Les régions ultramarines françaises affichent des écarts de richesse parmi les plus élevés de France, mais leur situation à l’échelle de la planète, et tout particulièrement face à leurs voisins caribéens, révèle un paradoxe.
Selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités 2025, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte figurent parmi les territoires les plus inégalitaires de France, juste derrière l’Île-de-France. À La Réunion et en Martinique, les 10 pour cent les plus riches gagnent plus de 4 fois ce que gagnent les 10 pour cent les plus pauvres (écart de 4,3 à La Réunion, 4,2 en Martinique, contre 3,4 en moyenne en métropole). Certaines communes, comme Saint-Denis ou Saint-Paul à La Réunion, battent même des records nationaux d’écarts de revenus.
Les taux de pauvreté atteignent des sommets 77,3 pour cent à Mayotte, 53 pour cent en Guyane, 36,1 pour cent à La Réunion, 34,5 pour cent en Guadeloupe, 26,8 pour cent en Martinique, contre 14,4 pour cent au niveau national.
À ces chiffres s’ajoute une double peine des revenus faibles et un coût de la vie bien plus élevé qu’en hexagone, notamment sur l’alimentation plus 30 à plus 41 pour cent. Le chômage, quant à lui, reste massif jusqu’à 37 pour cent à Mayotte, 19 pour cent en Guadeloupe et à La Réunion, aggravant la précarité.
Un sentiment de déclassement, mais une position régionale privilégiée
Pourtant, à l’échelle de la Caraïbe, la situation des DROM apparaît sous un autre jour. Le PIB par habitant en Guadeloupe ou en Martinique environ 25 000 dollars surpasse très largement celui d’Haïti 1 800 dollars, de la République dominicaine 10 000 dollars ou de la Jamaïque 6 000 dollars. Seuls quelques territoires, comme les Bahamas ou Porto Rico, affichent un niveau de vie supérieur dans la région.
Le salaire moyen dans les pays de la Caraïbe
Il varie beaucoup selon le niveau de développement, le secteur économique et la taille du pays.
Pays de la Caraïbe anglophone
– Bahamas 1 500 à 2 000 dollars US par mois
– Barbade 1 200 à 1 500 dollars US par mois
– Trinité-et-Tobago 900 à 1 200 dollars US par mois
– Jamaïque 600 à 900 dollars US par mois
– Saint-Lucie, Grenade, Dominique 500 à 800 dollars US par mois
Caraïbe francophone
– Haïti 100 à 200 dollars US par mois un des plus faibles de la région
– Guadeloupe et Martinique France 1 800 à 2 200 dollars US par mois similaire à la France, SMIC français
Caraïbe hispanophone
– Cuba 30 à 50 dollars US par mois salaire officiel, mais beaucoup gagnent plus grâce au tourisme ou aux devises étrangères
– République dominicaine 350 à 500 dollars US par mois
– Porto Rico 2 000 à 2 500 dollars US par mois territoire US, donc plus élevé
Caraïbe néerlandaise
– Aruba, Curaçao, Saint-Martin 1 000 à 1 500 dollars US par mois
Ces chiffres sont des moyennes il existe de grandes disparités entre les secteurs tourisme, agriculture, administration, etc.
Le coût de la vie varie aussi énormément d’un pays à l’autre.
Les données peuvent fluctuer selon les sources et les années.
Les ultramarins francophones bénéficient également d’infrastructures et de services publics santé, éducation, sécurité sociale d’un niveau sans équivalent dans la Caraïbe, hormis Porto Rico. L’indice de développement humain y est estimé autour de 0,85, proche de la France hexagonale, loin devant la moyenne régionale.
La comparaison qui fait mal
Ce paradoxe nourrit un sentiment de déclassement. Car la référence, pour les habitants de l’Outre-mer, reste la France hexagonale, non leurs voisins immédiats.
Les seuils de pauvreté y sont plus élevés, le coût de la vie plus fort, et les inégalités plus visibles, accentuées par la coexistence de populations très aisées et de foyers en grande précarité. Le rapport de l’Observatoire des inégalités souligne d’ailleurs le potentiel explosif de ces écarts persistants, qui creusent l’écart avec la métropole et au sein même des territoires ultramarins.
Un défi structurel et social
Les causes de ces inégalités sont multiples faiblesse de l’économie locale, chômage endémique, faible qualification de la population, accès limité à certains services. Mais le paradoxe demeure les Outre-mer sont à la fois parmi les territoires les plus pauvres et les plus inégalitaires de France, tout en étant, à l’échelle de leur environnement régional, parmi les plus riches et les mieux dotés.