Le conflit du port a été incontestablement le fait social majeur de ce début d’année 2011. Il a impacté l’économie de la banane, l’équilibre de nombreuses entreprises, et handicapé les ambitions de développement affichées par la nouvelle équipe en responsabilité à la Région Martinique. La semaine dernière, nous avons voulu comprendre la logique de ce conflit en nous entretenant longuement avec Serge Caboste, l’un des syndicalistes clés de cette grève. Cette semaine, Jean-Charles Cren, directeur de la CMA-CGM, explique la logique des manutentionnaires, et répond aux arguments avancés par Serge Caboste… lire la suite…
Jean-Charles Cren : Chacun des secteurs a déjà fait ses comptes, et ils sont considérables. La grande distribution alimentaire, qui a eu énormément de pertes, avec des containers qu’on a dû détruire ; la banane, qui a perdu de l’ordre de 3 000 tonnes en containers, et à peu près autant sur pieds d’après ce qui m’a été indiqué ; dans tous les secteurs des PME, où les dégâts sont bien-sûr considérables. Sans parler des coûts de rapatriement des containers, même si des dispositions tout à fait spécifiques ont été prises pour les rendre les plus légers possibles. A la CMA-CGM, nous avons pratiqué des tarifs inférieurs au seul coût de la manutention à Pointe-à-Pitre, c’est-à-dire le déchargement et chargement, sans prendre en compte les charges pour la ligne, qui a bien-sûr dû mettre en place des bateaux, avec toutes les consommations et charges qui en découlent. Pour ce qui concerne Gemo, le calcul est extrêmement simple, puisque pendant les trois semaines de conflit nous avons dû payer quasi intégralement les salaires des dockers. Ces salaires représentent un peu plus d’un million par mois. Et nous n’avons eu pratiquement aucune recette. Sur 22 jours de conflit, il y aura 4 jours retenus. Nous avons 18 jours pour notre compte. C’est-à-dire de l’ordre de 700.000 euros de pertes pour la structure Gemo, qui est nouvelle, créée dans des conditions un peu difficiles, qui part avec le coût du départ des dockers les plus anciens, et qui part dans des conditions tout à fait précaires. Gemo est une association, un groupement d’employeurs, dont l’objet n’est pas de faire des bénéfices. C’est même interdit par loi, lorsque vous faîtes du prêt de main d’œuvre. Pratiquement 95 % des charges de Gemo sont constitués de frais salariaux. Dès lors que vous avez des frais et pas de recettes, vous perdez énormément d’argent.
Dans vos communications aux médias, vous disiez régulièrement qu’il s’agissait d’un conflit « inutile ». Pourquoi ce terme ?
C’est un conflit qui n’a rien rapporté, en termes de résultat apparent, aux ouvriers dockers. Ils ont décidé de changer de méthode, là-dessus il faut être clair. Depuis sept ans que la convention collective de 2003, c’est-à-dire la mensualisation, a été mise en place, les NAO se sont tenues régulièrement. Elles ont été difficiles, elles se sont terminées généralement à l’aube, mais elles se sont terminées par des accords. Sans qu’il y ait besoin d’avoir recours à des blocages. Cette fois-ci, non seulement il y a eu ce long blocage mais il a démarré avant même la fin des négociations. Puisque, dès le 4 février les ouvriers dockers ont décidé de se mettre en grève, certes perlée, mais grève malgré tout. Alors même que nous avions encore une réunion, le 7 février, où nous aurions pu, je pense, trouver un accord. Grève inutile, car les 3 % qui ont été accordés correspondaient à peu près à ce qui était envisageable, compte tenu du fait que ça faisait deux ans qu’il n’y avait pas eu de NAO. L’an dernier il n’y en a pas eu pour une raison extrêmement simple, c’est qu’il n’y a pas eu de demande par les ouvriers dockers.
Retrouvez l’interview complète dans le magazine Antilla