La 22e édition des Rendez-vous aux Jardins a débuté le jeudi 5 juin 2025 dans les jardins de la Direction des Affaires Culturelles de Martinique. Organisée autour du thème national “Jardins de pierres, pierres de jardins”, cette soirée inaugurale a rassemblé artistes, architectes, institutions, partenaires et journalistes autour d’un dispositif architectural, d’une exposition et de prises de parole fortes. Deux d’entre elles sont publiées intégralement sur ce site : les discours de Patrick Chamoiseau et Le texte intégral de Manuel Norvat
Un magazine spécial Antilla dédié à cette 22e édition est également disponible en téléchargement à la fin de l’article.
La Direction des Affaires Culturelles (DAC) de Martinique a choisi cette année d’ouvrir les Rendez-vous aux Jardins dans ses propres murs, au sein de la Villa des Pergolas, à Fort-de-France. Une volonté claire de faire de cette soirée un moment de rencontre entre les acteurs culturels du territoire. C’est le directeur de la DAC, Johan Hilel Hamel, arrivé en Martinique il y a quatre mois, qui a introduit la conférence de presse. Il a rappelé l’originalité de cette édition et salué les équipes mobilisées tout au long de l’année, en particulier Servanne Collerie de Borely, cheffe de projet pour l’événement, ainsi que Florence Declaveillère, architecte des bâtiments de France et conservatrice des monuments historiques, très investie dans la mise en œuvre de cette édition.
Le thème national, “Jardins de pierres, pierres de jardins”, a inspiré en Martinique un dispositif architectural conçu par l’agence Abité, représentée par l’architecte Gaetan BOURROUET. Ce dernier a expliqué le principe de l’installation, conçue à partir de gabions remplis de pouzzolane, pierre volcanique locale issue des flancs de la Montagne Pelée. L’objectif : valoriser la matière minérale dans le paysage, rendre visible ce que nous ne regardons plus, et permettre à la nature d’investir peu à peu cette structure pensée pour durer dans le temps et évoluer au fil des saisons.
À proximité, le public a pu découvrir une exposition photographique de Jean-François Gertrude, qui avait déjà été présentée en 2024 sur les grilles des jardins de la préfecture. Ce travail autour des cinq sens dans les jardins remarquables de Martinique propose une relecture sensible de la flore locale, avec une attention particulière portée à des détails du quotidien, comme le chant du coq ou les feuillages familiers.
À l’intérieur, une installation de l’artiste Izaé Etifier,explorait le lien entre pierre, matière et spiritualité. L’artiste a expliqué comment, lors de promenades en forêt pendant le confinement, sa rencontre avec les roches du Cap Salomon avait transformé son rapport au monde. Elle travaille aujourd’hui un matériau mêlant papier journal et argile brute, non cuite, pour raconter les cycles de la roche et notre rapport au temps.
Côté paroles, la soirée a pris un relief particulier avec deux interventions très attendues. D’abord, celle de Manuel Norvat, qui a proposé un texte construit autour de l’imaginaire des pierres dans la Caraïbe (voir ce texte dans un autre article sur ce site). Il y évoque les usages traditionnels, les croyances populaires, les figures symboliques de la roche – de la pierre de fertilité à la pierre sacrée, en passant par les roches gravées ou les pierres de cases. Il y voit une “mémoire minérale” commune à nos sociétés, une matière vivante avec laquelle nous cohabitons.
Puis, Patrick Chamoiseau a pris la parole. A sa manière, il a expliqué pourquoi il avait proposé le concept de “Pierre-Monde”, en miroir de celui du Tout-Monde forgé par Édouard Glissant. Pour lui, face à l’effondrement du monde capitaliste, il faut inventer une autre manière d’habiter la Terre : une mondialité fondée sur la relation, la créativité, la pluralité. Dans ce contexte, la pierre devient un symbole. Non pas un vestige figé, mais une matière ouverte, enracinée dans l’histoire et capable de porter nos projections d’avenir. Il a également évoqué les bouleversements en cours (intelligence artificielle, effondrement écologique, urbanisation), appelant à une mobilisation des artistes, mais aussi à une nouvelle économie plus humaine, plus imaginative, capable d’associer culture, citoyenneté et sens.
Le préfet de la Martinique a également pris brièvement la parole en fin de soirée pour saluer l’engagement des artistes et des porteurs de projets. Il a rappelé que l’art et la culture étaient des leviers essentiels pour redonner du sens, au-delà des contingences matérielles. À ses yeux, la Martinique dispose d’un atout majeur : la richesse de son patrimoine artistique, naturel et immatériel. Il a réaffirmé que l’État, à travers la Direction des Affaires Culturelles, continuerait à accompagner les créateurs dans toute leur diversité.
La soirée s’est poursuivie avec un concert du duo Maher Bourroy et Florence Bodin, autour de leur projet Insulay, hommage à Frantz Fanon et passerelle musicale entre la Martinique et l’Algérie. Elle s’est conclue par un cocktail dans les jardins, véritable moment d’échanges entre les artistes, partenaires, architectes, journalistes et invités venus nombreux.
Philippe Pied
📰 Dans deux autres articles à paraître :
• Le discours complet de Patrick Chamoiseau
• Le texte intégral de Manuel Norvat
📥 En attendant, vous pouvez télécharger gratuitement le magazine spécial Antilla dédié aux Rendez-vous aux Jardins 2025 en cliquant sur l’image