Révolution à Rivière-Pilote ? Deux candidats membres du MIM, pour un fauteuil de maire : l’édile sortant, Lucien Veilleur, qui a finalement accepté de se présenter de nouveau, et son « challenger », Raymond Théodose, que nous avons rencontré. Psychodrame à l’horizon ? (article complet paru dans Antilla n° 1583 du 24 octobre 2013)
Rencontre donc avec Raymond THÉODOSE : « Il y en a qui ont envie d’être maire, mais ont peur du verdict populaire » Raymond Théodose est « conseiller municipal, 8ème adjoint au maire, président de l’OMPACS, et responsable de la foire agricole et des « nuits culturelles » de Rivière-Pilote. »
Entrons dans le vif du sujet : pourquoi votre candidature n’est-elle pas soutenue par les dirigeants du MIM ? Et l’homme d’affirmer que Lucien Veilleur lui avait fait part de son désir, « il y a quatre ou cinq ans », de passer la main, et que le maire sortant lui avait indiqué qu’il voyait en lui son successeur. «
Deux hommes ont parlé, mais je n’avais pas à crier sur tous les toits ‘hé ! zòt sav mè-a di mwen préparé kò mwen ! », explique le prétendant, qui indique avoir représenté Lucien Veilleur en de nombreuses circonstances, et qui souligne ses nombreuses responsabilités : conseiller municipal, 8ème adjoint au maire, président de l’OMPACS (l’office des actions culturelles et sportives, ndr), et responsable de la foire agricole et des « nuits culturelles » de Rivière-Pilote. Un candidat qui semble tenir à bien établir (ou rappeler) ceci : « Je suis, jusqu’à preuve du contraire, encarté au MIM, à jour de mes cotisations, et jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas reçu de lettre de radiation. »
Et ça pourrait arriver ?, lui demandons-nous. « De toute façon, si ça arrive vous le saurez », répond-t-il aussitôt. Raymond Théodose, 57 ans, dit être encarté au MIM depuis 1995-96, époque où il intègre le conseil municipal de Rivière-Pilote. Mais de préciser : « Ce n’est pas parce que j’ai une carte du MIM que je suis patriote ; je suis né patriote. »
Selon vous, pourquoi Lucien Veilleur se représente-t-il finalement ? Le prétendant indique avoir tenu une réunion (« de clarification ») en avril dernier – clarification entre autres sur « le fait que je ne suis pas au PPM. » Il poursuit : « Après cette réunion, un conseiller municipal, adjoint au maire mais qui n’est pas encarté MIM (le candidat ne voulut pas donner le nom de cet adjoint, ndr) a dit sur les ondes qu’il était mandaté pour organiser des primaires, et six personnes ont été choisies pour savoir qui était susceptible de me battre (à ces primaires, ndr).
Il y a eu réunion sur réunion pendant trois mois ; yo babyé, ils ont beaucoup discuté, mais ces primaires n’ont jamais eu lieu… Ensuite ces personnes sont allées faire pression sur le maire – qui m’en a parlé –, pensant que j’aurais retiré ma candidature. »
A vous écouter, pourquoi votre candidature suscite-t-elle de l’hostilité au sein du MIM ? « De l’hostilité chez très peu de personnes, et des personnes qui ne sont pas nécessairement au MIM », nuance Raymond Théodose, « c’est une forme de jalousie, ‘pourquoi Théodose et pas eux ?’. Et c’est dommage, parce que MM Veilleur et Marie-Jeanne m’ont appris la politique ; je leur dois beaucoup et leur suis très reconnaissant. » Précisément, Alfred Marie-Jeanne aurait pu soutenir votre candidature, non ? « Oui, je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas fait », affirme le prétendant. Vous n’avez aucune idée du pourquoi de son absence de soutien ?, insistons-nous. « Non, pas d’idée particulière et je ne cherche pas à en avoir », répond le candidat.
Pour mémoire, rappelons que lors d’une récente réunion mensuelle du MIM, Alfred Marie-Jeanne avait déclaré à propos de Raymond Théodose, sans le nommer : « Moun-la ka pati épi i ka éséyé sali et Veilleur et mwen mèm et le MIM. » Quoi qu’il en soit, le candidat est limpide : s’il n’est pas qualifié pour le second tour il appellera à voter Lucien Veilleur, et il soutiendra la liste du mouvement indépendantiste pour l’échéance de la collectivité unique.
Les dirigeants du MIM considèrent-ils donc que Lucien Veilleur est davantage capable que vous de gagner cette élection ? « Je crois plutôt qu’ils se rendent compte qu’un changement devra se produire », objecte le candidat, « et indépendamment de Veilleur, Théodose ou Rivière-Pilote, ce changement arrivera en Martinique. » Et le prétendant de partager cette autre conviction : « Et puis il s’avère que je suis un petit nègre de campagne, et que ça embête certaines personnes.
Il faut être à ma place pour savoir ce que je vis ; certains sont même allés à chercher à savoir quels étaient mes diplômes… ». Un désir chez « certains » (décidément) de « raviver une opposition stérile entre la campagne et le bourg », ajoutera le candidat.
Et la population dans tout ça ? Comment vit-elle cette double candidature MIM ? « Très mal, car nous devrions être tous ensemble pour réfléchir à conquérir l’assemblée unique », paraît regretter Raymond Théodose, « une partie de la population ne parle pas mais a un désir de changement. Avant, quand les gens me disaient bonjour ils levaient la main ; maintenant ils lèvent le poing ou le pouce. C’est révélateur. Je ne peux pas parler de peur mais il y a une certaine réserve. »
Et comment se passe la campagne ? Y a-t-il des tensions ? « Non, car nous nous retrouverons nécessairement sur des tréteaux électoraux (cf. la collectivité unique, ndr) », assure le prétendant, « ce serait dommage que certains entrent en conflit, et qu’ils me voient demain ‘embrasser’ Mr Marie-Jeanne ou Mr Veilleur. Pa rantré an konfli ba pèsonn ; restons courtois et sachons nous regarder dans les yeux. » Un candidat qui fait valoir sa sérénité.
Mais si le maire sortant y va à contrecoeur, s’il n’en a pas envie, la population s’en rendra compte non ? Et d’ailleurs faut-il parler au futur ? « C’est exactement ça », affirme Raymond Théodose, « Mr Veilleur est un bon maire mais il n’a jamais voulu l’être. Il m’a dit avoir commencé la politique à 18 ans, et il est né en 1942 ; c’est une érosion naturelle et humaine. » Stéphanie Norca à Rivière-Salée, Richard Barthéléry à Trinité, Miguel Duval au Saint-Esprit : le MIM présente pourtant des candidats pour lesquels ce sera une première aux municipales.
Quid alors de Rivière-Pilote ? Le fief historique serait l’exception à cette volonté manifeste ? « Le personnage Raymond Théodose gêne », assure le prétendant, « partout nous voulons rajeunir, pourquoi pas Rivière-Pilote en effet ? Mais je pense qu’à un moment nous allons nous retrouver, mettre les choses à plat et qu’elles repartiront de plus belles. »
Un propos résolument positif donc : à tort ou à raison ? Dernière question : si Lucien Veilleur est réélu, pensez-vous – eu égard à ce que vous avez indiqué dans cet entretien – qu’il siégera longtemps ? « Je n’ai pas de boule de cristal », répond Raymond Théodose, « mais j’ai ouï dire qu’il ne resterait pas longtemps. J’attends de voir sa liste, mais sachez qu’il y a des gens qui ont envie d’être maire mais qui ont peur du verdict populaire… ». Une indication donnant matière à interrogations : n’était-ce pas l’intention ? Mike Irasque