Ainsi s’ouvre la réflexion d’Yves Léopold Monthieux, qui éclaire d’un œil critique l’initiative du président de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), Serge Letchimy, visant à redéfinir les liens institutionnels avec la France.
La rupture, terme à la fois éloquent et flou, flotte entre des appels à plus d’autonomie et des velléités d’émancipation inabouties, sans jamais préciser quelle liberté véritable serait recherchée.
Le président Letchimy prône des compétences élargies dans des domaines cruciaux comme la santé et l’éducation, tout en refusant les prérogatives régaliennes. Cette posture hybride est fustigée comme une contradiction politique : peut-on appeler rupture une simple révision des marges sans toucher au cœur du système murmure YLM ?
L’opposition, à travers la voix prudente de Daniel Marie-Sainte, salue une opportunité de débat mais se méfie du mot lui-même. Francis Carole, quant à lui, assume un discours de décolonisation ouverte. Mais c’est Alfred Marie-Jeanne qui, d’un coup de tonnerre, réclame un référendum sur l’indépendance, un pari sur la maturité d’un peuple ayant, jusqu’ici, dit non à tout projet de modification statutaire.
Monthieux soulève un paradoxe démocratique : alors que la majorité des Martiniquais est opposée à toute rupture, leurs représentants se font les hérauts d’une aspiration minoritaire. Le chroniqueur plaide pour un exercice sincère de la démocratie, où un référendum ferait suite à des élections clarifiant les positions des candidats. Faute de quoi, la consultation populaire risque de n’être qu’un simulacre, une tragédie jouée à l’ombre des urnes vides de sens.
Mais le cœur du problème pourrait être ailleurs. Peut-être faut-il admettre que ces revendications de rupture ne sont qu’un levier politique, un artifice destiné à obtenir davantage de prérogatives sans franchir le Rubicon de la souveraineté. N’est-ce pas là le message du vote de novembre 2023 ? L’Assemblée de Martinique a opté pour un pouvoir normatif autonome tout en restant sous l’article 73 de la Constitution, là où d’autres territoires ont réclamé l’article 74. Un choix de singularité, dit-on.
Le président Letchimy, par touches progressives, rêve d’une autonomie à la corse ou à la guyanaise, sans jamais rompre le lien avec la République. Son dessein ? Une égalité des droits qui reconnaîtrait pourtant les spécificités locales, un pouvoir d’adaptation sans effacer l’unité. Et… les fameux droits acquis!
Peut-être faut-il voir, derrière cette prudence, une vérité plus cruelle : les Martiniquais préfèrent l’ancrage administratif français, car la confiance en leurs propres élites vacille. Pourtant, derrière ces doutes, une exigence de dignité s’élève. Si minoritaire soit-elle, elle exige d’être entendue. Car au-delà des luttes institutionnelles, c’est d’une question de responsabilité qu’il s’agit, d’une maturité politique à construire — celle d’un peuple en quête d’un destin à la mesure de son histoire.
Gerard Dorwling-Carter.