Le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, figure montante de l’ultradroite française, a décliné la convocation d’une commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner l’influence privée sur l’organisation des élections en France. Préférant les tribunes médiatiques aux auditions officielles, Stérin – ainsi que le directeur général de son projet politique Périclès – a refusé de comparaître devant l’Assemblée nationale.
Ce refus, dénoncé par le rapporteur de la commission, a conduit à une nouvelle convocation fixée au 6 mai. Les parlementaires soulignent qu’un refus injustifié pourrait entraîner des sanctions pénales.
Officiellement, Stérin a justifié son absence par un déplacement à l’étranger et s’est étonné d’avoir appris sa convocation par voie de presse, bien que ses collaborateurs aient été formellement contactés. Son entourage soutient que ses activités ne relèveraient pas du champ de l’enquête. Une défense qui peine à convaincre, tant l’influence de Stérin dans le champ politique et électoral s’est affirmée ces dernières années.
Périclès : un projet pour structurer la droite radicale
Lancé en 2022, Périclès est le bras armé idéologique, logistique et financier de l’ambition politique de Pierre-Édouard Stérin. Doté d’un budget de 150 millions d’euros sur dix ans, le projet se structure autour de trois objectifs. Tout d’abord la victoire idéologique : imposer une vision libérale-conservatrice centrée sur l’identité nationale, l’anthropologie chrétienne et la dénonciation du « wokisme » et de l’immigration, via la bataille culturelle contre la gauche; la victoire électorale en soutenant des candidats aux municipales de 2026, avec l’objectif affiché de conquérir 300 villes au profit de la droite, y compris le Rassemblement national; enfin la Vctoire politique en constituant une « réserve stratégique » de 1 000 cadres formés et prêts à investir les postes clés de l’administration, une fois la droite revenue au pouvoir.
Périclès finance des think tanks, des formations, des recours juridiques et des outils numériques destinés à professionnaliser les campagnes de ses alliés. Il s’agit d’un effort concerté pour transformer les succès idéologiques en pouvoir politique concret.
Un mécène de la droite dure : réseaux, influence et stratégies
La stratégie d’influence de Pierre-Édouard Stérin s’appuie sur un réseau dense d’alliés, de relais médiatiques et de structures de formation politique. Il soutient activement des personnalités comme Bruno Retailleau, actuel ministre de l’Intérieur et prétendant à la tête des Républicains. Les deux hommes partagent une vision conservatrice, teintée de catholicisme traditionaliste, de fermeté sécuritaire et de rejet du multiculturalisme.
Stérin n’hésite pas à attribuer des « notes » aux personnalités politiques selon leur compatibilité avec sa ligne idéologique. Retailleau aurait ainsi reçu un 9/10, signe d’une proximité stratégique forte.
Il a également joué un rôle clé dans le rapprochement entre le RN et une partie de la droite classique, notamment lors de l’alliance avec Éric Ciotti en 2024. Son objectif est clair : dépasser les clivages pour fédérer un bloc conservateur capable de remporter les prochaines échéances nationales.
Métapolitique et médias : une guerre culturelle en cours
Au-delà du champ électoral, Stérin investit massivement dans la métapolitique. Il soutient ou tente de racheter plusieurs médias (Le Crayon, Neo, Marianne) et finance des baromètres d’opinion sur des sujets sensibles comme l’immigration, l’insécurité ou le genre. Il appuie également des influenceurs catholiques conservateurs sur les réseaux sociaux, afin de diffuser ses idées dans la jeunesse et de construire une base militante durable.
Son ambition est de peser sur les imaginaires collectifs pour préparer une bascule politique. En ce sens, son action rappelle les méthodes de l’extrême droite américaine ou italienne, où la bataille culturelle précède la conquête du pouvoir.
Un projet libertarien pour la Corse ? Réflexions internes et réactions locales
Selon plusieurs sources, Pierre-Édouard Stérin s’intéresse de près à la Corse. Il aurait demandé à ses équipes de réfléchir à un modèle d’autonomie renforcée pour l’île, voire à sa transformation en un « laboratoire libertarien » – un territoire d’expérimentation idéologique en marge du modèle républicain. Ce projet, encore informel, s’inscrit dans sa vision décentralisée du pouvoir et sa volonté de créer des « zones autonomes » alignées sur ses valeurs.
Cependant, cette ambition rencontre une forte résistance.
La société corse, attachée à son identité et prudente face aux initiatives extérieures, regarde ces velléités avec scepticisme. Plusieurs figures locales dénoncent une méconnaissance du tissu social et une instrumentalisation idéologique du territoire.
Conclusion : une influence grandissante, mais contestée
Pierre-Édouard Stérin est devenu en quelques années un acteur incontournable de la droite radicale française. Son refus de répondre aux institutions parlementaires illustre une stratégie d’évitement des contre-pouvoirs, au profit d’une communication directe et maîtrisée. Derrière l’image d’un entrepreneur philanthrope se dessine un projet politique structuré, ambitieux, et profondément idéologique, qui cherche à redessiner les contours du pouvoir en France.