Il y a des comparaisons qui ne passent pas. Des mots qui révèlent une stratégie plus qu’une conviction. Deux jours après le 57e anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King par un ségrégationniste blanc, Marine Le Pen a osé se réclamer de son héritage.
Le 6 avril 2025, en visioconférence depuis Florence, lors du congrès du parti italien d’extrême droite La Ligue, la présidente du Rassemblement national a déclaré sans ciller :
« Notre combat […] sera […] un combat pacifique, un combat démocratique. Nous prendrons exemple sur Martin Luther King qui a défendu les droits civiques. […] Ce sont les droits civiques des Français aujourd’hui qui sont mis en cause. »
Une déclaration faite dans un contexte tendu, alors que Marine Le Pen venait d’être condamnée pour le détournement de plus de 4 millions d’euros de fonds publics européens. De quoi susciter, à juste titre, une avalanche de réactions.
Le cynisme historique poussé à son comble
Comparer sa situation judiciaire à la lutte de Martin Luther King relève d’un renversement des valeurs difficilement acceptable . MLK a été emprisonné pour avoir combattu la ségrégation raciale ; Le Pen est poursuivie pour avoir abusé de fonds publics. La première rêvait d’une Amérique égalitaire ; la seconde veut une France « pour les Français », et exclure les autres.
Le RN, anciennement Front national, a été fondé par des collaborateurs et d’anciens Waffen-SS, son programme politique repose depuis des décennies sur des principes d’exclusion comme la préférence puis la priorité nationale, une idéologie qui s’inscrit en opposition frontale avec tout ce que Martin Luther King a incarné ?
La famille King répond : “une distorsion inappropriée de l’histoire”
La réaction ne s’est pas fait attendre. Interrogés par BFMTV, Martin Luther King III et son épouse ont fermement dénoncé cette récupération :
« Cela constitue une tentative de déformation ou d’établissement de fausses équivalences […] une distorsion inappropriée de l’histoire et une atteinte aux sacrifices consentis par ceux qui se sont opposés à la haine et se sont battus pour la justice. »
Et d’ajouter :
« Les efforts de mon père ont ouvert la voie à la création de sa vision d’une “communauté bien-aimée”, une société fondée sur l’unité plutôt que sur la division. »
Quand la mémoire devient un terrain de lutte
En convoquant la figure de Martin Luther King pour se défendre, Marine Le Pen travestit l’histoire : elle en fait un instrument de légitimation, une caution morale. Cette instrumentalisation est indécente et dangereuse.
Toutes les causes ne se valent pas, tous les combats ne peuvent pas être confondus. Certains noms, certains visages, certaines luttes ne doivent jamais être salis par l’opportunisme politique.
Gérard Dorwling-Carter