Manuel Valls, ministre des Outre-mer, s’apprête à fouler le sol martiniquais ce lundi 17 mars. Il est attendu qu’il soit confronté à une réalité sociale préoccupante : près de 44 300 ménages, soit 27 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté, une proportion presque double de celle observée dans l’hexagone. Cette précarité touche également les enfants, dont 32 % sont concernés.
Le ministre est conscient que le niveau de vie médian en Martinique s’établit à 1 360 € mensuels, inférieur de 20 % à celui de la métropole. Les prestations sociales constituent près de la moitié des revenus des ménages pauvres, tandis que les revenus d’activité ne représentent que 21 %. Cette situation est exacerbée par un coût de la vie élevé, les produits alimentaires étant en moyenne 42 % plus chers qu’en métropole, rendant l’accès aux biens essentiels difficile pour les ménages modestes. Les jeunes, les familles monoparentales et les personnes seules sont les plus vulnérables, notamment dans les zones rurales et les quartiers défavorisés où les conditions de vie sont particulièrement difficiles. La précarité alimentaire s’est aggravée, affectant gravement ces ménages, avec des conséquences sur la santé et l’inclusion sociale.
Il est peu probable que le ministre aborde la question de la majoration de 40 % des salaires des fonctionnaires en Martinique, communément appelée « prime de vie chère ».
Instituée pour compenser le coût de la vie élevé dans les départements d’outre-mer, cette sur-rémunération représente une charge financière conséquente pour l’État, estimée à plus d’un milliard d’euros annuellement selon la Cour des comptes. Elle engendre des disparités salariales entre les fonctionnaires bénéficiaires et les autres travailleurs locaux, notamment ceux rémunérés au SMIC, accentuant ainsi les inégalités de revenus dans un contexte déjà marqué par la vie chère. Certains estiment que cette mesure contribue à une inflation locale en augmentant la demande dans un marché restreint.
Lors de sa visite, l’éminent membre du gouvernement annoncera certainement un projet de loi sur la vie chère,
Un projet qui va s’ajouter aux propositions du Parti socialiste au Parlement et à celles du Sénat. Reste à savoir s’il reprendra sur place les propos prononcés à l’encontre des monopoles et oligopoles ultramarins et s’il annoncera des mesures nouvelles pour remédier à ces situations qu’il a dénoncées dès son arrivée rue Oudinot.
Pour que ce déplacement du ministre ne soit pas qu’une promenade de santé supplémentaire.
Il faudrait qu’il annonce un projet structurant, propre à améliorer réellement la situation économique du territoire. Quelque chose d’aussi déterminant que la Zone Franche Sociale (ZFS), une mesure économique pensée pour répondre aux défis structurels de la Martinique et de la Guadeloupe, marquées par un chômage élevé, un coût de la vie important et une attractivité économique en déclin. Ce dispositif prévoit une exonération totale des charges patronales et salariales pour les salaires du secteur privé, sans distinction de revenus, permettant ainsi aux employés de percevoir un salaire brut équivalent à leur salaire net. Cette réforme vise à accroître le pouvoir d’achat des salariés tout en réduisant les charges pour les employeurs, favorisant ainsi l’investissement et la création d’emplois. Elle ambitionne également de relancer la consommation, d’attirer des investisseurs et de limiter l’exode démographique, tout en soutenant des secteurs stratégiques comme le tourisme, l’industrie du rhum ou l’agriculture locale. Parmi les bénéfices attendus, une hausse du pouvoir d’achat, une diminution du chômage et une dynamique fiscale positive grâce à l’augmentation des recettes de la TVA et de l’octroi de mer.
Il serait opportun de rappeler au ministre que, au-delà des dénonciations tonitruantes et des mouvements de menton, il est indispensable que l’État prenne ses responsabilités et ne laisse pas aux seules initiatives locales et associatives, telles que celles du Secours Catholique et de la Banque alimentaire, la lourde tâche d’atténuer les impacts sociaux liés à la pauvreté et à la vie chère. Ces organisations mettent en place des épiceries sociales et des aides alimentaires d’urgence, mais elles ne peuvent constituer à elles seules un rempart suffisant contre la précarité qui sévit sur l’île.
Gérard Dorwling-Carter