Reporterre
Une étude qui détaille le coût de la pollution sonore en France le chiffre à 155,7 milliards d’euros chaque année. Un chiffre supérieur à celui de la pollution de l’air dont le premier responsable est le trafic routier.
Les klaxons des embouteillages. Le marteau-piqueur qui arrache le bitume. Les voisins qui font la fête jusqu’au bout de la nuit. La pollution sonore n’est pas qu’une simple nuisance quotidienne : elle a des conséquences sur notre santé et sur l’économie. Selon une étude présentée le 22 juillet par l’Agence de la transition écologique (Ademe), le coût social du bruit est estimé à 155,7 milliards d’euros par an. Il s’agit du prix payé par la collectivité pour compenser les externalités négatives de la pollution sonore : les médicaments pris parce qu’on dort mal à cause du bruit, la baisse du prix de l’immobilier ou encore la perte de productivité au travail.
Les transports sont la première source de nuisance sonore, avec la route en première place du podium (52 % des coûts) suivie par le trafic aérien (9 % des coûts). Les avions dérangent environ deux millions de personnes sur le territoire français. Le bruit du trafic ferroviaire est d’une ampleur moindre (7 % des coûts) mais concerne tout de même près de 11,5 millions de personnes. Au total, ces trois sources de bruit affectent 9,8 millions de citoyens. Près de 694 000 années de vie en bonne santé sont ainsi perdues chaque année à cause des morbidités générées par le bruit des transports.
Autres sources de nuisance soulignées dans le rapport : le voisinage, évalué à 8,9 milliards d’euros, et les bruits de chantier à 4,2 milliards d’euros.
Le prix donné à la vie
Pour chiffrer les coûts de cette pollution sonore, l’Ademe s’est fondée sur la valeur d’une année de vie en bonne santé, estimée à 132 000 € pour 2020 par la Commission Quinet (Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013). Ainsi, les coûts des perturbations du sommeil, de la gêne et de l’obésité représentent respectivement 30,6 milliards, 25,9 milliards, et 18 milliards d’euros, et forment plus de 81 % des coûts sanitaires des morbidités liées au bruit des transports, d’environ 91,6 milliards d’euros. À cela, il faut ajouter le coût des médicaments anxiolytiques consommés par les 287 000 personnes dérangées par le bruit routier. Soit un coût total de 3,5 millions d’euros. Ajoutons enfin à la facture le prix de la mortalité prématurée liée aux maladies cardiovasculaires causées par le bruit, soit environ 2 405 décès prématurés causés par le bruit routier, ce qui revient à un coût de 8,4 milliards d’euros.
Au-delà des conséquences sur la santé humaine, l’étude de l’Ademe s’intéresse aussi aux répercussions économiques. La perte de productivité liée au manque de sommeil coûterait 4,7 milliards d’euros. La décote des prix immobiliers s’élèverait à 2,9 milliards d’euros à cause du bruit routier, 413 millions d’euros pour le ferroviaire, et 94 millions d’euros pour l’aérien. Les bruits dans le milieu professionnel entraîneraient une perte de productivité de plus de 10,5 milliards d’euros par an. Ce coût social total estimé pour le bruit de 155,7 milliards d’euros est à mettre en regard avec d’autres coûts, comme celui de la pollution de l’air, estimé à 101,3 milliards par le Sénat en 2015.
L’étude propose enfin une dizaine de mesures pour réduire le bruit et ses conséquences financières que nous venons de détailler. Par exemple, la réduction de 10 km/h de la vitesse sur les routes (qui n’est pas sans rappeler une proposition de la Convention citoyenne pour le climat) ou encore une meilleure isolation thermique et acoustique des bâtiments. L’Ademe propose aussi la mise en place de zone à faibles émissions atmosphériques et sonores ou encore la réduction des émissions sonores sur les chantiers. Il ne manque plus qu’une volonté politique pour mettre en œuvre toutes ces suggestions.