Le plan de relance dévoilé par la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, pour la Nouvelle-Calédonie, ainsi que le dispositif de reconstruction engagé pour Mayotte, traduisent une évolution notable de la politique ultramarine. Ces deux expériences, bien que différentes dans leurs contextes — crise politique en Nouvelle-Calédonie, catastrophe naturelle à Mayotte —, ont en commun une nouvelle méthode de gouvernance économique et territoriale fondée sur la concertation, la programmation budgétaire et la coresponsabilité locale.
Elles pourraient inspirer le législateur et les responsables politiques martiniquais dans leur recherche d’un modèle de développement plus stable et mieux adapté aux réalités locales.
Un cadre contractuel et co-construit
L’accord de Bougival, signé en juillet 2025, repose sur un pacte politique et institutionnel négocié entre les forces locales et l’État. Ce cadre garantit une autonomie concertée et une coresponsabilité dans la mise en œuvre des politiques publiques. Pour la Martinique, une démarche similaire pourrait redonner du souffle au Congrès des élus et déboucher sur un véritable « pacte d’autonomie économique et sociale », construit autour des priorités locales et de la confiance retrouvée entre institutions.
À Mayotte, la ministre a adopté la même logique contractuelle en annonçant la création d’un comité de suivi permanent, associant élus locaux et parlementaires, pour assurer la transparence et la continuité de la reconstruction. Cette coproduction politique — entre État et territoires — marque une rupture avec le modèle descendant qui a longtemps prévUne approche triptyque : régalien, économie, transition
Le plan calédonien s’articule autour de trois piliers : rétablissement régalien, relance économique et transition écologique. Une telle approche intégrée pourrait servir de base à une feuille de route martiniquaise : modernisation institutionnelle, soutien au secteur productif (tourisme, petite agriculture, agro-transformations, numérique, énergies renouvelables) et adaptation aux défis climatiques.
Elle permettrait de replacer la Martinique dans une dynamique de résilience et de durabilité, plutôt que dans une logique d’assistance économique.
À Mayotte, cette dimension est également visible : la ministre a confirmé un effort d’investissement de 4 milliards d’euros sur six ans (2025-2031), dont 131 millions pour les écoles et 20 millions pour le nouvel aéroport, tout en intégrant le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE).
Ce modèle de plan pluriannuel ciblé sur les besoins essentiels — infrastructures, santé, logement, sécurité — illustre une cohérence qui pourrait inspirer une programmation budgétaire de long terme pour la Martinique.
Un levier financier et institutionnel clair
L’un des atouts du plan néo-calédonien réside dans son inscription directe dans la loi de finances 2026, garantissant un financement pluriannuel et transparent. La même logique prévaut à Mayotte, où la ministre a annoncé la remise d’une programmation annuelle des investissements au Parlement et la création d’une ligne budgétaire unique spéciale Mayotte, promise pour la fin de l’année 2025.
Ces dispositifs traduisent une évolution majeure : le passage d’une logique de guichet à une logique de contrat budgétaire pluriannuel, avec des crédits identifiés, contrôlés et sanctuarisés. La Martinique gagnerait à adopter cette méthode, en intégrant sa stratégie contre la vie chère et pour la diversification économique dans un cadre budgétaire cohérent État–CTM–Europe, afin d’éviter la dispersion actuelle des dispositifs.
Une gouvernance partagée et opérationnelle
La mission interministérielle de reconstruction créée en Nouvelle-Calédonie, sous la coordination, constitue un modèle de gouvernance efficace : elle associe les acteurs locaux à la planification, au suivi et à l’évaluation.
À Mayotte, le comité de suivi annoncé par la ministre remplit la même fonction : garantir la transparence, l’efficience et la confiance entre l’État et les élus.
La Martinique pourrait, à son tour, bénéficier d’une structure similaire — une délégation interministérielle à la transformation économique et écologique des Outre-mer — chargée de piloter les réformes, d’assurer la cohérence des politiques publiques et de suivre l’exécution budgétaire. Ce type de gouvernance de projet, ancrée dans la durée, permettrait de dépasser la logique de court terme et d’inscrire l’action publique dans une perspective de transformation réelle.
Vers un modèle de transformation territoriale
En s’inspirant des modèles néo-calédonien et mahorais, la Martinique pourrait réaffirmer sa capacité d’initiative et d’innovation institutionnelle. Le législateur dispose désormais d’exemples concrets où l’État a su conjuguer autonomie locale, contractualisation et solidarité nationale. Il s’agit moins de reproduire un modèle que d’adapter une méthode : programmer les investissements sur plusieurs années, instaurer un pilotage partagé, et replacer la population au cœur du projet de développement. C’est dans cet équilibre entre autonomie, responsabilité et solidarité républicaine que se joue désormais l’avenir des Outre-mer, Martinique comprise.
Gérard Dorwling-Carter



