Sur le continent, le réchauffement va continuer à augmenter plus vite que la moyenne mondiale, avertit le Giec dans un rapport publié lundi. Le sud est particulièrement menacé. La France fera face à des inondations plus destructrices et à davantage de vagues de chaleur extrême. Par Muryel Jacque pour lesechos.fr
Photo de couverture : Lors de la vague de chaleur exceptionnelle qui a frappé la France fin juin 2019 (Patrick VALASSERIS/AFP)
Les conséquences du changement climatique sont déjà perceptibles en Europe. Le Giec l’affirme avec un degré de « très haute confiance », selon l’échelle que les experts climat de l’ONU utilisent pour exprimer leur opinion, dans un nouveau rapport publié lundi qui dresse un tableau dramatique des impacts et sonne l’alerte sur les risques pour les décennies à venir. L’Europe n’y échappe pas.
La sécheresse, les pluies excessives et la chaleur ont provoqué des baisses de la productivité des forêts , de l’élevage et des cultures : les pertes de récoltes liées ont triplé au cours des cinquante dernières années, et elles devraient s’accentuer à mesure que le mercure monte, prévient le Giec. C’est l’un des quatre risques clés identifiés pour l’Europe par les scientifiques qui anticipent des pertes substantielles de production agricole pour la plupart des régions du continent au cours du siècle. Des pertes qui ne seront pas compensées par des gains en Europe du nord, précisent-ils. En France, les dommages liés à la sécheresse -qui coûte déjà 1,2 milliard d’euros par an- pourraient être multipliés quasiment par cinq.
Une chaleur extrême mortelle
Autre risque majeur pour le continent, les vagues de chaleur extrême seront plus meurtrières. Dans un monde plus chaud de 1,5 °C, un seuil que la planète devrait dépasser d’ici à 2030, elles pourraient entraîner la mort de 30.000 personnes par an, et jusqu’à trois fois plus si le réchauffement atteint 3 °C, selon le Giec. En France, le nombre de personnes mortellement touchées passerait d’environ 1.500 à plus de 5.000 d’ici à 2050, si les émissions de gaz à effet de serre étaient plus élevées qu’aujourd’hui.
Evolutions des aléas climatiques pour des niveaux de réchauffement planétaire de 1,5°C et 3°C par rapport à la période de référence 1995-2014, combinés avec des informations sur l’exposition actuelle ou la vulnérabilitéGraphique Giec
La biodiversité est tout autant menacée. Le réchauffement va réduire l’habitat pour les écosystèmes terrestres et marins et modifier « de manière irréversible » leur composition, préviennent les experts. Les herbiers sous-marins de Méditerranée pourraient ainsi disparaître d’ici à 2050 si les émissions ne sont pas réduites rapidement. Et les zones à risque d’incendies vont s’étendre à travers l’Europe. Dans la région méditerranéenne, côté français, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 90 % si le réchauffement est de 2 °C par rapport à 1,5 °C.
De l’eau plus rare
Dans ce même scénario de 2 °C, plus d’un tiers de la population européenne sera exposé à un manque d’eau. A 3 °C, le risque sera deux fois plus important, avec, en première ligne, l’Europe centrale occidentale et l’Europe du sud ainsi que de nombreuses villes, dit le Giec, qui évoque des pertes économiques « significatives » dans les secteurs dépendants de l’eau et de l’énergie.
Des inondations et une montée des eaux
Si la planète se réchauffe au-delà de 3 °C, le nombre de personnes affectées par les précipitations et les inondations fluviales pourrait être deux fois plus élevé, les coûts liés aux dommages pourraient aussi doubler. Quant aux dommages causés par les inondations côtières, le Giec indique qu’ils risquent d’être multipliés au moins par dix en Europe d’ici à la fin du siècle, et même davantage sans adaptation et avec des émissions élevées. La France est un des pays européens les plus menacés, et d’ici à 2100, le prix à payer pourrait dépasser les 53 milliards d’euros par an, prévient le Giec citant une étude.
Le rapport du Giec montre que l’adaptation de l’Europe au changement climatique progresse, mais « elle demeure insuffisante face à la rapidité des changements », explique Gonéri Le Cozannet, ingénieur au BRGM et coauteur, notamment du volet sur l’Europe. La prise en compte de l’élévation du niveau de la mer en est un exemple. « En France, de nombreuses actions servent à se préparer à l’adaptation et évaluer les risques, mais le pays est moins efficace pour mettre en oeuvre ces mesures », note-t-il.
« Il existe un nombre croissant de solutions d’adaptation qui sont disponibles aujourd’hui pour faire face aux risques climatiques futurs », soulignent les experts du Giec dans leur rapport. Mais ils relèvent plusieurs obstacles à la mise en place de ces mesures en Europe. Parmi eux, un manque d’engagement du secteur privé et des citoyens, une mobilisation insuffisante des financements, un manque de leadership et… un faible sentiment d’urgence.
Muryel Jacque, in lesechos.fr