Le Conseil des ministres du 21 avril 2025 a approuvé deux projets de loi structurants pour les territoires d’Outre-mer. L’un amorce la troisième phase de la réponse à la crise à Mayotte avec un ambitieux plan de refondation, l’autre concrétise un engagement historique à Wallis-et-Futuna en transférant à l’État les personnels enseignants du premier degré. Deux textes qui marquent une volonté politique forte de répondre aux spécificités et aux attentes de ces territoires souvent oubliés.
Le Compte rendu via communiqué du Conseil des Ministres en téléchargement en bas de page
Mayotte : une refondation après la tempête
Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait durement Mayotte. Après une phase d’urgence puis une phase de reconstruction entamée avec l’installation de la mission du général Pascal Facon et la promulgation de la loi d’urgence le 24 février 2025, le gouvernement entre dans une troisième étape : celle de la refondation.
Le ministre des Outre-mer a ainsi présenté deux textes au Conseil des ministres : un projet de loi organique et un projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, composé de 34 articles répartis en six titres. Ces textes font suite à une large concertation avec les élus et la société civile de Mayotte.
1. Une stratégie globale et des engagements financiers
Le titre Ier du projet de loi valide un rapport annexé qui pose les priorités de l’État pour refonder durablement l’île. Ce rapport comprend un calendrier, des moyens financiers, des projets d’infrastructures et des engagements qui ne nécessitent pas de texte législatif.
2. Immigration clandestine et habitat illégal dans le viseur
Le titre II durcit les conditions d’accès au séjour dans le cadre de l’immigration familiale, adapte le droit aux spécificités locales, lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité/maternité (renforcement des amendes), et permet de placer des familles étrangères en rétention administrative. Il prévoit aussi que les parents d’enfants délinquants peuvent perdre leur titre de séjour, et facilite la résorption des bidonvilles.
3. Sécurité et emploi illégal
Le titre III prévoit un contrôle accru des armes, autorise des visites domiciliaires spécifiques, et améliore la lutte contre le travail illégal, notamment dans les bidonvilles.
4. Économie, jeunesse et aménagement du territoire
Le titre IV est particulièrement dense. Il :
-
Autorise le gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer la convergence sociale entre Mayotte et l’Hexagone, avec une échéance fixée à 2031, ce qui représente une avancée majeure pour les Mahorais.
-
Permet une prise de possession anticipée de terrains afin d’accélérer les projets d’infrastructure.
-
Crée une zone franche globale à Mayotte pour attirer les investissements.
-
Prévoit des dispositifs pour soutenir la jeunesse, comme une extension des aides LADOM aux mineurs mahorais et un fonds dédié aux activités périscolaires.
-
Met en place des mesures pour rendre le territoire plus attractif pour les fonctionnaires.
5. Une nouvelle organisation politique
Le titre V consacre un changement institutionnel : Mayotte deviendra officiellement une collectivité unique sous le nom de “Département-Région de Mayotte”. Le mode d’élection des conseillers évolue vers la proportionnelle, avec une circonscription unique divisée en cinq sections.
6. Dispositions transitoires
Enfin, le titre VI précise les modalités d’entrée en vigueur du texte.
Le projet de loi organique complète le dispositif en adaptant les articles de la Constitution et du Code électoral à cette nouvelle organisation.
Wallis-et-Futuna : une reconnaissance historique des enseignants du premier degré
Le deuxième projet de loi présenté concerne les enseignants du premier degré à Wallis-et-Futuna. Depuis 1969, ils étaient employés dans le cadre d’un régime de concession à la mission catholique. En mai 2023, un mouvement de grève massif a éclaté, aboutissant à la signature d’un protocole d’accord le 20 juillet 2023. Celui-ci prévoyait la fin de ce système ancien et la mise en place d’une intégration dans la fonction publique de l’État.
Le texte présenté au Conseil des ministres :
-
Organise l’intégration des enseignants dans le corps des professeurs des écoles ;
-
Garantit une meilleure reconnaissance, une revalorisation salariale et de nouvelles perspectives de carrière ;
-
Propose un choix de régime de retraite : soit conserver le régime local (Caisse des prestations sociales des îles Wallis-et-Futuna), soit intégrer le régime spécial de la fonction publique de l’État.
Mais ce projet de loi va au-delà du statut des enseignants : il vise l’amélioration des résultats scolaires sur le territoire, en particulier en français et mathématiques, deux domaines jugés préoccupants.
L’État prendra désormais en charge directement la gestion des écoles primaires, tout en travaillant main dans la main avec les autorités locales, coutumières et religieuses, afin que cette réforme s’inscrive dans les réalités du terrain.
Un tournant décisif pour deux territoires éloignés mais au cœur de la République
À travers ces deux textes, le gouvernement envoie un signal fort : Mayotte et Wallis-et-Futuna comptent pleinement dans le destin de la France. Les réformes annoncées visent à répondre à des urgences sociales, à réparer des inégalités de longue date, et à offrir à ces territoires une place égale au sein de la République. Mais elles ne seront efficaces que si elles s’accompagnent d’une mise en œuvre concrète, d’un dialogue soutenu avec les populations et d’un engagement durable de l’État.