribéens n’échappent pas à la règle, mais doivent trouver un équilibre entre la terre et la mer, car ils résultent de la confrontation et de la complémentarité entre ces deux milieux.
Si les espaces émergés caribéens offrent de nombreux atouts, la mer des Caraïbes, qui fut longtemps perçue comme une barrière, prend progressivement la dimension d’un vaste réservoir de biodiversité, pourvoyeur de vie, mais aussi support d’un développement annoncé, rêvé, d’un développement…potentiellement durable.
Si tout le monde s’accorde à reconnaître que ce développement est possible, tous sont unanimes sur le fait qu’il ne le sera véritablement que lorsque la pression exercée sur le milieu sera maîtrisée ; en clair, lorsque l’anthropisation ne sera plus vécue comme une agression, mais comme un moyen de contribuer au développement.
Il s’agit donc de tout mettre en œuvre pour protéger ce réceptacle et en faire un écrin de biodiversité car, à ne poser que des constats sans jamais y apporter de remèdes, sa diversité biologique finira par s’essouffler, et les rêves de développement n’aboutiront pas.
Une économie bleue pour préserver la biodiversité
Le passage d’une économie traditionnelle axée sur les produits de la mer (économie linéaire : je prélève, je consomme, je rejette !) à une économie bleue, sous-tend un changement radical de mentalité, de fonctionnement, laissant place à l’imagination et à l’innovation, où nutrition et bien-être pourraient devenir les fers de lance de ce nouveau modèle basé sur une utilisation raisonnée de la biodiversité marine. Ainsi, la création d’industries biologiques ou biochimiques marines, pourrait permettre à des chercheurs d’exploiter des molécules extraites de la faune et de la flore sous-marines, dans le but d’alimenter les secteurs pharmaceutiques, cosmétiques et agroalimentaires.
Par ailleurs, il y a lieu d’encourager l’utilisation durable des ressources, et donc de pratiquer la réimplantation des espèces menacées : réintroduire le lambi, replanter ou bouturer les coraux, permettre le développement des oursins pour que le plus grand nombre en profite, développer la production d’holothuries (les « concombres de mer, » si prisés dans la cuisine asiatique), etc. Pourquoi ne pas favoriser aussi le développement de l’industrie perlière, le développement de la conchyliculture (en lien avec l’artisanat local) ? Rappelons que les premiers habitants de nos territoires, utilisaient déjà les huîtres de palétuviers pour leur consommation quotidienne, tandis que leurs compagnes s’en paraient pour se mettre en valeur.
Toujours dans le but de trouver de nouveaux axes de développement, les énergies renouvelables liées à la mer devraient aussi être plébiscitées : énergie thermique des mers, énergies marémotrice, houlographique, courantologique… Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, la pose d’hydroliennes à proximité des canaux de la Dominique et de Sainte-Lucie ?
Sur un autre plan, l’attractivité de l’espace Caraïbe pourrait croître, si on y développait par exemple des infrastructures balnéaires basées sur le bien-être ; n’oublions pas que dans l’imaginaire des touristes, tropicalité rime avec farniente, avec détente et donc avec bien-être …
Parallèlement, une vraie sensibilisation à la culture de la mer devrait favoriser l’attrait de la population caribéenne pour ce milieu longtemps ignoré, voire méprisé. Cela pourrait s’appuyer sur une offre de formations scolaire et universitaire en adéquation avec les besoins des territoires concernés. Cela a déjà été amorcé en Amérique centrale avec un projet d’université de la mer.
Certains crierons : UTOPIE ! Mais ne faut-il pas rêver pour avancer, ne faut-il pas rêver pour produire, rêver pour bâtir. Alors, rêvons !
Rêvons que demain la Caraïbe, riche des ses particularités, de sa diversité, de ses contradictions, saura relever le défi de l’unité pour faire du réceptacle qui la borde, le creuset de son développement…un développement fondé sur une économie bleue.
Par Virginie BELIBI et Pascal SAFFACHE