Le président de la Collectivité Territoriale de Martinique, Serge Letchimy, a partagé avec nous son analyse sur la lutte contre le trafic de drogue et les mesures mises en œuvre dans le cadre du Contrat Territorial de Prévention et de Sécurité. Lors de notre entretien, il a dressé un tableau à la fois préoccupant et porteur d’espoir, insistant sur la nécessité d’accélérer les efforts pour endiguer ce fléau.
Monsieur Letchimy, quel est votre constat actuel sur la situation sécuritaire en Martinique ?
La situation est grave. La Martinique, comme la Guadeloupe et la Guyane, est devenue une plateforme majeure pour le trafic de cocaïne et d’armes entre l’Europe et l’Amérique du Sud. Ce constat, dressé dès 2004 dans un rapport du Sénat, est toujours d’actualité. Les conséquences économiques et sociales de ce trafic sont catastrophiques. Par exemple, les retombées financières illégales liées à ce commerce ne bénéficient pas au territoire. Cela représente près de 400 à 500 millions d’euros qui ne circulent pas dans notre économie.
Vous avez signé le contrat territorial il y a un an. Quelles avancées ont été réalisées depuis ?
Un an après la signature, je constate avec satisfaction que des efforts conséquents sont en cours. Nous avons demandé et obtenu des radars, dont l’installation est prévue pour 2025. Les côtes, longtemps poreuses, bénéficient d’un renforcement grâce à l’arrivée de nouveaux drones et de moyens maritimes rapides pour intercepter les trafics en mer.
En outre, le contrôle des flux au port et à l’aéroport a été considérablement amélioré. Ces deux points d’accès sont essentiels, car c’est principalement par ces voies que transitent les cargaisons de drogue. Je soutiens à 100 % un contrôle systématique, qu’il s’agisse des conteneurs ou des individus.
“Il faut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin”
Quels sont les défis majeurs auxquels vous faites face dans cette lutte ?
Malgré les avancées, nous ne pouvons ignorer l’ampleur de la dynamique du trafic de drogue dans le monde. Cela fragilise l’État et génère un sentiment d’abandon parmi nos populations. Si le Sénat alerte sur la situation critique de l’outre-mer, c’est bien parce qu’il y a urgence.
Cependant, il ne faut pas désespérer. Une véritable dynamique a été enclenchée grâce au contrat territorial, mais il est crucial de travailler davantage sur la prévention. Par exemple, nous devons mettre en place des structures telles que l’école de la troisième chance pour accompagner les jeunes à leur sortie de prison. De même, l’accompagnement des familles monoparentales est fondamental.
Quelles autres initiatives soutenez-vous pour renforcer cette lutte ?
Nous devons investir davantage dans la relance des politiques de proximité pour les jeunes. Je regrette la suppression ou la diminution des emplois aidés, qui constituaient un outil précieux pour l’insertion. La justice doit également être renforcée : un magistrat dédié aux relations internationales a été nommé, mais il reste indispensable d’augmenter les effectifs pour traiter les dossiers locaux.
En mer, deux nouveaux bateaux rapides ont été acquis, et les moyens de surveillance continuent de se développer. Cela dit, nous devons aller plus vite et plus loin. Ce premier bilan est intéressant, mais face à l’ampleur du drame, il faut accélérer les efforts.
Un dernier mot pour conclure ?
La situation est dramatique, mais les efforts conjoints de l’État, des collectivités et des acteurs locaux montrent que nous avançons. Cette dynamique doit se poursuivre et s’amplifier. La lutte contre le trafic de drogue, l’accompagnement des familles, et l’éducation des jeunes sont des piliers essentiels pour bâtir un avenir meilleur pour la Martinique. Je reste convaincu que nous pouvons relever ce défi, à condition de rester mobilisés et solidaires.