« Nous devons sortir d’une logique d’assistanat pour devenir un véritable pays de production, en misant sur nos atouts »
Rodolphe Désiré, figure emblématique de la lutte pour l’autonomie martiniquaise, nous offre un témoignage précieux sur l’évolution politique et sociale de l’île depuis les années 1960. Sénateur Honoraire, ancien Maire du Marin et médecin de campagne, ancien secrétaire général du PPM, cet homme aux multiples facettes incarne l’esprit de résistance qui anime la Martinique depuis des décennies. Dans cet entretien exclusif, il nous guide à travers les moments charnières de l’histoire insulaire, de la création de l’OJAM aux défis contemporains, en passant par l’Affaire de l’OJAM en 1962.
Avec un regard aiguisé, il analyse la situation actuelle, commentant l’émergence de nouveaux mouvements sociaux comme le RPPRAC et le leadership de figures telles que Rodrigue Petitot. Plus qu’un simple récit historique, cette conversation offre une réflexion approfondie sur les enjeux autonomistes, ponctuée d’anecdotes personnelles et de données clés. À travers les mots de Rodolphe Désiré, c’est toute l’histoire récente de la Martinique qui prend vie, éclairant d’un jour nouveau les défis et les aspirations de notre pays en constante évolution.
Rodolphe Désiré, puisque nous allons faire une plongée dans l’histoire et l’avenir de la Martinique, comment voyez-vous les choses ?
« Le jeune sur le chemin va plus vite que l’ancien mais l’ancien connaît le chemin. » (proverbe africain)
Que pensez-vous de l’alignement total réclamée, des prix des 60.000 articles de consommation, entre l’Hexagone et la Martinique ?
En exigeant des prix alignés sur ceux de l’Hexagone, on se retrouve dans une logique d’assimilation totale que je veux croire inconsciente, et que l’on peut comparer à celle que nous avons connue en 1974, après le 1er choc pétrolier. À cette époque, le gouvernement avait par exemple décidé le passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été, principe qu’il a intégralement appliqué aux Antilles-Guyane pendant 3 ans, à la risée du monde entier. Cela en vertu de l’article 73 de la constitution, c’est là le principe d’égalité « intégrale ».
Pouvez-vous nous décrire le contexte socio-économique et politique de la Martinique au début des années 1960, et nous expliquer comment cette situation a conduit à la création de l’OJAM ?
Rodolphe Désiré : La Martinique de cette époque traversait une période très difficile, une crise profonde comparable aux grands bouleversements mondiaux qu’on a connus après la fin de la seconde Guerre mondiale (Indépendance de la Chine, de l’Inde, des colonies Anglaises et Françaises en Afrique, et révolution Cubaine plus près de chez nous).
En 1959, la crise sucrière frappe mortellement l’économie du pays. Il y avait alors cinq usines à sucre en activité, mais lorsque le prix du sucre s’effondre, les usines ferment les unes après les autres, et les Martiniquais se retrouvent dans une situation de grande précarité. C’était une période où les communications vers l’Europe se faisaient uniquement en bateau, on se souvient des paquebots comme “Antilles” ou “De Grasse”, il fallait alors deux semaines pour rejoindre la France.
Nous étions sous le joug d’une administration coloniale féroce où le Préfet détenait tous les pouvoirs. Avec la circulaire d’octobre 1960, il pouvait par exemple expulser n’importe quel fonctionnaire du jour au lendemain vers l’hexagone, comme ce fut le cas pour Georges Mauvois, Guy Dufond et Walter Guitteaud. C’était la guerre d’Algérie, ce qui rendait la situation encore plus complexe.
En décembre 1959, une bagarre éclate entre un cyclomotoriste martiniquais et un militaire français sur la Savane à Fort-de-France, et cela dégénère. Une révolte populaire éclate, c’est alors qu’interviennent les CRS. Pendant 3 jours la ville est à feu et à sang, 3 jeunes martiniquais sont tués. Ces événements provoquent un choc immense qui a commencé à réveiller les consciences. C’est dans ce climat de tension incontrôlable que l’OJAM est née en 1962, créé par des étudiants martiniquais avec pour objectif de combattre un système colonial devenu insupportable.
Qu’est-ce qui a déclenché cette bagarre et ces événements de décembre 1959 ?
Tout a commencé par l’incident apparemment banal dont je viens de parler, sur la Savane. Un cyclomotoriste martiniquais a eu un accrochage avec un automobiliste militaire métropolitain. Par la suite les choses se sont arrangées à l’amiable rapidement entre les deux protagonistes, et alors qu’ils étaient allés prendre tranquillement un verre à l’Hôtel de l’Europe, en face, le bruit de l’altercation a couru qu’un militaire métropolitain était en train de battre un cyclomotoriste martiniquais sur la Savane. Et cela créa 3 jours de révolte et de soulèvement durement réprimés par les CRS à Fort de France. Ces évènements ont créé un électrochoc. On peut dire que c’est à partir de ce moment qu’on prend conscience que malgré la départementalisation de 1946, le caractère colonial du régime politique en Martinique persiste.
Comment est née l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique) ?
L’OJAM est née dans ce contexte de crise, en septembre 1962. Elle émanait du Front Antillo-Guyanais pour l’Autonomie, créé à Paris par des personnalités comme Édouard Glissant, écrivain, Albert Béville, administrateur des colonies, Marcel Manville, Avocat, Kosnay Marie-Joseph, inspecteur des impôts et d’autres. Les étudiants martiniquais revenus au pays ont fédéré différents groupes qui s’étaient spontanément organisés après décembre 1959. L’OJAM a réuni toutes les tendances de la jeunesse martiniquaise : catholiques, communistes, PPM, etc.
Que contenait le manifeste de l’OJAM et pourquoi a-t-il provoqué une telle réaction ?
Le manifeste de l’OJAM, placardé le 23 décembre 1962 sur les façades des mairies et des églises, remettait en cause tout le système colonial et proposait un régime de responsabilité. Il se terminait par le slogan “Martinique aux Martiniquais“, ce qui a mis le feu aux poudres. Cette phrase a été interprétée comme un appel à l’indépendance, alors qu’à l’époque, même le parti communiste ne demandait que l’autonomie.
L’État français a perçu cela comme une menace, d’autant plus que les Antilles, la Guyane et les îles du Pacifique avaient une importance géostratégique énorme pour la France, notamment pour ses expérimentations nucléaires et spatiales.
Il faut savoir qu’après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, lorsque la France a retrouvé sa souveraineté, c’était la deuxième fois dans l’histoire que le territoire français était complètement occupé par une armée étrangère (les Allemands avaient occupé toute la France en 1943). La dernière fois, c’était sous Jules César en l’an 59 Av JC !
En 1946, le gouvernement français, avec le général de Gaulle, a décidé que cela ne devait plus se reproduire. C’est alors que les dirigeants ont entrepris de doter la France d’une force de dissuasion nucléaire, avec le développement de la bombe atomique et des fusées.
Les premières expérimentations ont eu lieu dans le Sahara. Puis, à partir de 1958, avec le retour de De Gaulle au pouvoir et en fonction des enjeux de l’époque, la force de frappe a été transférée en Guyane, à Kourou, pour les fusées, et en Polynésie, à Mururoa, pour les essais nucléaires.
Ainsi, dès 1962, les Antilles-Guyane ont pris une importance géostratégique essentielle pour la sécurité et l’intégrité du territoire français. Il n’était donc pas question de tolérer la moindre contestation dans ces régions, et encore moins toute velléité d’autonomie !
D’où la dangerosité, au plan national, d’un mouvement anticolonialiste comme l’OJAM
Comment les autorités ont-elles réagi à vos actions ?
Après le placardage du Manifeste de l’OJAM en décembre 1962, la répression a été foudroyante. Dès le 31 décembre, des agents des services secrets sont arrivés en Martinique et dès le 15 janvier 1963, notre secrétaire Henri Armougon a été arrêté à son travail. Tout de suite après survient une cascade d’arrestations : Hervé Florent, Manfred Lamotte, Henri Pied, et moi-même.
Au total il y a eu 12 arrestations en Martinique et 6 inculpations à Paris pour « Complot contre l’État et atteinte à l’intégrité du territoire national »
En décembre 1963 le procès a eu lieu, avec un retentissement tant national qu’international, où la France s’est retrouvée sur le banc des accusés de « maintenir sa politique coloniale outre mer ».
En définitive à cette 1ere instance 5 accusés ont été condamnés à des peines de prison fermes et ont pu bénéficier fin avril 64 de peines de prison avec sursis. Le procès en appel a eu lieu fin avril 1964 après 14 mois de détention (Hervé Florent, Manfred Lamotte, Henri Armougon, Victor Lessort, et moi-même).
En définitive, c’était la première fois qu’on se rendait compte que la France avait une présence sur tous les continents à travers ses anciennes colonies.
« Il faut souligner qu’en 1962, la Martinique avait le même nombre d’habitants que l’île de La Réunion qui en a aujourd’hui 850.000 ! »
Avec le recul, quel a été l’impact de l’OJAM et de l’affaire qui en a découlé sur la Martinique et les Martiniquais, tant sur le plan social que politique ?
L’affaire de l’OJAM a eu des conséquences concrètes et immédiates.
Elle a conduit à l’impulsion du BUMIDOM (BUreau pour le développement des MIgrations dans les Départements d’Outre-Mer), qui a été à l’origine d’une immigration massive vers la métropole dans le but de solutionner le problème du chômage en Martinique. Cette politique migratoire a profondément modifié la structure démographique et sociale de l’île. Il faut savoir qu’en 1962, la Martinique avait le même nombre d’habitants que l’île de La Réunion qui en a aujourd’hui 850.000 !
C’est à partir de cette période que le processus de rattrapage social s’est véritablement enclenché. La départementalisation défendue par Aimé Césaire, initialement réclamée pour obtenir l’égalité sociale, a commencé à se concrétiser plus sérieusement. Les autorités françaises ont pris conscience de la nécessité d’améliorer les conditions de vie et les droits sociaux des Martiniquais pour apaiser les tensions sociales.
En somme, bien que l’OJAM ait été réprimée, son impact idéologique et l’affaire qui en a résulté ont catalysé des changements significatifs. Elle a contribué à éveiller les consciences, à renforcer les revendications autonomistes, et à accélérer les réformes sociales et économiques en Martinique. Ces événements ont ainsi posé les jalons d’une nouvelle ère dans les relations entre la Martinique et la « Métropole », influençant durablement le paysage politique et social de l’île.
Quel impact a eu la décentralisation des années 1980 sur la Martinique ?
La décentralisation, mise en place à partir de 1981 avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, a donné plus d’autonomie aux collectivités locales. Pour la Martinique, cela s’est traduit par la création de la Région dès 1983, alors qu’en France métropolitaine, les régions n’ont été mises en place qu’en 1986. Cela a permis d’ouvrir un peu les vannes, de donner un peu d’oxygène aux collectivités d’outre-mer qui en avait bien besoin.
Heureusement que survient l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, car le pays était à la veille d’une nouvelle explosion sociale et sur le plan politique, d’une véritable déstabilisation. Aboutissements d’une politique féroce de répression du Gouvernement, qui malgré l’hémorragie démographique due à l’émigration, n’avait pratiquement résolue aucuns des problèmes fondamentaux qui se posaient à la Martinique, plus particulièrement sur le plan du développement économique.
Pourtant Dans les années 60, des efforts de diversification agricole avaient été tentés autour de la culture de la banane. De Gaulle avait réservé les deux tiers du marché français à la production de la Martinique et de la Guadeloupe, et un tiers à celle de la Côte d’Ivoire, ce qui avait donné un fort élan à la culture de la banane. Parallèlement, d’autres cultures comme le citron, l’avocat, l’aubergine et les fleurs avaient été encouragées, accompagnées d’une timide réforme foncière.
On avait également tenté une industrialisation avec la création de la SARA (Société Anonyme de Raffinerie des Antilles) et renforcé les infrastructures, notamment avec la construction de la Rocade de Fort-de-France et de la RN5 jusqu’à Rivière-Salée, ainsi que l’établissement de l’hôpital de La Meynard. Cependant, ces initiatives étaient insuffisantes pour impulser un réel développement économique durable.
En réalité, l’économie était surtout fondée sur l’augmentation de la consommation, essentiellement due aux mesures prises par le rattrapage social.
Il faut aussi rappeler qu’à cette époque, la liberté d’expression était quasiment inexistante, d’autant que l’information était verrouillée au niveau des seuls médias de masse (ORTF et France-Antilles).
Par exemple on n’avait jamais entendu le Député Maire Aimé Césaire sur les ondes !
La Décentralisation de 1981 change la donne tant sur le plan administratif qu’économique. Cette loi élaborée par Gaston Deferre, révolutionne totalement le système Jacobin centralisateur de l’Etat Français en donnant aux collectivités locales une grande autonomie budgétaire et la maîtrise de l’aménagement de leurs territoires.
Comment analysez-vous la situation de la Martinique en 2024, et quelles similitudes ou différences voyez-vous avec la crise des années 60 ?
La situation actuelle de la Martinique en 2024 présente des similitudes frappantes avec la crise des années 60, bien que les causes et le contexte soient différents. Nous sommes là aussi confrontés à un marasme économique profond qui rappelle les grandes crises du passé.
Le cœur du problème réside dans l’épuisement d’un modèle économique et social qui ne répond plus aux besoins de la population. Depuis 2010, nous avons perdu environ 40 000 habitants, ce qui a entraîné une réduction significative du marché local et fragilisé notre économie. Cette baisse démographique est principalement due au départ de nos jeunes, qui quittent l’île faute de perspectives d’avenir, et d’attractivité. Le taux de chômage, largement sous-estimé, atteint en réalité environ 20%. Notre dépendance aux importations pour la majorité de nos besoins fait grimper les prix, rendant le coût de la vie particulièrement élevé. Cette situation économique tendue s’accompagne de problèmes d’insécurité croissants et de l’émergence inquiétante de systèmes mafieux.
Cependant, il est important de souligner que, contrairement aux années 60, nous avons fait des progrès considérables dans certains domaines. La formation et l’éducation, par exemple, ont connu une amélioration significative. Il faut signaler que nous comptons aujourd’hui 6 400 étudiants inscrits au Pôle Martinique de l’université des Antilles, et 6000 au Pôle Guadeloupe, ce qui témoigne d’un niveau d’éducation remarquable. Le défi majeur aujourd’hui est de trouver des débouchés pour ces jeunes diplômés.
Pour remédier à cette situation préoccupante, il est crucial de rénover notre modèle économique. Nous pourrions nous inspirer d’autres territoires insulaires comme les RUP espagnoles et portugaises, Canaries, Madère, Açores, qui ont réussi à instaurer une vraie continuité territoriale et des Ports et Zones Franches, ce qui leur a permis, alors que leur PIB était largement inférieur à celui de la Martinique en 1984, lors de leur entrée dans le marché commun de nous dépasser largement aujourd’hui.
Ces mesures permettraient aux marchandises d’arriver à des prix comparables à ceux de l’Hexagone, ce qui pourrait grandement soulager le pouvoir d’achat des Martiniquais.
La situation actuelle est extrêmement tendue. Nous avons les infrastructures mais insuffisantes, notre modèle économique peut être repensé pour répondre aux besoins actuels de la population et offrir de réelles perspectives à notre jeunesse.
En somme, bien que nous ayons progressé dans certains domaines depuis les années 60, nous sommes confrontés à une crise multidimensionnelle – économique, sociale et sécuritaire – qui nécessite des solutions innovantes et adaptées à notre réalité insulaire.
“… la violence, même verbale, n’est pas la solution”
Que pensez-vous de la crise actuelle et du mouvement RPPRAC ?
Il suffisait d’une étincelle pour tout enflammer ! Le mouvement actuel est le fruit d’une exaspération compréhensible de la population face à l’immobilisme de l’Etat. Cependant, je pense que la violence, même verbale, n’est pas la solution. Le risque est grand de voir la situation dégénérer avec des conséquences dramatiques pour la Martinique.
C’est un phénomène nouveau qui a pris une ampleur exponentielle probablement liée aux réseaux sociaux. Nous sommes en plein dans une action apparemment difficile à contrôler et il faudra attendre que la « poussière retombe » pour bien comprendre ce phénomène.
Cependant je ne crois pas que ce soit la méthode à adopter car les dégâts collatéraux que nous connaissons sont préjudiciables, tout d’abord à ceux qui en sont victimes, mais surtout à l’avenir économique de la Martinique.
« Non, je ne me reconnais pas dans ces méthodes. Je ne me compare pas à quiconque et je ne peux pas juger quiconque à la légère. »
Comment percevez-vous le mouvement social actuel en Martinique, notamment le RPPRAC et son leader Rodrigue Petitot ? Vous reconnaissez-vous dans leurs méthodes, leurs revendications et leur style de leadership ?
Non, je ne me reconnais pas dans ces méthodes. Je ne me compare pas à quiconque et je ne peux pas juger quiconque à la légère.
Il est difficile de faire une comparaison directe entre ma génération et celle de Rodrigue Petitot ou du RPPRAC. Je pense qu’il faut être prudent dans nos jugements, car nous sommes encore “en plein vol” dans cette histoire qui n’est pas terminée. Je ne partage pas ses méthodes.
Tout au long de ma carrière, j’ai toujours privilégié l’écoute et la compréhension. Notre objectif principal doit être l’amélioration de la vie des Martiniquais, et non la création de tensions dangereuses.
Nous devons rester fermes dans nos revendications, certes, mais avec une vision constructive et pragmatique. Ce qui me préoccupe dans la crise actuelle, ce sont les conséquences graves pour l’économie et le moral des Martiniquais. Il faut avoir la capacité de comprendre l’ampleur de ces répercussions et éviter de se retrouver dans une situation où l’on pourrait être injuste ou causer plus de tort que de bien.
Je crois fermement que les leaderships doivent se traduire par des résultats tangibles pour tous, et non par des divisions. Notre lutte doit viser à unir les Martiniquais autour d’objectifs communs plutôt que de les diviser. Il est crucial de maintenir une perspective équilibrée, en reconnaissant les injustices et les problèmes à résoudre, tout en travaillant de manière constructive avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions durables.
Notre devoir est de trouver un équilibre entre la fermeté de nos convictions et la nécessité de préserver l’unité et la stabilité de notre société martiniquaise.
Vous avez mentionné plusieurs crises sociales en Martinique. La violence est-elle, selon vous, un moyen d’obtenir des changements ?
La violence est souvent la conséquence de l’immobilisme. Quand rien ne bouge, la frustration monte, et certains ont recours à la force. Mais ce n’est pas la méthode que je défends. Je crois que les Martiniquais sont capables d’unir leurs forces sans violence, en formulant des revendications claires et cohérentes. Si nous arrivons à créer un front uni, avec des objectifs partagés par les élus, les entreprises et la société civile, nous pourrons obtenir des avancées durables sans avoir besoin de « prendre les armes ».
Ce n’est pas la force qui est importante, c’est la vérité.
Que pensez-vous du protocole d’accord signé à la CTM ?
Il est dommage qu’il n’ait pas été signé à l’unanimité, mais il faut reconnaître que la situation actuelle malgré la gravité a un mérite énorme c’est celui d’avoir obligé les forces vives de la Martinique (secteur économique, parlementaires, secteur associatif, Etat) à se mettre autour d’une table pour initier une discussion sur les problèmes de fond du pays autour de l’alimentation certes, mais la discussion me semble ouverte pour le reste. Cela a abouti à un protocole d’accord qui même s’il n’a pas été adopté à l’unanimité, est le premier pas vers un changement de logiciel pour l’avenir de la Martinique.
Que préconisez-vous pour l’avenir de la Martinique ?
Il faut d’abord que nous fassions la paix entre nous.
Je me répète mais pour faire avancer la Martinique, il est indispensable que tous les acteurs (élus, représentants économiques, syndicats, associations, …) se mettent autour de la table pour définir des projets communs pour le développement économique, social, culturel, les infrastructures, etc.
Il est crucial dans l’immédiat de développer des secteurs comme le tourisme de qualité. La Martinique aurait dû avoir au moins 7 000 à 8 000 chambres d’hôtel de haut niveau (ce qui représente environ 7000 emplois directs et indirects), alors qu’actuellement nous n’en avons que 2 900 qui pour la plupart ne sont pas vraiment en excellent état. Parallèlement, il est important de noter que la créativité des martiniquais est sans bornes puisque nous aurions 9000 meublés de tourisme dont certains 5 étoiles.
Il faut également explorer de nouvelles pistes pour l’agriculture, notamment en recherchant de nouvelles cultures d’exportation tout en s’appuyant sur des mesures d’autosuffisance et en réanimant le jardin créole qui est un héritage culturel.
Enfin, il est essentiel de travailler sur la continuité territoriale, non pas simplement pour subventionner certains billets d’avion, mais pour « permettre aux entreprises martiniquaises d’être compétitives par rapport à celles de la région caraïbe, de l’hexagone et de l’Europe ».
Je pense que la Martinique en tant que RUP (Régions Ultra Périphériques et maritimes) n’a pas assez prospecté le potentiel qu’offre l’Europe en termes de financements pour le développement et de rattrapage structurel prévus pour nos régions.
Nous devons sortir d’une logique d’assistanat pour devenir un véritable pays de production, en misant sur tous nos atouts. Comme le disait Michel Barnier : « Sortir d’une économie de guichet pour aller vers une économie de projets ».
La Martinique a le potentiel humain et les compétences pour réussir, à condition d’oser et d’avoir confiance en ses capacités. L’université doit avoir un rôle majeur pour approfondir la connaissance de notre histoire, de notre écologie et imaginer des solutions innovantes pour entrer dans la modernité.
“L‘avenir de la Martinique dépend de notre capacité à nous unir, à innover et à valoriser nos ressources, tant humaines que naturelles.”
Comment voyez-vous le rôle de l’université dans ce développement de la Martinique ?
L’éducation est un levier essentiel. L’université doit contribuer à approfondir notre connaissance de l’archéologie, l’anthropologie, l’écologie et l’histoire de la Martinique et de la Caraibe, qui est souvent mal connue ou déformée.
À l’époque de l’OJAM, l’accès à l’éducation était limité, mais aujourd’hui, les Martiniquais ont d’excellentes opportunités de formation. Cependant, il faut leur donner une éducation qui les prépare à contribuer au développement de leurs pays. Cela signifie développer des programmes adaptés aux besoins locaux, encourager l’innovation, et renforcer la connaissance de notre histoire. L’université devrait également soutenir la recherche sur nos ressources naturelles, car il y a un potentiel immense à exploiter ici, notamment dans les énergies renouvelables et l’agriculture durable.
La recherche en écologie est également cruciale pour comprendre notre environnement unique et trouver des solutions adaptées à notre agriculture et à un développement durable.
L’université doit aussi former les jeunes Martiniquais pour qu’ils puissent répondre aux défis futurs de l’île et du monde.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes Martiniquais ?
Mon message est simple :
“Croyez en votre capacité à construire un avenir meilleur.”
Nous avons toutes les ressources nécessaires pour faire de la Martinique un territoire prospère, mais il faut de l’unité, de la détermination, du travail, et une vision claire de l’universel.
Je dirais aux jeunes Martiniquais qu’ils doivent être fiers de leur histoire et de leur culture qui est multiraciale et multiculturelle comme toutes les Nations de la Caraïbe, éviter les pièges de la xénophobie, mais aussi qu’ils doivent se former et s’ouvrir au monde. L’éducation et la connaissance sont les clés pour construire la Martinique.
Le rêve de “Martinique aux Martiniquais” reste plus que jamais d’actualité, mais il exige une prise de responsabilité collective. Nous devons arrêter de compter sur des solutions venues seulement de l’extérieur et investir dans notre propre développement. Nous sommes capables de grandes choses, à condition d’y croire et de travailler ensemble.
Il faut éviter de semer la haine entre nous et privilégier le dialogue et la réflexion.
L’avenir de la Martinique dépend de notre capacité à nous unir, à innover et à valoriser nos ressources, tant humaines que naturelles.
Philippe Pied & Laurianne Nomel
2 commentaires
A mon avis, les problèmes de la vie chère sont récurrents et se posent presque dans les mêmes termes ? Que pensez de la force de conviction de nos élus qui n’ont pas su trouver les solutions adéquates pour endiguer ces problèmes et permettre non seulement aux martiniquais de vivre mieux et forcer l’Etat à prendre ses responsabilités et qui depuis 1960 n’a toujours pas de solution ? Les élus ne sont-ils pas trop timorés dans leurs revendications et n’ont-ils pas peur de ne pas être mis à l’écart par les puissants dirigeants nationaux et par certains collègues qui se montreraient trop proches du pouvoir central ? L’autonomie budgétaire des collectivités locales
à l’arrivée de la décentralisation, pourquoi n’a t elle pas été poursuivie ?Est-ce à cause d’un laisser aller des élus qui n’ont pas compris qu’ils devaient se montrer prudents notamment en matière de gestion financière ? L’Etat finançait mais que faisaient-ils de l’argent puisque l’Etat ne contrôlait pas et leur faisait confiance ? Comment expliquer la progression des RUP et pas des Antilles ?Est-ce un manque de prise de conscience ? Enfin la crise de 2024 est une continuité des problèmes qui durent depuis à peu près 1960 ? Malheureusement , certains ont trouvé une autre approche pour apporter des solutions et une prise de conscience s’amorçait .Cela n’a pas tenu à cause d’une méconnaissance des Autorités du peuple martiniquais ?Une volonté de certains élus d’accaparer sans nuance le travail commencé . Puis, la violence , les pillages , les incendies qui au lieu de faire avancer notre pays font qu’il s’enlise, s’appauvrit .Certains perdent leur emploi . Oui, il faut d’une union pour travailler ensemble .Comment s’unir quand on a en face une caste qui ne veut rien lâcher et garder ses privilèges ? Quand d’autres veulent avoir le leader cheap ?
A certains date ont 5/6 ans et beaucoup n’étais pas né le monde à changé les jeunes dit 🙊 à cette mascarade