C’est au quartier Malevault route de Macabou au Vauclin, que Valérie Nelzy porte un projet d’hébergement écotouristique à forte valeur patrimoniale, sur un terrain faisant l’objet de fouilles archéologiques préventives. Dans un environnement naturel riche et préservé bordant la mangrove Paquemar, ce site s’intègre en effet dans le continuum de l’habitation Pinel datant du XVIII ème siècle. Une visite avant la clôture des fouilles a réuni autorités et spécialistes, curieux de découvrir ce que les recherches ont pu révéler.
« Afin de créer de la valeur économique, en partenariat avec les autres acteurs de mon territoire, je porte un projet d’hébergement écotouristique à forte valeur patrimoniale , pour partager la Martinique avec des voyageurs en quête d’un tourisme de sens, en communion avec sa nature et sa culture. »,
explique Valerie Nelzy.
Le site de Malevault est un site patrimonial riche de vestiges de l’époque coloniale, dans une nature préservée. Sa propriétaire a l’ambition d’y offrir des hébergements conçus avec les dernières innovations en termes de construction durable et une identité architecturale martiniquaise marquée d’éléments patrimoniaux comme du bois ti-baume tressé, une cuisine extérieure. Ce lieu proposera des tables d’hôtes et des services d’écotourisme associés, tels que des sorties dans la mangrove Paquemar; des sorties de découverte des tortues avec le réseau Tortues Marines et d’autres activités proposées par les voisins. «Je m’inscris dans une dynamique de quartier. A Macabou, il y a des structures agritouristiques, des agriculteurs certifiés Ecocert, des centres équestres qui proposent des randonnées sur la Trace des Caps…», détaille Madame Nelzy.
S’intégrant dans le Périmètre de l’habitation Pinel ,son terrain, assiette du projet ,fait actuellement l’objet d’une fouille archéologique préventive importante dont l’objectif est de documenter l’organisation spatiale et fonctionnelle au sein d’un site colonial avec une attention particulière portée au quartier servile.Ce qui permet à Valerie Nelzy d’intégrer une dimension archéologique et patrimoniale à son projet. « J’aurais aimé gardé une partie des murs découverts pour les intégrer au projet. »
Une visite avant la clôture des fouilles qui auront duré un mois, a eu lieu en présence notamment du Préfet, Jean-Christophe Bouvier, du Maire du Vauclin, Georges Cléon et du Président de la CCIM, Philippe Jock. Le Laboratoire de recherche AIHP GEODE Caraïbes, de l’Université des Antilles, était représenté par sa directrice adjointe, Monique Milia-Marie-Luce, Maître de conférence en histoire contemporaine, avec trois de ses étudiants.
Une présentation des fouilles a été faite par Guillaume Demeure, responsable d’opération pour le bureau d’étude EVEHA, spécialisé en archéologie préventive, c’est-à-dire l’archéologie avant travaux. « Nous intervenons en amont des projets d’aménagement, si l’État décide que le projet doit être précédé d’une fouille. C’est l’État qui prescrit les fouilles. Ici, nous sommes sur un site prescrit parce que nous sommes à proximité de deux habitations coloniales connues, tout près de l’Habitation Pinel dont on aperçoit le moulin classé Monument Historique et également dans une zone d’occupation amérindienne assez dense sur Macabou. Ici, c’est la partie coloniale et post-coloniale qui nous intéresse, il y a des occupations qui se développent entre le XVIIIème et le XXème siècle. Nous avons trouvé deux types de vestiges principaux, d’une part, des trous de poteaux qui sont des vestiges de constructions sur poteaux en bois, et d’autre part, des constructions en dur construites postérieusement, probablement à la période post-esclavage. En lien avec ces murs, il y a des vestiges de sols. Il est possible que les trous de poteaux soient en rapport avec une partie de l’habitat servile, c’est le travail en post fouille (après le terrain) qui nous le dira.Nous avons trouvé aussi des dépotoirs, avec de la vaisselle et des bouteilles». Ce site figure sur les cartes de Moreau du Temple, carte de la Martinique de 1770.
Qu’est-ce que l’archéologie préventive ?
Il y a un cadre législatif très précis régissant ce domaine, qu’il est bon de connaître sur un territoire archéologiquement aussi dense que la Martinique. Car, le surcoût que peut représenter un projet sur un site patrimonial doit être pris en compte par les aménageurs. Voici les démarches à prévoir. Un aménageur dépose un projet auprès des services de l’État qui autorise ou non le projet. Si l’État décide, d’après les connaissances archéologiques et historiques, que le terrain, assiette du projet, est dans une zone archéologiquement sensible, à ce moment là il y a un diagnostic archéologique comme ici, sur le site de Malevault. On ouvre des tranchées dans la parcelle concernée , à peu près 10% de l’emprise du projet afin d’évaluer la nature, la quantité, la puissance archéologique, la chronologie des vestiges éventuellement présents sur le site. Si les vestiges sont assez importants, cela justifie une fouille préventive de plus grande ampleur. Ici le diagnostic a eu lieu en 2022, il a été fait par l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives ). Des objets ont été trouvés dès la phase de diagnostic. la DAC (Direction des Affaires Culturelles) a prescrit une fouille sur 2500m2 de la parcelle. L’État via le service régional d’archéologie émet alors un cahier des charges et un arrêté préfectoral de prescription de fouille pour que les différents opérateurs en archéologie puisse intervenir. L’aménageur, Madame Nelzy , a fait le choix de l’opérateur, parmi ceux dont le projet d’intervention a été validé par les services de l’État. EVEHA qui intervient ici, est le plus gros bureau d’étude français en archéologie préventive. Il intervient depuis 2011 en Martinique. A l’issue de la phase terrain (fouilles), le projet d’aménagement peut commencer et EVEHA s’attelle au travail de post-fouille, c’est à dire une synthèse de l’ensemble des éléments découverts. Un rapport est donné à l’aménageur et à la Direction des Affaires Culturelles, tous les « mobiliers », c’est à dire les objets trouvés sur site, seront conservés par la DAC. Ces fouilles et ces études sont financés par l’aménageur. Cependant, il y a un fond d’État qui peut être sollicité dans certains cas. Car, cela représente un surcoût important sur le projet. Et les autorité en sont bien conscientes s’agissant de l’aménagement des communes. Monsieur le Préfet a fait remarquer: « Ce sont le plus souvent les communes qui ont des prescriptions de fouilles à réaliser et elles n’ont pas les budgets. Par exemple, le surcoût qu’ont occasionnées les fouilles pour reconstruire le parking en face de la bibliothèque Schoelcher, à Fort de France, a représenté 25% du coût total de l’opération ! ». De son côté, le Maire du Vauclin, commune à fort potentiel archéologique et architectural ressent bien la nécessité de valoriser le patrimoine, « Cela représente de nombreuses retombées économiques et touristiques. Toute la côte du Vauclin est concernée, il y a des sites précolombiens et des sites coloniaux importants, nous avons découvert par exemple, un cimetière d’esclaves sur la plage de la pointe Faula. Dans le bourg, nous avons l’un des seuls vestiges de « geôle » de Martinique, que nous voulons mettre en valeur. Il y a une trentaine de wets (anciennes ruelles) à valoriser. C’est un patrimoine unique. Tout cela représente un surcoût, nous devons rechercher du financement public pour nous aider à le conserver »
Malgré ces défis à relever, le projet d’écotourisme de Valérie Nelzy au Vauclin, incarne une vision novatrice du tourisme, alliant préservation du patrimoine et développement durable, en offrant aux visiteurs une expérience immersive dans l’identité martiniquaise. A suivre…
Nathalie Laulé