Pouvoir de dérogation du préfet, capacité d’expérimentation par les collectivités, principe de différenciation : dans quelles mesures ces trois outils d’adaptation des politiques publiques aux spécificités locales sont-ils utilisés sur le terrain, notamment dans le domaine de la transition écologique ?
Les trois dispositions (dérogation, expérimentation et différenciation) “ne produisent pas les effets escomptés“, notamment dans le domaine de la transition écologique, affirment l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) dans un rapport publié le 1er octobre 2024. Non seulement leurs limites mais aussi le droit de l’environnement, par sa complexité, sont en partie à l’origine de cette situation.
Ce rapport sur “l’évaluation de l’emploi des dispositions législatives et réglementaires d’adaptation des politiques publiques aux spécificités territoriales” recommande quelques mesures de simplification, mais met en garde contre une “flexibilisation à outrance des textes“.
Le droit de dérogation et ses “limites”
Le préfet s’est vu reconnaitre, par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, le droit de dérogation aux normes réglementaires dans certains domaines. S’il a permis “de débloquer ponctuellement certains projets“, il se heurte à “ses limites juridiques“.
Le rapport constate des cas d’usage très limités pour le domaine de la transition écologique :
- 543 arrêtés de dérogation pris par les préfets depuis quatre ans ;
- 430 actes concernent l’octroi de subventions par les services déconcentrés de l’État ; 66 actes portent sur le code de l’environnement, dont 58 sont sur le délai pour déposer un dossier de demande d’autorisation des systèmes d’endiguement et des aménagements hydrauliques ; 12 actes touchent le logement.
L’expérimentation, un bilan modeste
Seules quatre expérimentations ont été menées dans le cadre de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution, ces expérimentations ayant porté sur le revenu de solidarité active, la tarification sociale de l’eau, les nouvelles modalités de répartition des fonds non affectés par les entreprises et l’extension de la limite d’âge pour les contrats d’apprentissage.
Selon les inspections, les collectivités n’ont pas besoin de mener des expérimentations au titre de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution, le régime de l’article 37-1 de la Constitution “suffit amplement à couvrir les besoins d’expérimentation“.
Le rapport plaide en revanche en faveur d’une loi portant diverses dispositions expérimentales pour donner “une visibilité accrue” aux collectivités sur “la faisabilité de leurs idées” et pour “porter le processus jusqu’à son terme dans la loi“.
La différenciation, une réponse de “faible portée”
Plus de deux ans après la loi du 21 février 2022 sur la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, le rapport constate sa “faible portée” et son “usage limité“.
Le terme de différenciation depuis le milieu des années 2010 est, certes, débattu avec force. Mais, les inspections affirment que de “très nombreuses demandes peuvent être satisfaites par d’autres méthodes, existantes, et permettant d’assurer la pérennité du principe d’égalité et d’un ordre constitutionnel stable”. Selon le rapport, “les demandes d’intervention de certaines collectivités sur des champs d’aménagement du territoire peuvent être satisfaites par les délégations de compétence ainsi que par l’intervention ponctuelle du législateur pour élargir les champs d’action des collectivités“.
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