Le dégel du permafrost en Arctique, qui pourrait libérer des quantités importantes de gaz à effet de serre, menace la planète, selon des études publiées dans Nature.
Atlantico : Selon une étude publiée cette semaine dans la revue Nature, le dégel du permafrost en Arctique représenterait une menace importante pour notre société. Que pensez-vous de l’ampleur de cette menace ? Est-elle actuellement sous-estimée ? Quelles seraient les conséquences d’une telle fonte ?
Dominique Audrerie : Le dégel du permafrost en Arctique est aujourd’hui une réalité dont les effets réels ne sont connus qu’en partie. Il est aussi certain qu’il y a là une menace pour nombre de régions côtières qui seront, dans un avenir proche, submergées, obligeant des populations entières à se déplacer. Ces populations seront de fait des émigrées qui devront trouver de nouveaux lieux d’accueil, et l’on sait ces dernières années combien accueil et assimilation sont ô combien difficiles (racisme inavoué, exclusion, exploitation de la misère, etc.).
En d’autres termes ce dégel, s’il a des effets sur la nature, a aussi des effets sur des populations condamnées à l’errance et à la pauvreté.
On peut dire que de tels effets, à l’échelle de la planète, ne sont pas suffisamment pris en compte: prévisions sérieuses, moyens adaptés pour répondre aux besoins nouveaux, procédures internationales au-delà des doctrines partisanes et des idéologies éloignées du réel et de la simple vie des personnes, ici et partout.
L’Arctique n’est pas épargné par l’effet du réchauffement climatique. En réalité, la région serait même plus affectée que tout autre endroit de la planète. Le pergélisol lui-même a connu une hausse de température de 0,4°C en moyenne entre 2007 et 2016. Comment expliquer une telle hausse ? Existe-t-il encore des facteurs inconnus autour de cette menace ? Même si le réchauffement climatique était contenu, 4 millions de kilomètres carrés de pergélisol devraient fondre d’ici 2100, soit presque 8 fois la superficie de la France métropolitaine. Peut-on s’étonner de tels chiffres ?
Le réchauffement de la planète semble bien aujourd’hui vérifié. Beaucoup s’interrogent sur les causes et les mesures à prendre.
En premier lieu, à l’échelle de la Terre, on constate des cycles sur le très long terme, cycles dus à la nature elle-même: glaciation, périodes fortes chaleurs, entrainant des modifications profondes des équilibres naturels (par exemple disparition de certaines espèces). Il ma paraît aujourd’hui délicat d’affirmer que nous sommes ou non entrés dans un nouveau cycle naturel entrainant un réchauffement progressif et… inéluctable.
En second lieu, il est certain que les modes de vie que nous connaissons depuis près d’un siècle ont un effet sur la nature et les équilibres naturels. Des rencontres internationales au niveau des états cherchent à mettre en place des modes de vie différents à partir d’études savantes et pas toujours d’avis similaires. L’idéologie là encore peut ruiner une analyse savante fondée sur la stricte observation du réel. Les enjeux économiques pour ne pas dire financiers jouent aussi un rôle considérable.
Peut-on encore agir pour enrayer la fonte du permafrost en Arctique ? Quelles mesures pourrait-on mettre en place ?
La question des actions à mettre en place est en conséquence délicate. En effet d’un côté on touche à des habitudes de consommation aujourd’hui bien ancrées chez chacun, d’un autre côté les enjeux économiques font obstacle à des mesures qui ruineraient certains secteurs, enfin des idéologies donnent des leçons sans véritable sérieux ou souhaitent imposer des mesures absurdes.
Un bon exemple que l’on peut considérer est celui de la voiture, qui serait, selon certains, la cause principale de bien des nuisances. Les véhicules diesel seraient les plus polluants; des études récentes montrent avec compétence qu’il n’en va pas ainsi. Interdire les véhicules anciens revient à l’évidence à pénaliser fortement les usagers les plus modestes. Les politiques de transport en commun sont à faire (voire ce qu’il en est à Paris!). Enfin, et sans être exhaustif, interdir la voiture revient trop souvent à créer de nouvelles nuisances (les bouchons!) et des difficultés sans nom pour ceux qui doivent impérativement se déplacer.
Un autre exemple proche du ridicule: supprimer les sapins de Noël. En fait ces sapins sont le fruit de productions adaptées et remplacer les sapins par des constructions en bois supposent … l’abattage d’arbres!
En somme trouver des solutions impliquent chez les décideurs, à tous les niveaux (consommateurs, politiques, industriels, financiers, etc.) une capacité à considérer humblement le réel et à mettre en place des mesures respectueuses des personnes et dont l’efficacité est assurée. Assez de démagogie.