ROLAND-GARROS 2021 – Branché sur courant alternatif face à Mikael Ymer, Gaël Monfils a quitté Roland-Garros dès le deuxième tour après une défaite au goût amer. Dans un scénario difficilement lisible, avec de nombreuses fautes directes, le Français sera resté fidèle aux principes qu’il s’est fixés avec son nouveau coach, Gunther Bresnik. C’est le prix à payer pour changer, à 34 ans.
On a beau le connaître par cœur, Gaël Monfils est toujours aussi déroutant. Et toujours aussi attachant, par la même. Ce jeudi ne dérogera pas à la règle : il a tour à tour inquiété, régalé, contrôlé, dégoupillé avant de finalement lâcher. L’attraction Monfils avait encore des airs de montagnes russes dans un scénario où les “cliffhangers” ont été si nombreux qu’on a fini par perdre le compte.
Alors, revenons-en aux faits : Gaël Monfils a été éliminé dès le 2 tour face à Mikael Ymer, 105e joueur mondial, qui aura eu le grand mérite de ne pas perdre le fil dans un match sans queue ni tête (6-0, 2-6, 6-4, 6-3). Au final, c’est en 4 sets d’une inégalité palpable que le Suédois a validé son ticket pour le 3e tour, pour défier Jannik Sinner. Monfils, lui, reste à quai. Ce qui a franchement irrité son père, au micro de France Télévisions, juste après la rencontre : “A 4-2 (dans la troisième manche, NDLR), il a lâché, je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans sa tête, expliquait ainsi Rufin, mécontent et frustré du résultat final. Que des fautes, que des fautes, que des fautes… Ce qui manque ? Être à 100% sur chaque balle. On ne peut pas être à 100% sur une balle, à 40% sur une autre balle, non.. Si on veut gagner, c’est comme ça, trop de relâchement”.
Rufin Monfils réagit après la défaite de son fils au 2e tour de #RolandGarros : “Il faut être à 100% sur chaque balle”
Difficile de faire plus synthétique et symbolique du sentiment qui a habité les spectateurs du Suzanne-Lenglen ce jeudi. Et d’ailleurs, le principal intéressé en était conscient en arrivant en conférence de presse. “C’est très dur, a-t-il soufflé avant de reprendre le fil d’un match décousu. Un mauvais début de match, encore un. Puis, c’est un match que je contrôle plutôt bien donc c’est hyper dur. Dans l’affaire, je suis hyper frustré. Je peux mieux faire, je m’excuse auprès de mes fans qui ont dû regarder ça”.
62 FAUTES DIRECTES
Refusant de revenir sur son état physique du premier set, il semblait avoir du mal à digérer un revers qu’il a lui-même provoqué en baissant pavillon dans le troisième set. “C’est un match que je dois gagner, que je dois clairement gagner, a-t-il avoué, désolé. Et ça ne passe pas. Je suis le premier frustré, je suis tellement déçu de ne pas arriver à trouver la solution pour enfoncer le clou, et jouer un peu mieux”.
Malgré un deuxième set plein d’autorité où son talent naturel aura fait la différence, on a revu un visage bien connu des dernières semaines : imprécis, avec des mauvais choix dans les moments capitaux mais surtout avec un déchet ahurissant dans la raquette, confirmé par ses 62 fautes directes sur le match. “D’apparence, je suis décontracté mais je ne le suis pas, a-t-il tenté d’expliquer. J’essaye de me relâcher mais je suis très tendu, je fais beaucoup de mauvais choix. (…) Je fais des amorties, pas des amorties parce que je dois faire une amortie, une amortie parce que je ne sais pas quoi faire. Parce que je n’ai pas le bon style de jeu, au bon moment
Voilà donc comment le chiffre n’a fait que grimper. Au point de peser bien trop lourd face à ses 36 coups gagnants. Un total franchement rare pour un joueur plutôt enclin à faire durer les échanges qu’à arroser. “Gaël Monfils, 60 fautes directes, c’était rare de voir ça”, a-t-il lui-même admis, utilisant volontairement le passé. Car, désormais, à 34 ans, il a décidé de prendre le taureau par les cornes pour franchir un nouveau palier.
C’est en ce sens qu’il faut lire son attelage atypique et surprenant avec Gunther Bresnik. Celui-ci lui a demandé de plus frapper ses coups, d’essayer de s’appuyer sur sa puissance pour bousculer ses adversaires plutôt que de s’éterniser dans des rallyes dont il a(vait) le secret. En difficulté, a-t-il été tenté de revenir à l’ancien Monfils ? “C’est une super question mais si je décide de changer mon jeu, ce n’est pas pour revenir dans ça”, a-t-il exposé.
JE NE L’AURAIS PAS FAIT IL Y A DIX ANS
Cette décision et ce changement, il les veut radicaux. “La confiance joue beaucoup mais quand tu essayes de faire évoluer ton jeu, ça passera par beaucoup plus de fautes directes, a-t-il encore avancé. De temps en temps, tu as envie de limer, de la remettre sur le terrain et voir ce qu’il se passe. Mais au final, après en avoir parlé avec Gunther, il faut se forcer à y aller. Regarde le dernier jeu, le premier point est très bien, j’envoie une bonne cartouche long de ligne en coup droit. La balle de match, j’envoie un long de ligne qui sort de 20 mètres. Je ne l’aurais pas fait il y a dix ans. Mais si je continue pas à le faire, je ne le ferai jamais”.
Forcément, la question sur le bilan des Français dans ce Roland-Garros, qui pourrait être un fiasco historique en cas d’élimination de Richard Gasquet ce mardi (aucun Tricolore au 3e tour, inédit dans l’ère Open), est venue sur le tapis. Mais avant même la fin de celle-ci, Monfils l’a balayée d’un revers de la main. Pas son histoire, déjà suffisamment tourmentée comme ça. “Ce n’est pas que je ne m’intéresse pas au tennis français, a-t-il répondu du tac au tac. C’est moi. J’ai perdu. Je ne fais pas une globalité. (…) Ce n’est pas méchant. C’est juste ma personne. J’ai perdu au deuxième tour. Je suis déçu, donc je ne pense pas aux autres. Je ne sais pas ce qu’ils font. Finalement, et encore une fois on ne se connaît pas avec les autres. Je ne connais pas les autres joueurs français à part mes potes ! Ce n’est pas méchant. Je ne sais pas ce qu’ils font. Je ne sais pas ce que font les autres joueurs français. Moi, je sais que j’ai perdu”.
Au fond, la France en attendait beaucoup trop. Et son premier tour, vivant à défaut d’être totalement enthousiasmant, avait fait reposer sur la Monf’ des espoirs bien trop lourds. On ne peut pas porter la nation sur ses épaules quand on peine à s’assumer soi-même. “Je vois que pendant un set et demi, j’arrive à bien contrôler, à avoir les bons choix, a-t-il quand même voulu retenir. Ça se pose progressivement en espérant que ça se pose au plus vite”. Sans sauter d’étape, malgré l’envie manifeste de toutes les parties.