Hier mercredi 23 octobre 2024, au restaurant Saint-James à Sainte-Marie, Jules Michel Fayad, directeur du Musée du Rhum Saint-James depuis plus de 30 ans, a été fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite. Jean-Claude Benoît, directeur général des Rhums Saint-James, lui a remis cette prestigieuse distinction en reconnaissance de son engagement pour la préservation et la valorisation du rhum agricole martiniquais. Michel a profité de l’occasion pour remercier chaleureusement toutes les personnes qui l’ont accompagné dans cette aventure, en particulier les “anciens” de la distillerie, le directeur financier, et ses parents. Cette distinction vient couronner plus de trois décennies de travail acharné pour redonner au rhum agricole martiniquais ses lettres de noblesse.
Retour sur le parcours d’un homme qui a su faire du rhum un véritable trésor culturel et économique pour la Martinique.
Un héritage modeste, un parcours exceptionnel
Né dans un milieu modeste à Roches Carrées, au Lamentin, Michel Fayad a grandi au cœur d’une Martinique où le travail de la terre et de la canne à sucre était omniprésent. Ses parents lui ont transmis des valeurs de travail acharné et de persévérance. Dès son plus jeune âge, il a compris l’importance de la culture martiniquaise et de ses racines. « Mon parcours a commencé humblement, mais ce sont mes parents qui m’ont donné la force et la passion pour me battre pour ce patrimoine », confie-t-il.
Après des études d’histoire et un passage dans l’enseignement, Michel Fayad décide de démissionner pour se consacrer au secteur du tourisme. C’est alors que le groupe Cointreau, propriétaire des Rhums Saint-James, lui propose de prendre la direction du Musée du Rhum en 1992. À partir de là, il commence un travail titanesque de réhabilitation de l’image de notre Rhum de Martinique.
Reconstruire un patrimoine en déclin
À son arrivée à la distillerie Saint-James, Michel Fayad se rend vite compte de l’ampleur de la tâche. « Dans les années 1960, plus de 200 distilleries existaient sur l’île, mais à peine une dizaine ont survécu », rappelle-t-il. Le rhum était alors perçu comme un alcool de déchéance, étroitement lié aux veillées funèbres et aux moments difficiles de la vie.
Face à cette perception négative, il décide de transformer l’image du rhum agricole en s’appuyant sur ses racines historiques et culturelles. « Le rhum agricole n’est pas seulement un produit, il est le témoin de notre histoire, de notre culture, et il mérite d’être valorisé », déclare-t-il. Avec persévérance, il travaille avec d’autres à redonner au rhum ses lettres de noblesse. Rhum qui a obtenu notamment en 1996 l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) Martinique, une reconnaissance internationale qui change tout.
Le spiritourisme : un succès fulgurant
Mais Michel Fayad a aussi été l’un des pionniers du spiritourisme à la Martinique. En 1992 où il prend la direction du musée Saint-James, permettant aux visiteurs de découvrir le processus de fabrication du rhum, de la canne à sucre jusqu’à la bouteille. Ce musée, qu’il dirige depuis plus de 30 ans, est aujourd’hui une référence incontournable du tourisme local, attirant chaque année plus de 200 000 visiteurs.
« Nous avons su transformer la perception du rhum. De produit marginal, il est devenu un véritable atout pour l’économie et le tourisme de la Martinique », explique t’il. Grâce à cette initiative, la distillerie Saint-James n’a cessé de croître, et cet essor a profité à l’ensemble des distilleries martiniquaises ouvertes au public. « Le succès du spiritourisme a permis de générer des emplois, de préserver notre patrimoine et d’en faire une source de fierté », se réjouit-il.
Un hommage aux anciens et aux racines familiales
Lors de son discours de remerciement, Michel Fayad a tenu à exprimer sa gratitude envers toutes les personnes qui l’ont accompagné dans cette aventure. « Je remercie du fond du cœur tous ceux qui m’ont appris le métier, les anciens de la distillerie, Jean-Claude Benoît, le directeur financier, les “filles” de l’accueil du Musée, et tous ceux qui ont cru en ce projet », a-t-il déclaré avec émotion.
Michel n’a pas manqué d’évoquer également ses parents, qui ont joué un rôle fondamental dans son parcours. « C’est grâce à mes parents que j’ai appris la valeur du travail et de la résilience. Ils m’ont transmis l’amour de cette terre et de notre culture. C’est à eux que je dois ma force », a-t-il ajouté.
Une vision tournée vers l’avenir
Aujourd’hui, Michel Fayad continue de porter de nouveaux projets pour la Martinique. Par exemple, le développement de l’Habitation La Salle, une ancienne sucrerie du XVIIe siècle, témoigne de sa volonté de continuer à innover tout en préservant le patrimoine. « L’idée est de conjuguer passé et futur. Le spiritourisme ne doit pas seulement être une vitrine, il doit contribuer à la restauration et à la préservation de notre patrimoine », explique-t-il.
Avec plus de 30 ans à la tête du Musée du Rhum Saint-James, il voit dans la valorisation du rhum agricole une opportunité pour la Martinique de continuer à rayonner sur la scène internationale. « Chaque touriste qui repart avec une bouteille de rhum dans sa valise emmène une partie de notre histoire. C’est un pont entre notre passé et notre avenir », conclut-il.
Un héritage durable honoré par la Nation
La décoration de Michel Fayad en tant que Chevalier de l’Ordre National du Mérite symbolise bien plus qu’une reconnaissance personnelle. Elle honore un homme qui a su redonner vie, avec d’autres, à une industrie en déclin et faire du rhum agricole un symbole de fierté pour la Martinique. Grâce à son engagement pour le spiritourisme, il a non seulement préservé le patrimoine économique et culturel de l’île, mais également contribué à son rayonnement à l’international. Aujourd’hui, le rhum agricole martinique est reconnu comme un produit de luxe, et cette distinction vient saluer des décennies de travail et de dévouement.
Michel Fayad, avec cette décoration, voit son parcours salué par la Nation. Ce n’est pas la fin de son engagement, mais une étape marquante dans une carrière dédiée à la sauvegarde et à la valorisation de la culture martiniquaise. Toujours tourné vers l’avenir, il continue de faire rayonner ce patrimoine pour les générations futures, en montrant que le rhum agricole martiniquais est bien plus qu’un produit : c’est une partie intégrante de l’identité et de l’histoire de l’île.
Philippe PIED