Il a fallu que de jeunes Martiniquais prennent la décision d’abattre les statues de personnages qui on « fait » l’histoire de leur pays pour que la communauté se tourne vers son passé, sur le sens donné à la présence à ces personnages de pierre dans notre environnement urbain le plus proche.
C’est ainsi que la Ville-capitale, principal espace géographique concerné, a engagé une action (création d’une commission : Mémoire et Transmission), pour réfléchir au sens à donner à ces monuments qui ont à un certain moment exprimé l’état de notre société, ses préoccupations et aussi revisiter les noms donnés aux rues de la ville.
Des tombereaux d’encre ont été déversés à la suite de l’abattage des statues de Victor Schoelcher dans un contexte international où l’affaire George Floyd était venu exacerber les passions sur les questions mémorielles, le racisme, le colonialisme, l’esclavage etc.
Un texte à cette occasion a circulé sur les réseaux sociaux intitulé : « Grammaire de la ville de Fort-de-France, ou expliquer la politique mémorielle d’Aimé Césaire. » Il s’agit d’une intervention faite dans le contexte de la commission ad Hoc ci-dessus citée, crée par l’édilité.
C’est ainsi qu’il est affirmé que la dénomination des rues résulte de « la politique mémorielle » d’Aimé Césaire, tout autant que l’érection des bustes ou de statues, consistant en une « grammaire de la ville. »
On apprend que « Aimé Césaire a débaptisé des rues avec l’intention de faire émerger des figures martiniquaises, caribéennes et internationales de la lutte pour les droits humains, pour honorer tous ceux et celles qui se sont battus pour la dignité des êtres humains et l’égalité des droits. » Savoir : « … les grandes figures républicaines et abolitionnistes de 1848 autour de Lamartine, Arago, Ledru-Rollin, Perrinon, Sévère, Sigert, Isambert, Louis Blanc, Garnier-Pagès, … »
On découvre que la rue Blénac a été « maintenue », car il représentait pour lui le fondateur de la ville, le premier urbaniste ; tout autant pour la rue Galliéni car il avait été en poste ici avant Madagascar d’où le nom de l’hôpital Galliéni qui fut
« métamorphosé » en centre culturel ouvert aux cultures du monde.
Que les Terres Sainville ont accueilli « toutes les figures des Lumières », Voltaire, Rousseau, Montesquieu, de la Révolution française, l’Abbé Grégoire, Marat, Robespierre et de la Caraïbe, Toussaint Louverture, Delgrès, Bolivar, des socialistes, des communistes, Jaurès, Langevin.
Les nouveaux quartiers notamment Bellevue ou la cité Dillon ont eu les noms des héros des indépendances du XXe siècle ou les noms des grands écrivains comme Cabral, Fanon, Mandela, Senghor, Allende, Neruda, …
Que c’est au fur et à mesure des événements de l’histoire que des noms sont apparus comme Bishop, Mgr Romero, Moreau de Jonnès, Martin Luther King, … des quartiers ont été réservés aux Grandes guerres, Bellevue pour la première et Obéro pour la révolte du camp de Balata en 1943
Il est affirmé que pour « la statuaire », le grand homme défendait la pédagogie de l’explication et la mise en place d’un contre-discours.
C’est ainsi que Joséphine aurait été « déplacée, excentrée du centre de la Savane et du cœur des Martiniquais » (Sauf que l’initiative malheureuse ayant été suivie par la stérilisation de la Savane, conséquence d’un aménagement raté) il eusse mieux au final valu la laisser là où elle était…)
Étant fait remarquer qu’Aimé Césaire n’a pas jugé bon de déboulonner Pierre Belain d’Esnambuc…
La commande à Khokho d’une négresse marronne pour le 22 mai serait « l’envers de la statue de Schœlcher : marbre Vs fer forgé, homme Vs femme, centre-ville bourgeois Vs quartier populaire, liberté octroyée Vs liberté conquise les armes à la main, paternalisme Vs détermination. » Étant fait remarquer. que cette négresse rebelle se trouve : « à la confluence de trois rues : 23 mai, Rousseau, Nouvet à Trénelle. »
Cette première Négresse marrone, symboliserait la reconnaissance officielle du rôle des esclaves dans la conquête de leur liberté et voudrait bannir un discours où « seuls les législateurs seraient les acteurs. »
Il y aurait donc une vraie « grammaire de la ville » qui permettrait en la parcourant de lire une histoire nouvelle. Chaque lieu porterait un nom qui fait écho à notre histoire.
Ces explications sur des questions dont se sont emparés nos jeunes sont fort intéressantes, mais frappées au coin d’une subtilité et d’une tolérante acceptation de notre histoire qui n’est plus en cours de nos jours.
Au fil du temps, les pensées se sont figées sur des idées simples, binaires comme certains voient et organisent le monde : il y aurait le bien opposé au mal, en tout et pour tout. Pas de nuances, ni gradations des choses. Une pensée à l’état brut, signe manifeste de l’échec d’une civilisation. Manque certain d’une culture d’un autre temps.
Nous marchons à grands pas vers la barbarie.
Gérard Dorwling-Carter