Marie-France Grugeaux-Etna et François-Xavier Guillerm signent chez Caraïbéditions une biographie de Lucette Michaux-Chevry :
« la dame de fer de la Caraïbe française ».
Tout a commencé le 3 mars 2019 par un déjeuner avec l’intéressée et deux de ses avocats, Mes Démocrite et Ursulet, au cours duquel ces derniers l’ont convaincue de se confier… pour l’Histoire !
« Cette porte, raconte-t-elle lors du premier entretien, cache mes archives personnelles. Ici, mes photos… »
Madame Michaux-Chevry, tunique et pantalon blancs, coiffée, maquillée, élégante et tout sourire, désigne des enfilades de portes de placards bleus. « Puisque vous êtes mes confidents… » C’est son anniversaire. Le téléphone sonne. « Octave ! » Son fils, pilote de ligne, prénommé comme son arrière-grand-père. « J’ai reçu un bouquet de jolies roses, mais on donne ça à une jeune maman, pas à une grand-mère comme moi ! Tu sais, je suis en pleine forme ! J’ai pris un coach pour faire de la gymnastique. J’ai décidé d’ouvrir mon cabinet à Basse-Terre pour m’occuper. Je vais descendre de temps en temps. Et j’ai le moral ! Dis à ta femme que le bouquet est magnifique ! Vous ne vous êtes pas moqués de moi ! » Elle raccroche. Ça sonne encore. « Allo Bernard… Comment allez-vous, Bernard ? Je vais bien, j’ai 90 ans et je suis superbement belle !… Ah ! Ça me fait vraiment plaisir ! Je veux simplement te dire, la Lucette que tu connais, ton amie, je ne me suis jamais déshonorée… Je te le dis… Non, tu es un ami, tu sais l’estime que je te porte, la place que tu occupes dans ma vision de l’homme qui aime la Guadeloupe, qui aime l’Outre-mer, qui a beaucoup fait pour préserver le capital culturel, je te dis à toi : sois tranquille, je suis très sereine….« Voyez, j’ai de bons amis qui me connaissent bien ! » Nous revenons dans le bureau et l’enregistrement des fameuses confidences démarre.
Sa version et celle des autres
Il a ensuite fallu trouver des proches de Lucette Michaux-Chevry qui acceptent de parler d’elle librement, sans langue de bois… Les refus furent nombreux sous des prétextes divers : « Je peux développer tous les côtés positifs et je connais aussi tous les côtés négatifs, se justifie Jean-Paul Fischer, directeur de la SEM Patrimoniale Région Guadeloupe, et vieux complice de la dame. Le personnage est bien plus complexe que ce que l’on croit. Je n’ai pas une parole libre. Si je devais tout raconter et tout dire, je me fâcherais avec la moitié de la Guadeloupe. » Même refus de Gabrielle Louis Carabin, maire du Moule : « J’ai des souvenirs, de bons et de très mauvais. Et comme j’ai fait la muette la concernant depuis des mois, je reste sur ma position. Je préfère ne pas parler d’elle. Elle n’a pas toujours été gentille. »
« Comme ce livre n’est pas un souhait de la famille, avance Jacques Gillot, ancien sénateur, ancien maire du Gosier et ancien président du Conseil général de la Guadeloupe, qui semble à ce sujet en savoir plus que les auteurs, j’aurai du mal à intervenir. L’affection que j’ai eu pour madame Michaux-Chevry à un certain moment, ne me permet pas de répondre (…) Et vous êtes obligés de finir sur le procès et ça me gêne. J’ai souffert de la politique, je ne veux plus en souffrir. » D’autres comme Dominique Larifla qui fut maire de Petit-Bourg député, sénateur et président du Conseil général, n’ont pas pris la peine de justifier leur refus. Au final, les auteurs sont parvenus à faire tout à la fois le récit de la vie d’une femme et celui de l’histoire politique de la Guadeloupe des soixante dernières années, une gageure !
Morceau choisi
« Le 17 mars 1985, LMC est élue dans son canton mais battue au troisième tour. (…) Larifla n’a eu aucun mal à lui souffler son fauteuil (de présidente du conseil général). (…) LMC disparaît. Sans prévenir personne, elle s’est retirée chez Marie-Alice Jacoulet. Elle apprécie particulièrement cette Martiniquaise de quinze ans sa cadette, avocate et chiraquienne comme elle. Marie-Alice est la sœur aînée de la compagne de Charles-Henri Michaux, le fils aîné de feu son mari. Charles-Henri a beau être militant du parti progressiste martiniquais, le parti d’Aimé Césaire, il n’appartient pas moins à la bourgeoisie dite mulâtre de Fort-de-France que LMC se pique de fréquenter. Depuis son exil avec Henri, avant leur mariage, LMC connaît bien l’île sœur et ses grands fauves politiques. Alfred Marie-Jeanne et Michel Renard la respectent tout en se tenant à distance des affaires guadeloupéennes. »