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par
Damien Altendorf, rédacteur scientifique
Jusqu’à présent, les travaux portant sur la cryosphère planétaire, c’est-à-dire l’ensemble des zones où l’eau est présente à l’état solide, se sont concentrés sur des aspects précis de cette dernière : glaces de mer, calottes polaires, manteau neigeux, pergélisol, etc. Dans une étude récente, un groupe de chercheurs a désormais considéré la cryosphère dans sa globalité et quantifié son évolution entre 1979 et 2016.
Il s’agit de la première évaluation holistique accomplie à ce jour dans un seul et même cadre de travail, permettant un suivi globalisé d’une précision sans précédent. Le papier est paru dans la revue scientifique Earth’s Future le 16 mai dernier.
La cryosphère planétaire et son évolution récente
Les données travaillées par les scientifiques montrent que la surface occupée par la cryosphère a reculé de 87 000 km² par an en moyenne sur la période d’étude. Ce recul est sans surprise en corrélation avec la hausse moyenne des températures et tend à s’accélérer. Toutefois, une asymétrie notable existe entre les deux hémisphères. Aussi, on recense une perte de 102 000 km² par an dans l’hémisphère nord, légèrement compensée par un gain de 14 600 km² par an dans l’hémisphère sud. Cette légère tendance à la hausse résulte essentiellement d’une extension de la glace de mer dans le secteur de la mer de Ross, probablement en lien avec l’afflux d’eau de fonte (froide et peu salée) depuis le continent Antarctique.
Les changements mis en exergue par l’équipe de chercheurs sont d’un intérêt tout particulier puisqu’ils impliquent une diminution du pouvoir réfléchissant des surfaces océaniques et continentales considérées. En effet, lorsque la glace et la neige reculent, elles laissent place à un substrat plus sombre, absorbant plus fortement le rayonnement solaire et participant à réchauffer encore plus le système climatique. On parle de rétroaction de l’albédo pour désigner ce cercle vicieux. Par ailleurs, le transfert d’eau depuis les surfaces terrestres vers l’océan contribue à l’élévation du niveau des mers.
Les différentes composantes de la cryosphère (haut, en nuances de couleurs) et l’échelle de temps de leurs fluctuations (bas). Crédits : IPCC, AR5.
Des périodes de gel de moins en moins longues
Les résultats indiquent également que pour de nombreuses régions, la durée pendant laquelle le paysage est pris par les glaces a diminué de plusieurs jours à plusieurs semaines entre 1979 et 2016. Le gel arrive à la fois plus tard et s’estompe plus tôt dans l’année. « La cryosphère est l’un des indicateurs climatiques les plus sensibles et le premier à démontrer un monde en mutation », note Xiaoqing Peng, auteur principal du papier. « Son changement de taille représente une évolution globale majeure, plutôt qu’un problème régional ou local ».
En plus de préciser les liens étroits qui existent entre l’évolution du climat et celle de la cryosphère, les données disponibles au pas de temps journalier permettent d’apprécier les fluctuations de la cryosphère sur toute une gamme d’échelles. Elles révèlent par exemple le détail du cycle saisonnier avec un maximum d’extension planétaire atteint au mois de décembre, lors de l’hiver de l’hémisphère nord. Le minimum est quant à lui atteint en juillet, lors de l’été boréal. « Nos résultats soulignent l’importance d’évaluer la cryosphère dans son ensemble et fournissent un moyen d’estimer quantitativement ses changements globaux », souligne l’étude dans son résumé.