Alors que les rues de France vibraient au rythme des guitares, tambours et voix enjouées de la Fête de la Musique, une tout autre réalité secouait le monde : celle du fracas des bombes et de la menace nucléaire. Maurice Laouchez, dans ce nouveau “Repère”, nous invite à élargir notre regard, à connecter les festivités locales aux enjeux globaux, à relier les choix budgétaires de la France aux décisions militaires prises ailleurs, souvent sans explication ni débat. Dans une réflexion lucide et dérangeante, il interroge les logiques d’alignement stratégique, les priorités nationales et, surtout, notre capacité à comprendre ce qui se joue réellement derrière les discours officiels.
A l’été 1914, des milliers de jeunes Français partaient à la guerre la fleur au fusil, persuadés qu’ils seraient de retour avant l’hiver.
1, 3 millions d’entre eux ne sont jamais revenus, parmi lesquels 4000 jeunes Antillais.
A l’été 2025, en même temps que des millions de Français fêtaient la musique, les armées israéliennes et américaines semaient la mort à Téhéran et à Gaza.
Sans que le gouvernement français y puisse quoi que ce soit.
Le prétexte de ces bombardements tient au fait que le gouvernement iranien serait en cours de fabrication d’un armement nucléaire, alors que les services secrets américains eux-mêmes ont formellement démenti de tels préparatifs.
Le précédent de 2003, où les Etats-Unis ont envahi l’Irak en prétextant la présence d’engins balistiques intercontinentaux qui n’ont jamais existé, est dans toutes les mémoires. Les gisements de gaz et de pétrole de bagdad étaient en jeu.
Une question se pose à chaque contribuable, et à chaque Français: combien de temps encore la France naviguera-t-elle, telle un bateau ivre, dans les cyclones des relations internationales, à la simple remorque des Etats-Unis et de quelques partenaires européens?
L’actuel président américain ayant décidé que les pays européens devraient consacrer à leur propre défense 5% de leur Produit Intérieur Brut, contre 2% en moyenne aujourd’hui, il est question que la France consacre à terme 150 Milliards d’€uros à l’armée.
Le budget de l’Education nationale atteint péniblement la moitié de ce montant.
Le budget global annuel total de l’Etat est actuellement de 400 Milliards de dépenses et de 250 Milliards de recettes, soit un déficit de plus de 150 milliards d’Euros, qui vont venir aggraver un endettement public qui a coûté en 2024 60 Mds au contribuable, pour un endettement qui dépasse 3.300 Mds d’Euros, soit 113% du PIB.
S’endetter encore, même sous couvert de l’Europe, pour complaire aux Etats-Unis serait pure folie.
Mais, hors ces chiffres, qui montrent l’effort impossible ainsi demandé au contribuable, personne ne se donne la pleine d’expliquer aux Français les raisons d’une telle dépense.
En clair, contre qui la France se prépare-t-elle à entrer en guerre, et pourquoi?
L’ennemi désigné officieusement est la Russie, vers laquelle sont orientées les têtes de fusées installées dans toute l’Europe de l’Est, et qui obsède certains dirigeants européens.
Mais, outre que la force économique de la Russie, bien inférieure à celle des pays d’Europe occidentale, vouerait à l’échec toute tentative d’invasion, la force de dissuasion atomique dont la France dispose déjà suffirait à causer suffisamment de dégâts aux villes soviétiques pour que l’idée d’une telle aventure ne vienne pas effleurer l’esprit les dirigeants du Kremlin.
Cette fable du danger russe a été inventée pour justifier l’intervention de la France aux côtés de l’Ukraine, dans une guerre douteuse, où les Etats-Unis ont un triple intérêt: diviser l’Europe, déverser des centaines de milliards de dollars dans les poches des industriels de l’armement, et tester de nouvelles armes.
Cette guerre en Ukraine, une diplomatie européenne un peu plus vigilante et moins influencée par le complexe militaro-industriel américain aurait probablement pu l’empêcher.
Dans les années qui ont suivi la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, années 1989 et suivantes, les dirigeants de l’ex-URSS étaient demandeurs d’aide et de coopération avec l’Occident.
L’absence de réponse positive les a conduits vers la recherche, évidemment maladroite, d’une protection militaire de leurs frontières.
Dirigeants américains et européens avaient choisi de jouer la carte de l’effondrement du régime communiste, perçu comme le danger suprême.
La tension qui règne aujourd’hui en Europe est la conséquence directe de la soumission de l’Europe aux diktats américains.
Compte tenu de la personnalité de l’actuel président et de ses foucades, la France et l’Europe prennent à l’évidence des risques considérables.
Chacun d’entre nous paiera le prix, d’une manière ou d’une autre: insécurité à l’intérieur de nos frontières, dégradation de la santé et de l’enseignement, mauvais entretien des équipements publics, recherche en déshérence, etc… etc…
La relation entre situation intérieure et politique internationale est mal comprise par beaucoup d’entre nous, tant dans le champ économique que dans le champ militaire.
Elle est pourtant vitale.
Maurice Laouchez