Antilla en vente cette semaine a donné la parole au Psdt en exercice de l’Université des Antilles, M. Eustase Janky, qui répond, presque point par point aux interrogations très critiques formulées par les responsables du Pôle Martinique de l’Université des Antilles (UA), critiques que nous avions publiées dans un ANtilla précédent.
Nos lecterus de cette semaine qui n’auraient pu avoir accès au jnl présentant lequel déployait tous les arguments développéss par les responsables du Pôle Martinique (Mme Odile Marcellin François-haugrin; Vice-présidente; Mme Dominique Rogers, membre de la commission ‘formation et vie étudiante; M. Michel Tondellier, représentant de l’intersyndicale du Pôle Martinique), trouverons ici la totalité de cet article.
C’est le moins que nous nous devions de faire, face à la situation de « nôtre » Université, qui nous semble sujeete à de graves turbulences…
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VOICI LE TEXTE INTEGRAL PUBLIE DANS ANTILLA LA SEMAINE DERNIERE
Pôle Martinique de l’Université des Antilles : gronde la colère ?
Au moment de la rédaction de ces lignes, nous ne savons si les responsables du Pôle Martinique de l’Université des Antilles (UA) ont obtenu des réponses quant aux « dysfonctionnements » qu’ils exposèrent lors d’une récente conférence de presse tenue sur le campus de Schoelcher. Rappels des (nombreux) éléments constitutifs de cette présentation-dénonciation.
Odile Marcelin François-Haugrin, vice-présidente du Pôle Martinique de l’UA, débuta son intervention en indiquant que l’offre de formations proposée par l’Université avait été reportée d’un an par le président, « au motif qu’elle (cette offre, ndr) ne serait pas suffisamment réfléchie, concertée, ordonnée, et qu’elle ne permettrait pas, en l’état, de véritables négociations fructueuses avec le ministère. » Et d’ajouter : « Alors que les équipes pédagogiques travaillaient depuis près de 2 ans sur ces maquettes de formation, en concertation étroite entre les pôles universitaires de Martinique et de Guadeloupe. » La dirigeante de poursuivre : « En janvier 2017, l’intégralité de l’offre de formations avait été remontée au ministère et était en attente d’installation des nouvelles instances universitaires (suite à l’élection, en janvier 2017, d’Eustase Janky à la présidence de l’UA, ndr). Donc cette offre était en attente d’appropriation et d’évaluation par les nouvelles instances, et il restait notamment, en concertation avec le ministère, des arbitrages à effectuer. »
« Nous naviguions à vue »
Après avoir indiqué que l’avis du président de l’UA sur cette offre de formations avait été connu en février dernier, Odile Marcelin François-Haugrin développa son propos. « Nous avons dû attendre 3 mois, c’est à dire mai 2017, pour que, enfin, le président, après maintes demandes et inquiétudes de la communauté universitaire, nous fasse parvenir une lettre de cadrage nous permettant de démarrer le travail de réévaluation de cette offre de formations », déclara la dirigeante. Avant d’ajouter : « Ce document qui nous a été fourni l’a été sans aucune concertation préalable avec les instances du conseil académique et du conseil d’administration (CA) de l’Université. Et notamment il manquait des éléments essentiels : quel cadrage pédagogique ? Par rapport à quel projet stratégique d’établissement devions-nous travailler et nous projeter ? Nous n’avions pas de critères, objectifs, pour évaluer si le projet était viable, aucun critère de soutenabilité n’avait été transmis et nous n’avions pas de calendrier de remontée aux différentes instances de l’Université et du ministère. Nous naviguions à vue. Et en septembre 2017, la commission ‘formation et vie universitaire’ du Pôle Martinique a dû prendre ses responsabilités et voter ses propres critères de soutenabilité, pour évaluer l’offre de formations du Pôle Martinique et objectiver ses avis pour les porteurs de projets qui avaient présenté de nouvelles maquettes de formation. »
« Un choc pour la communauté universitaire »
« nous laissions le ministère décider, en lieu et place de l’Université »
« En juin 2017, le président nous avait enfin indiqué que l’offre de formations devait remonter au ministère pour fin septembre 2017 », précisa la vice-présidente, « nous étions dans l’urgence, n’avions aucune visibilité donc nous avons pris nos responsabilités. Dans le même temps, le président nous a informés qu’il souhaitait que l’intégralité de l’offre de formations mise en ligne au niveau informatique remonte dans son intégralité au ministère, même celles qui n’étaient pas validées par les instances universitaires. Cela voulait donc dire que nous n’étions pas, Université des Antilles, capables de prendre nos responsabilités, et que nous laissions le ministère décider, en lieu et place de l’Université, quelles formations étaient bonnes et ne l’étaient pas pour la Martinique, pour nos étudiants et nos populations. Comment pouvait-on accepter que l’on reporte sur le ministère les responsabilités dévolues à l’Université ? Cela a été un choc pour la communauté universitaire, qui s’est mobilisée ; les syndicats universitaires se sont également mobilisés et ont dénoncé fermement ; les élus des instances se sont catégoriquement opposés à cela et nous avons eu des débats longs, épuisants, pour une chose simple : faire respecter la loi qui régit le fonctionnement de l’Université, respecter les instances universitaires et les élus, seuls habilités à donner des avis sur l’offre de formations. Une offre qui doit être ensuite portée au niveau du conseil d’administration de l’Université, pour donner un avis. »
« Ce n’est pas acceptable, pas tolérable »
« Et là, nous avons assisté, médusés, stupéfaits… »
« Le dernier coup de théâtre concernant le processus d’accréditation de cette offre de formations a été le refus du président de porter à l’ordre du jour du conseil d’administration du 5 octobre dernier l’examen de cette accréditation », poursuivit la vice-présidente, « il aura fallu que les élus du Pôle Martinique refusent de siéger à ce CA et sortent de la salle pour que le président concède à convoquer un conseil d’administration le 23 octobre, avec le seul point à l’ordre du jour concernant cette accréditation de l’offre de formations. Et là, nous avons assisté, médusés, stupéfaits, à une substitution de l’ordre du jour par une autre question, relative à la situation de l’établissement au regard des heures complémentaires. Aucun document de travail n’avait été fourni en amont, aucune discussion menée au préalable, aucun conseil, aucune commission n’avait été saisie. Il est de notre devoir aujourd’hui de porter cela à votre connaissance, parce que nous sommes en déficit de dialogue avec la gouvernance centrale de l’Université. » Et Odile Marcelin François-Haugrin de souligner ceci : « Cette offre de formations doit être ‘entrée’ en janvier 2018 dans l”application post-bac’, pour que nos élèves commencent à s’inscrire dans les nouvelles formations proposées. L’Université des Antilles n’a pas vu son offre de formations renouvelée depuis 8 ans… Et nous sommes particulièrement inquiets parce qu’il est hors de question, il est impossible que nous recommencions une année avec une offre vieille de 8 ans. Ce n’est pas acceptable, pas tolérable. »
« Il est de mon devoir de construire cette autonomie »
Après avoir rappelé que l’UA était basée sur l’autonomie des pôles Martinique et Guadeloupe, Odile Marcelin François-Haugrin ajouta que le président était « garant de la cohésion de l’établissement, dans ce cadre nouveau et original ». A écouter la dirigeante, les statuts de l’UA indiquent que son organisation repose notamment sur un « principe d’unité », unité qui se conçoit dans un « cadre d’autonomie polaire renforcée, ciment de la cohésion de l’Université des Antilles ». La vice-présidente de poursuivre. « Les statuts ont été votés à l’unanimité du conseil d’administration, en juin 2016 », indiqua-t-elle, « et le ‘titre 1’ de ces statuts dispose que chaque pôle a une réelle autonomie, notamment en matière stratégique, financière et d’organisation. Il est de mon devoir, en tant que vice-présidente du Pôle Martinique, de construire cette autonomie qui a été voulue par les parlementaires de Martinique et de Guadeloupe. » Et Odile Marcelin François-Haugrin de souligner que cette cohésion et mise en place d’autonomie renforcée devaient statutairement passer par des séances de travail périodiques entre les vice-présidents de pôles et le président de l’Université, « et singulièrement avant les décisions budgétaires ». La dirigeante déplora alors que, « près de 9 mois après que les conseils d’administration polaires aient été mis en place, nous n’avons eu que 2 réunions de dialogue de gestion avec le président ; l’une en juin 2017, soit 3 mois après l’élection des vice-présidents de pôles. » Et d’affirmer en outre que « ces deux réunions n’ont jamais été tenues avant les décisions budgétaires. Donc que les arbitrages sur les orientations financières pour les pôles universitaires, sont pris sans concertation préalable avec la gouvernance polaire. »
« Nous ne pouvons pas acheter une boîte d’aspirine… »
« C’est une décision complètement arbitraire »
« Le vice-président de pôle est ordonnateur des recettes et des dépenses du pôle », poursuivit la dirigeante, « donc ce vice-président engage les recettes et dépenses à hauteur du budget qui lui est dédié. Aujourd’hui la vice-présidente que je suis, subit un plafonnement des engagements des dépenses à hauteur de 5000 euros. Ce montant est bien inférieur à celui qu’ont des doyens ou des directeurs de composantes. Seul le directeur des affaires financières, qui est basé en Guadeloupe, est habilité à engager des dépenses pour le pôle universitaire de la Martinique. C’est une décision complètement arbitraire, sur laquelle j’ai demandé au président, à plusieurs reprises, des réponses. Je n’en ai aucune. Au quotidien il nous faut nous battre contre une volonté affirmée, dans les actes, de recentralisation de la gestion financière et administrative du Pôle Martinique. Nous ne pouvons accepter cela parce que nous avons été positionnés pour construire l’autonomie telle qu’elle a été prévue et voulue par la Martinique. Aujourd’hui nous ne pouvons pas acheter une boîte d’aspirine sans passer par une validation des services centraux de l’établissement… Comment pouvons-nous répondre aux besoins de notre territoire et de nos étudiants ? Répondre aux besoins et attentes de nos personnels et usagers ? C’est la question que j’ai déjà posée au président de l’Université. Je n’ai pas de réponse. »
« L’Université des Antilles, nous la voulons indivisible »
« Je demande solennellement au président de l’Université que ces dysfonctionnements s’arrêtent, »
« Nous avons saisi les parlementaires de la Martinique de cette situation », indiqua Odile Marcelin François-Haugrin, « et nous informons la population parce que cette situation pénalise fortement notre université, outil incontournable au service du développement socio-économique de notre territoire. Je demande solennellement au président de l’Université que ces dysfonctionnements s’arrêtent, que la règle de droit soit rétablie, que les représentants, démocratiquement élus, soient respectés, que nos étudiants soient respectés, et au-delà que le peuple martiniquais soit respecté. Parce que l’Université des Antilles, nous la voulons une, indivisible, bâtie sur le modèle qui a été choisi, décidé, c’est à dire une autonomie renforcée des pôles universitaires, seul garant, ciment de la cohésion de cet établissement. » Applaudissements de l’auditoire.
« J’ai un devoir pour tous ces gens… »
L’intervenante suivante, Dominique Rogers, membre de la commission ‘formation et vie étudiante’, indiqua notamment ceci : « J’ai été en charge du processus de formations sous l’ancienne gouvernance, et nous voulions voir aboutir un processus commencé il y a 3 ans, où nous voulions changer l’offre de formations pour répondre aux attentes des étudiants d’avoir des choses différentes, plus adaptées aux demandes des professionnels, de la SARA etc., des entreprises du territoire qui avaient besoin de professionnels dans des domaines précis. » Et de souligner : « Nous avons commencé tout de suite à travailler, ce qui nous a permis de finaliser l’offre et de l’envoyer au ministère, avec lequel nous avons travaillé en étroite collaboration. » Dominique Rogers fit alors ce rappel : « A l’arrivée (en fonction, ndr) du président, il a dit de tout recommencer. Six mois plus tard et malgré toutes les relances, on ne nous donne pas d’informations, et on nous propose, 6 mois plus tard, de recommencer la même chose… On renvoie la même offre ? Nous avons dit non. Parce que, à un moment donné, chacun de nous doit prendre ses responsabilités. J’ai un devoir vis à vis de chacun des étudiants, vis à vis de chacun des collègues que j’ai rencontré pendant 3 ans pour mettre en œuvre cette offre de formations. Tous ces gens travaillent avec dévouement, des gens qui ont connu 3 années extrêmement pénibles dans l’affaire du CEREGMIA, ça a été un contexte dur pour tout le monde. On a voulu proposer à la Martinique et à la Guadeloupe des offres de qualité : on nous a dit de recommencer. Ok on recommence, mais on ne nous donne pas d’informations. Encore aujourd’hui je reçois des mails de collègues qui me disent : ‘ma formation est remontée ou pas ? Je dois faire des modifications ?’. Je demande au président quelle est la situation : je n’ai pas de réponse depuis 15 jours. Les mails et coups de fil se succèdent : je n’ai pas de réponse. Je demande des réponses, je veux juste des réponses. Parce que j’ai un devoir pour tous ces gens qui travaillent, pour tous ces étudiants, pour tous ces parents de Martinique et de Guadeloupe qui veulent un travail de qualité, de leur donner ce travail de qualité. C’est mon rôle, je veux juste le jouer. » Nouveaux applaudissements.
« Est-ce qu’on a l’argent pour soutenir nos formations ? »
Michel Tondellier, représentant de l’intersyndicale du Pôle Martinique, débuta son intervention par une lecture des mots adressés le 7 novembre 2017 par cette intersyndicale au président de l’UA, indiquant notamment que ses propos dans le France-Antilles Martinique du 4 novembre dernier* avaient « profondément choqué sur le Pôle Martinique, car ils incriminent, par leur généralité, l’ensemble de notre communauté. » Puis, d’ajouter que le président de l’établissement s’était exprimé dans cet organe de presse sur « une menace supposée, qu’il a lui-même agité, et qui à la connaissance de notre intersyndicale n’a été la revendication de qui que ce soit sur ce pôle. » Evoquant lui-aussi l’offre de formations, Michel Tondellier souligna à son tour « qu’il a fallu attendre 3 mois avant que les travaux soient remis à l’ordre du jour, dans une lettre de cadrage qui était plus une lettre d’intention qu’un outil qui répondait aux exigences techniques de ce dossier. » Et d’en venir à un point manifestement crucial pour les responsables du Pôle Martinique. « Le ‘nerf de la guerre’ sera la soutenabilité financière de cette offre de formations », souligna l’intervenant, « est-ce qu’on a l’argent pour soutenir nos offres ? Les équipes n’ont reçu à ce jour aucun retour sur cette soutenabilité. Et à ce jour le président n’a impulsé – on le lui a dit le 7 novembre –, aucune action en vue de la cohérence de l’offre de formations, tant au niveau des pôles qu’entre les pôles. » Et Michel Tondellier d’ajouter alors : « L’intersyndicale s’est émue, auprès du président, du fonctionnement en parallèle de deux processus d’accréditation. D’un côté un processus qui est piloté par un collègue que le président a nommé à ce poste, et de l’autre côté nos collègues élus à la CEVU (Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire). Vous avez d’un côté quelqu’un qui dispose des informations, peut-être, sur la soutenabilité, et de l’autre côté les gens qui sont censés valider cette offre de formations, qui n’en disposent pas. C’est tout à fait anormal. »
« Le processus d’accréditation s’est fait dans la douleur »
« En retardant d’un an le processus d’accréditation de l’offre de formations, le président de l’Université des Antilles s’est donné les moyens d’améliorer le projet initial », assura Michel Tondellier. Avant d’ajouter aussitôt : « Neuf mois plus tard, le résultat de cette décision, les résultats de ce pilotage sont particulièrement alarmants. Pour l’ensemble des raisons évoquées, le processus d’accréditation s’est fait dans la douleur pour des personnels dévoués mais maltraités par des directives toujours assénées dans l’urgence, sans cadrage et sans retour en direction des équipes. La soutenabilité financière de l’offre de formations ne sera trouvée finalement que plus tard, quand il s’agira d’amputer cette offre sur des critères qu’on ne connaît toujours pas et qui n’ont toujours pas été négociés. Ceci a déjà un impact sur la qualité de la formation – on préférerait travailler dans un contexte beaucoup plus serein – et ça aura, dès l’an prochain, un impact encore plus fort sur le service que cette université rendra aux usagers. Le devoir d’alerte des syndicats est fait depuis des mois : nous renvoyons donc là aussi la présidence à ses responsabilités. »
« Donc il ne faut pas rater ça… »
« Le président serait plus avisé de mobiliser ses personnels sur le projet et la stratégie de formations qu’il ambitionne pour l’Université », lança Michel Tondellier en conclusion, « l’heure est à la définition des axes de la politique de formation de la jeunesse antillaise pour les 5, voire les 10 ans à venir. Car on contractualise pour 5 ans, mais ça donnera une direction dans laquelle on continuera. Donc il ne faut pas rater ça. L’heure est à la définition des axes de la politique de recherche qui doit accompagner le développement de nos territoires. Cela doit se faire dans le respect des règles et des prérogatives des uns et des autres. Et en dehors de toute polémique stérile. » Devons-nous indiquer que des applaudissements résonnèrent de nouveau ? Dossier à suivre donc…
Mike Irasque
*: dans cette interview accordée à France-Antilles, Eustase Janky déclare qu’une « volonté d’indépendance s’affirme notamment en Martinique et cela pèse sur le bon fonctionnement de l’université. » Nous espérons avoir les réactions et positions du président de l’UA dans notre prochain numéro (NDLR).